Alors que l’Argentine est en deuil de son héros, Diego Armando Maradona, la crise économique que connaît le pays exacerbe la crise du logement dans la capitale, Buenos Aires. En témoignent les usurpations de terrain qui se multiplient dans la province (1 800 plaintes déposées depuis le début de l’année). En témoigne, aussi, la grave détérioration des HLM existants dans la capitale argentine ou aux abords de celles-ci. Des méga-cités qui ne riment pas forcément avec mal-être, sauf quand elles deviennent le repaire de trafiquants de drogues. Immersion en images dans cet univers de logements populaires marqués par des échecs retentissants, mais dont le présent est prometteur avec des réalisations d’une architecture ambitieuse.
Le quartier « Armée des Andes », la cité d’origine du joueur de football Carlos Tévez, plus connu sous le nom de Fort Apache, mérite bien son nom. Très détériorée, cette cité est emblématique de la délinquance et de la pauvreté à Buenos Aires, où les trafiquants de drogue ont transformé les certaines tours en centres névralgiques du commerce de cocaïne, ceci avec la complicité plus ou moins passive de la gendarmerie.
Le quartier Soldati a été inauguré en 1978. Le cabinet d’architectes Staff, qui l’a conçu, fut très actif sur le créneau du logement populaire tout au long des années 1960, 1970 et 1980, remportant un grand nombre de concours, car ce fut l’âge d’or de la construction de cités populaires sous des gouvernements militaires soucieux surtout de livrer et non de pérenniser des ouvrages monumentaux mal ou carrément pas finis.
Une des architectes du quartier Soldati, Olga Wainstein, du cabinet Staff, constate avec le recul que « le chômage et la délinquance qui y règnent ont contribué à la détérioration gigantesque des immeubles. »
Les cités jumelles Lugano I et II barrent l’horizon sud de la ville de Buenos Aires. Ex-membre du cabinet d’architectes Staff, Olga Wainstein, à 80 ans, admet aujourd’hui ses erreurs comme celle d’avoir dessiné des passerelles communicantes entre les tours, devenus synonymes d’insécurité. « En 1966, nous n’imaginions pas que ces couloirs et passerelles allaient être le théâtre de viols, de vols et de trafic de drogues », a-t-elle dit, il y a peu, au journal La Nación.
Les appartements des monumentales cités jumelles Lugano I et Lugano II ont été alloués à des sous-officiers militaires pour ce qui concerne les tours, et aux employés municipaux de la ville de Buenos Aires pour ce qui est des barres d’immeubles. Une rétribution pour bons services rendus qui a eu lieu sous les juntes militaires d’Onganía et de Videla. Des passages souterrains reliant la cité aux casernes du sud de Buenos Aires auraient été utilisés lors du coup d’état de 1976.
L’architecture argentine actuelle, en matière de logement social, montre un meilleur visage que par le passé. Telles ces deux tours conçues par le cabinet MSGSSS, dans le quartier de Barracas, au sud de Buenos Aires, lesquelles font partie du nouveau quartier Estación Buenos Aires. De 12 étages chacune, leur montage en forme de blocs incrustés leur donne une légèreté visuelle, mais surtout des terrasses de 4x4 m à chaque unité. L’architecte Justo Solsona, de MSGSSS, s’explique par une lapalissade : « J’ai voulu doter ce HLM d’un patio, car les pauvres, au fond, veulent ce qu’ont les riches. »
L’Argentine est un pays de football. Buenos Aires est donc la capitale des footballeurs. Et ceux-ci viennent souvent des quartiers déshérités ou des cités HLM. Ce fut le cas de Maradona bien sûr. Ce fut aussi le cas de Carlos Tevez. Celui qu’on surnomme « L’Apache » est né dans le quartier « Armée des Andes », plus connu sous le nom de... Fort Apache.
Très détériorée, cette cité est emblématique de la délinquance et de la pauvreté à Buenos Aires, où les trafiquants de drogue ont transformé certaines tours en centres névralgiques du commerce de cocaïne, ceci avec la complicité plus ou moins passive de la gendarmerie.
Forcément, y rester deux heures à prendre des photos, à monter les tours et prendre des vues de ces couloirs, sous les yeux des trafiquants dont le regard s’intensifie au gré des rencontres, cela finit par faire trop.
Au détour d’un passage, un homme énervé surgit, sale gueule. « Tu prends des photos, hein ?... » Il appuie son flingue sur le ventre du journaliste, qui lui cède son sac à dos, son argent, sa caméra. L’homme est a fortiori sous coke, furieux. « Tu travailles pour qui ? T’es flic ? »... Le pistolet me chatouille les côtes. « Je suis reporter d’une revue d’architecture. » Un ange passe. Un acolyte du tueur en puissance lui lance : « Vas-y, c’est bon. Lâche-le. » Et au journaliste, avec un coup de pied au cul : « On ne prend pas de photos, ici. Il y a des codes. » Certainement pas des codes d’urbanisme.
Ne reste d’une série de superbes photos que nous vous devons, cher lecteur, que cette vue panoramique prise avec un téléphone portable, dont la qualité fera s’arracher les cheveux le directeur photo du journal. Elle montre néanmoins le Fort Apache dans son environnement.