La loi du 20 août 2008 permet aux entreprises de négocier des assouplissements à la durée légale du travail, qui reste fixée à 35 heures. Le texte réforme notamment une partie des règles relatives aux heures supplémentaires et aux forfaits jours. Présentation des principales nouveautés.
Nouveau coup porté aux 35 heures. La loi du 20 août 2008 modifie une partie du dispositif régissant le temps de travail. « La durée légale du travail effectif des salariés est fixée à 35 heures par semaine », précise toujours le Code du travail. Celles-ci constituent, comme auparavant, le seuil de déclenchement des heures supplémentaires et de leur majoration. Mais le texte permet aux entreprises de négocier en interne de généreux assouplissements. Priorité est ainsi donnée à l’accord d’entreprise pour la fixation du contingent d’heures supplémentaires, la mise en place du compte épargne-temps (CET) ou celle des forfaits en jours. L’accord de branche devient subsidiaire : il n’intervient qu’à défaut.
Le changement est notable. Mais cette nouveauté est à envisager toutefois à l’aune des nouvelles règles destinées à renforcer la légitimité des accords collectifs, contenues dans le premier volet du texte. A partir du 1er janvier 2009, les accords d’entreprise devront être signés par les syndicats ayant recueilli au moins 30 % des suffrages aux élections professionnelles, et ce en l’absence d’opposition des organisations ayant recueilli la majorité des suffrages. « Le niveau local est à mon sens plus approprié que la branche : le carnet de commandes, c’est bien l’entreprise qui en est tributaire », analyse Guy Groux, directeur de recherche CNRS au Cevipof, centre de recherches politiques de Sciences Po.
Heures supplémentaires : les nouvelles règles
Les entreprises pourront désormais négocier leur propre contingent d’heures supplémentaires et les conditions de son dépassement. Concrètement, libre à un accord d’entreprise de déroger à un accord de branche, qui devient subsidiaire, et de prévoir ainsi un contingent supérieur. Les entreprises du BTP pourront ainsi revoir à la hausse le contingent de 180 heures fixé au niveau de la branche.
Autre nouveauté : plus besoin désormais de solliciter l’autorisation de l’inspecteur du travail pour les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent ou de l’informer pour celles accomplies en deçà. Il conviendra de consulter les institutions représentatives du personnel dans le premier cas et de les informer dans le second.
Le repos compensateur obligatoire, rebaptisé « contrepartie obligatoire en repos », n’est désormais imposé qu’au-delà du contingent (toujours à hauteur de 50 % pour les entreprises de 20 salariés au plus et de 100 % pour les autres). Bien entendu, libre toutefois à un accord de prévoir cette contrepartie en repos à l’intérieur du contingent.
D’autre part, priorité est, là aussi, donnée à la négociation d’entreprise sur celle de branche pour prévoir le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires par un repos, désormais nommé « repos compensateur équivalent ».
La faculté de monétiser ces repos, ouverte à titre temporaire par la loi sur le pouvoir d’achat du 8 février 2008, est pérennisée.
Souplesse dans le forfait jours
Autre axe de la réforme : les forfaits annuels en jours. Ces derniers pourront dorénavant être mis en place prioritairement par accord d’entreprise, et à titre supplétif par la branche.
Comme auparavant, cet accord ne pourra prévoir un nombre de jours travaillés annuels supérieurs à 218. Mais l’employeur pourra proposer à un salarié de travailler au-delà par rachat de ses jours de repos. Une faculté ouverte dès 2005, à condition qu’un accord de branche le prévoit. « Or très peu de branches l’avaient autorisé », souligne Hervé Delmarre, directeur gestion sociale de KPMG. Ouvert quelle que soit la branche mais à titre temporaire par la loi sur le pouvoir d’achat, ce dispositif de monétisation est ainsi pérennisé.
Limite posée par le législateur : le respect des congés payés, le repos hebdomadaire et quotidien, les jours fériés chômés dans l’entreprise, dont le 1er mai, seul jour obligatoirement chômé. L’accord du salarié doit être matérialisé par écrit. « Aucune sanction ne peut être prise contre lui s’il ne souhaite pas travailler plus de 218 jours », garantit le ministère du Travail. « On ne saurait contraindre le travailleur à signer, renchérit Hortense Gebel, avocat associé au cabinet Fromont Briens. La Cour de cassation exerce d’ailleurs un contrôle de plus en plus précis sur le consentement des salariés à toute modification du contrat de travail. » L’accord se charge en principe de fixer le nombre annuel maximal de jours susceptibles d’être rachetés. Mais, nouveauté, à défaut de précision, le plafond sera de 235 jours.
Les jours travaillés au-delà du plafond fixé par l’accord seront payés avec une majoration de 10 % minimum, nets de charges sociales et d’impôt. L’employeur devra par ailleurs, une fois par an, consulter le CE sur la charge de travail des salariés en forfait, mais aussi prévoir un entretien individuel sur la charge de travail, l’articulation entre vie professionnelle et vie privée et la rémunération du salarié. Le travailleur qui estimerait sa rémunération insuffisante en regard des contraintes de la convention de forfait peut en outre demander en justice une indemnité. La disposition n’est pas nouvelle, mais l’indemnité sera calculée en fonction du préjudice subi en tenant compte du niveau du salaire pratiqué dans l’entreprise, et non plus au niveau de la branche.
Monétisation du compte épargne-temps
Les accords actuels en matière de contingent comme de forfait jours restent en vigueur, sans limitation de durée. Pour changer la donne, il faudrait ainsi les dénoncer et en négocier de nouveaux selon les nouvelles règles du jeu. « Or les entreprises hésiteront probablement à détricoter ce qu’elles ont mis longtemps à bâtir », estime Hubert Ribereau Gayon, avocat au cabinet Flichy Grangé.
Le compte épargne-temps (CET) sera instauré en priorité par accord d’entreprise et, à défaut, de branche. « C’était déjà un dispositif très peu encadré au niveau légal. Le texte va plus loin puisque, outre les conditions de l’alimentation du CET et les modalités de gestion, les partenaires sociaux peuvent désormais négocier les modalités d’utilisation des droits accumulés sur le CET, dans le respect des règles relatives aux congés payés », décrypte Hortense Gebel. En outre, le texte jette une passerelle entre CET et Perco (plan d’épargne pour la retraite collectif). Les faveurs fiscales et sociales, jusqu’alors limitées aux seuls droits issus d’un abondement de l’employeur et utilisées en vue de la retraite, sont étendues aux droits constitués par le salarié dans la limite de dix jours par an.
Les droits affectés sur le CET pourront enfin être monétisés sans limitation de durée.