Urbanisme POS : comment apprécier la notion d'«économie générale»?
En l'absence de définition dans le projet de loi SRU, le juge administratif continuera de se prononcer au cas par cas.
PAUL ALBISSON
Le projet de loi de solidarité et de renouvellement urbain (SRU), qui remplace les plans d'occupation des sols par des plans locaux d'urbanisme, ne devrait pas remettre en cause les deux procédures de remaniement d'un POS : la modification et la révision. Malgré de nouvelles précisions (voir encadré), ce texte ne définit toujours pas la notion d'économie générale dans les plans d'urbanisme. Le juge administratif continuera donc d'apprécier cette notion au cas par cas. En attendant d'éventuelles explications, il pourra toujours se référer à la circulaire du 29 décembre 1977 du ministère de l'Equipement relative à la modification et à la révision du POS. Elle donne quelques précisions sur ce qui peut être considéré comme une atteinte à l'économie générale du plan, soit en zone urbaine (adjonction, suppression ou changement de localisation d'emplacements réservés, importants par leur destination ou leur superficie, etc.), soit en zone naturelle (changement de zonage allant au-delà de simples ajustements, comme, par exemple, le remplacement d'une zone d'urbanisation future par une zone de risques et de nuisances, etc.).
Un ou plusieurs changements
Selon le juge administratif, l'atteinte n'est pas fonction du nombre de changements que la commune compte apporter à son plan existant.
Dans sa dernière grande décision intervenue en la matière (20 novembre 1996, « Association de protection Aigue-Bouzaize-Saint-Martin »), le Conseil d'Etat n'a pas sanctionné la commune qui avait prévu quatre changements dans le processus de modification de son POS (inclusion de sept parcelles dans une nouvelle zone NA ; suppression de l'emprise de deux emplacements auparavant destinés à des voies de desserte dont la construction n'était pas nécessaire ; modification sur une centaine de mètres carrés du profil d'un emplacement réservé pour la construction d'une voie).
A contrario, un seul ou deux changements peuvent porter atteinte à l'économie générale. Ainsi, la création de deux nouvelles zones d'aménagement concerté (ZAC) sur la commune porte atteinte, en raison de l'importance du territoire affecté, à l'économie générale du plan (Conseil d'Etat, 20 novembre 1987, « Commune de Moissy-Cramoyel »).
Il en va de même pour l'extension de l'urbanisation communale à 4 ha qui, au détriment de la seule zone d'activité agricole d'une commune rurale d'un millier d'habitants, porte atteinte à l'économie générale du plan (tribunal administratif de Lyon, 17 octobre 1991, « préfet du Rhône c./ commune de Les Chères »).
Etendue géographique du secteur
La question de la superficie est un élément primordial de la réflexion du juge administratif sur la distinction entre modification et révision du POS.
Ainsi, la réduction d'emprises de protections particulières ne touchant qu'une partie du territoire concerné ne porte pas atteinte à l'économie générale du plan (Conseil d'Etat, 3 avril 1987, « ministère de l'Urbanisme et du Logement c./ Association pour la protection de l'Environnement des habitants de Châteauneuf-de-Grasse »). Il a été jugé de manière identique pour la création d'une réserve permettant la réalisation d'un chemin n'ayant porté que sur des superficies très limitées par rapport à la superficie totale (Conseil d'Etat, 8 février 1989, « Mme Toner et M. Petit »).
Les changements apportés à la destination d'un quartier ou contribuant à la nouvelle vocation d'un secteur importent peu : si ces changements portent sur une superficie très réduite du territoire communal, il n'y aura pas atteinte à l'économie générale du projet de POS (tribunal administratif de Nice, 17 mars 1986, « Commissaire de la République des Alpes-Maritimes »).
Critère de constructibilité
C'est l'application différenciée de coefficients d'occupation des sols (COS) sur un territoire de même nature qui, en fonction de leur nombre et de leur importance, altère l'économie générale du POS en vigueur. Ainsi, la fusion en une seule zone NA au COS de 0,35, de deux zones contiguës (classées précédemment en zone NB et UE aux COS respectifs de 0,15 et 0,65) ne constitue pas une modification portant atteinte à l'économie générale du POS, en raison du caractère limité du changement de degré de constructibilité du secteur (tribunal administratif de Marseille, 2 juillet 1993, « époux Leloup et autres »).
En revanche, lorsqu'une commune envisage de substituer quatre COS différents au coefficient uniforme applicable initialement sur la zone NA du plan, il y a atteinte à l'économie générale de ce plan (Conseil d'Etat, 10 octobre 1990, « M. Arnaud », no 86119).
Remise en cause du parti d'urbanisme
Le critère de constructibilité va de pair avec celui lié à l'importance de l'extension ou de la limitation de l'urbanisation sur un territoire communal qui amène le juge administratif à sanctionner les communes utilisant la modification au lieu de la révision (jugement précité tribunal administratif de Lyon, 17 octobre 1991). En revanche, le fait, pour la commune de Nogent-sur-Marne, de ne pas avoir déclassé, après enquête publique, six parcelles faisant partie, dans le projet de révision de POS soumis à ladite enquête, d'une zone Ubc, dans une zone Uea de faible constructibilité, ne porte pas atteinte à l'économie générale du POS (Conseil d'Etat, 6 octobre 1995, « Abekhezer »).
Enfin, il arrive que l'argumentation du juge administratif ne repose sur aucun véritable critère pour apprécier la légalité de la procédure de modification du POS.
Il se contente ainsi de trancher de manière subjective en évoquant « la remise en cause du parti d'urbanisme initialement retenu pour le territoire communal » (Conseil d'Etat, 7 janvier 1997, « Pierre Duplaix et autres ») ou le « nouveau parti d'aménagement conçu par la commune » (Conseil d'Etat, 17 mars 1993, « Commune Le Pouliguen c./ Godfryd ») pour sanctionner l'administration locale qui a retenu le processus de modification.
EN SAVOIR PLUS
Texte de référence : Projet de loi SRU, « Le Moniteur », du 10 décembre 1999, cahier détaché, p. 426. Article du Moniteur : « Les sénateurs amendent la loi Gayssot-Besson », 21 avril 2000, p.20. Ouvrage : « Code pratique de l'urbanisme », classeur à refonte annuelle, Editions du Moniteur.
Bon à savoir : Avec la loi SRU : un recours à la modification plus limitéL'article 3 du projet de loi SRU a prévu l'insertion d'un nouvel article L. 123-12 du Code de l'urbanisme, remplaçant l'actuel article L. 123-4 qui distingue la modification de la révision du POS.
Par rapport à la législation actuelle, la nouvelle loi va limiter le recours à la procédure de modification du POS, plus souple à utiliser pour les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), puisque ce nouvel article L.123-12, dans sa dernière version, indique :
« Un POS peut également être modifié par délibération du conseil municipal après enquête publique à condition :
- qu'il ne soit pas porté atteinte à son économie générale et que la modification n'ait pas pour effet de réduire une protection édictée en raison de la valeur agricole des terres, des risques de nuisance, de la qualité des sites, des paysages ou des milieux naturels ou un espace boisé classé ou ne comporte pas de graves risques de nuisance,
- ou que la modification ne porte que sur la suppression ou la réduction des prescriptions relatives aux obligations imposées en matière de réalisation d'aires de stationnement. »