La réalisation de la rocade L2, à Marseille, n’est pas seulement un grand chantier autoroutier urbain. C’est aussi la déclinaison, en infrastructure, d’un modèle numérique créé pour le bâtiment : le BIM.
Etudier et gérer un grand chantier d’infrastructure depuis une maquette numérique. Faire en sorte que tous les intervenants partagent les données communes sur divers supports (PC, tablette) au bureau, sur le terrain ou lors de réunions publiques. Depuis des années, Pierre Benning, directeur informatique technique chez Bouygues Travaux publics, et Christophe Castaing, directeur de projet chez Egis International, y pensent. Leur credo porte un nom : MINnD, ou modélisation des informations interopérables pour les infrastructures durables. Il consiste à instaurer dans les TP les mêmes pratiques collaboratives que celles du BIM (bâtiment et informations modélisés) pour le bâtiment : maquette numérique, plate-forme d’échanges, contrôle des procédures, définition et gestion d’objets en trois dimensions, information et cycle de vie. Décidée en 2013, la réalisation de la rocade L2 (ou A 507) à Marseille est l’occasion rêvée pour eux de passer à un démonstrateur réel. Prévu de longue date, le projet conduit par Egis et Bouygues avec DTP Terrassement vise à relier l’A7 à l’A50, au nord-est de la ville. C’est d’abord un chantier en environnement complexe avec une moitié de travaux neufs, des zones très urbanisées et des tunnels. Mais c’est aussi un partenariat collaboratif qui mobilise des ingénieurs habitués au terrain : Rémy Roussel, directeur du chantier L2 chez Bouygues TP, Gildas Le Bever, ingénieur de projet, et Roland Abou, directeur des études, chez Egis International. Et aussi des informaticiens, comme Charles-Edouard Tolmer, doctorant à l’université Paris-Est Marne-la-Vallée.
Un travail continu à l’inverse de la culture habituelle
Dès juillet 2013, Egis et Bouygues préparent et définissent le cadre informatique du projet. Mais trois mois plus tard, la mise en production montre que, sans objectif défini, il est impossible d’enclencher l’adhésion et de mobiliser les équipes. Le process est remis en bon ordre en décembre 2013, après avoir hiérarchisé les contenus et les usages en créant un plan de management et en assignant des objectifs. Depuis mars 2014 et le lancement des travaux sur le terrain, la liste s’est enrichie : à terme, elle répondra exhaustivement à tous les phasages du site. « C’est la clé du projet, insiste Pierre Benning. Par exemple, nous travaillons sur les échangeurs en intégrant toutes les données qui ont trait aux séquences de construction : l’assainissement, l’acoustique, l’hydraulique, la sécurité… » Avec la méthode traditionnelle sur papier, le travail de conception se fait étape par étape, lot par lot. La maquette numérique de la rocade L2, elle, est un outil unique en évolution constante. Le statut de l’information – « validée » ou « à valider » – et les dates de mise à jour sont primordiaux. « Nous travaillons en continu, à l’inverse de la culture habituelle qui veut qu’un plan édité soit finalisé », explique Christophe Castaing. Entre Egis et Bouygues, ce travail en mode collaboratif exige précision, confiance et contacts permanents. Le premier enregistre ses informations sur l’ingénierie dans la maquette. Elles sont interprétées, retournées commentées, avant d’être exploitées par le second pour réaliser le chantier.