Béton armé : l'un des derniers bâtiments « Hennebique » au monde sera (presque) conservé
Jean-Philippe Defawe (Bureau de Nantes du Moniteur) | le 19/10/2018 | Culture, Urbanisme, Chantiers, Loire-Atlantique, Béton armé
L’immeuble Cap 44, parmi les premiers au monde à être construit en béton armé selon le procédé Hennebique, ne sera pas entièrement démoli mais « transformé », annonce la maire de Nantes. Objectif, libérer la vue sur la Loire, dans la perspective du futur Jardin extraordinaire et de l’Arbre aux hérons.
Aujourd’hui, ce bâtiment du Bas-Chantenay, qui vient d’être racheté par Nantes Métropole Aménagement à Axa pour 1,25 million d’euros, est une verrue urbaine. A quoi ressemblera-t-il demain sans son bardage bleu datant des années soixante-dix ? Après six mois de concertation, la ville a fait « le choix d’une préservation et d’une évolution respectueuse de l’histoire ». Le choix d’un compromis en réalité suggéré notamment par l’urbaniste Bernard Reichen, en charge de l’aménagement des 150 ha du Bas-Chantenay.
Etage Hennebique conservé
Le bâtiment ne gardera la totalité de sa hauteur que sur la partie Ouest, avec un belvédère à son sommet et son porte-à-faux sur le pignon. La partie Est sera abaissée et le rez-de-chaussée ouvert pour permettre les vues sur la Loire depuis la carrière où l’agence Phytolab va réaliser un Jardin extraordinaire et la compagnie La Machine va construire son futur Arbre aux hérons pour 2022.
Un étage témoignant du procédé de construction historique, le procédé Hennebique, sera conservé. Sont également prévus un espace de 1 000 m2 dédié à l’imaginaire de Jules Verne, et un espace dédié au quartier, précise la ville. « Tout n’est pas encore défini, le travail doit se poursuivre pour donner corps au projet. C’est une nouvelle vie qui s’ouvre pour ce bâtiment, qui en fera vivre la valeur esthétique et patrimoniale, tout en l’inscrivant dans son environnement » a déclaré Johanna Rolland.
Un bijou...
L’élue appuie sa décision sur une consultation lancée du 29 mars au 30 avril dernier (qui a reçu 76 contributions individuelles et quatre collectives) et une commission citoyenne composée de 12 volontaires qui a transmis son avis aux élus le 18 juin. Trois scénarios ont alors été étudiés : la préservation, le maintien partiel ou la démolition.
Les instances représentatives des architectes n’ont malheureusement pas participé à cette consultation mais, à la fin de l’été, elles ont tenté d’interpeller les élus. Pour la première fois de leur histoire, l’Ordre régional des architectes et les deux maisons de l’architecture (l’Ardepa et la MRAPDL) se sont mobilisés ensemble en lançant un appel pour sauver les Grands moulins de la Loire. Unanimes, les architectes rappellent que sous « ses habits bleus plus vraiment sexy se cache un bijou aujourd’hui invisible ». Pour Pascal Fourrier, vice-président de la Maison régionale de l’architecture des Pays de la Loire ce bâtiment est une référence de l’ingénierie mondiale. « Utilisant le procédé Hennebique, il a révolutionné la construction en béton armé et c’est aujourd’hui un des derniers grands témoins planétaires de cette innovation » explique-t-il.
« C’est un prototype. A l’époque, c’est expérimental, surtout à cette échelle » complète l’historien de l’architecture Gwenaël Delhumeau, auteur de « L’invention du béton armé. Hennebique, 1890-1914 » à l’Institut Français d’Architecture qui insiste aussi sur l’importance de la géographie. De fait, sa situation en bord de Loire et ses 8 000 m2 développés sur six niveaux (25 mètres de haut) lui confèrent un statut de signal urbain qui fait écho aux grues Titan sur l’île de Nantes et la Cité Radieuse conçue par Le Corbusier à Rezé, sur l’autre rive.
« Il est urgent d’attendre »
« On a besoin de ces repères pour imaginer l’avenir » estime Pascal Fourrier. Les architectes appellent donc à stopper toute velléité de démolition, même partielle. « Il est urgent d’attendre » préconise Sylvie Hoyeau, présidente de l’Association régionale pour la diffusion et la promotion de l’architecture (Ardepa).
Le collectif d’architectes propose dans un premier temps de donner à voir la structure Hennebique en débarrassant le bâtiment de ses oripeaux bleus, puis de donner accès « pour mesurer in situ, de l’intérieur, la structure et son lien enthousiasmant vers la Loire et la carrière ».
Ensuite seulement un appel à projets pourrait être lancé pour « imaginer un lieu ouvert, accessible et original ».
Un autre choix
La Ville a donc choisi une autre voie et les premiers travaux sont annoncés pour la mi-2020. Pour Olivier Château, élu de Nantes en charge du patrimoine, « c’est vrai choix qui permet d’abord et surtout de conserver et de valoriser un élément important de notre patrimoine industriel et du patrimoine architectural mondial ». Rappelant que Nantes est reconnu pour son savoir-faire en la matière avec le Lieu unique, les halles Alstom, les Nefs ou la Manufacture des Tabacs…, il estime que « le patrimoine peut aussi s’adapter à la ville du XXIe siècle tout en continuant à raconter l’histoire d’une ville ».
Quel sort pour la Beaujoire ?
L’histoire dira si la préservation (ou la destruction) partielle des Grands Moulins de la Loire a été le bon choix. Dans tous les cas, il en restera au moins des traces. Une chance que pourrait ne pas avoir le stade de la Beaujoire, conçu en 1984 par l’architecte Berdje Agopyan. Dans le cadre du projet Yellopark, l’ouvrage emblématique est promis à la destruction pour laisser place à un stade neuf plus conforme au business de l’industrie du sport.
Ce projet entièrement privé qui prévoit la construction d’un stade de 40 000 places en partie financé par un projet urbain avec 1 500 logements et 50 000 m2 verra son sort scellé le 7 décembre projet avec le vote, en conseil métropolitain, de la cession des 21 hectares de la parcelle.
Gillou44
12/11/2019 09h:19
Hennebique, ou pas , il est moche, Ce n’est pas le matériau qui est important, mais l’architecture