Unique ! Une centrale à béton exclusivement alimentée par train
Holcim vient d’inaugurer une centrale à béton installée intra-muros, à Paris, dans un écoquartier. Des adaptations liées aux contraintes environnementales ont dû être opérées. Avec succès.
Paris compte une centrale à béton de plus. Holcim vient en effet d’inaugurer son site de production Paris-Batignolles, situé à l’intérieur de la capitale, jouxtant les 10 ha de terrains qui constituent la ZAC Clichy-Batignolles. Or le projet d’aménagement de cette zone, outre le futur tribunal de grande instance de Paris, comprend la construction d’un écoquartier respectueux de l’environnement.
Comment concilier ces impératifs écologiques avec l’exploitation d’un site industriel ? C’est le défi qu’a relevé Holcim. « Cette centrale est certifiée Haute Qualité environnementale. Un label que nous avons obtenu du premier coup », souligne Sébastien Yafil, directeur construction durable chez Holcim France. Cela se traduit par la mise en place d’équipements connus, comme le capotage d’une partie de l’installation, la rehausse des silos pour éviter que le vent n’y prélève de la poussière, ou encore une aire de recyclage des eaux de lavage. Beaucoup plus original, en revanche, est le mode d’alimentation. Pas de péniches ici, comme celles qui alimentent les centrales en bord de Seine, mais une voie ferrée. « Le site est celui d’un ancien atelier de la SNCF, raccordé au réseau. Nous avons construit deux quais qui nous permettent d’accueillir en simultané deux trains de 20 wagons, détaille Xavier Barth, directeur de Holcim Île-de-France Normandie. Ceux-ci livrent l’intégralité des granulats que nous consommons, soit 250 000 t par an, ce qui représente 10 000 camions en moins sur les routes. » Ces trains sont formés d’un seul type de wagon, adapté au matériel de déchargement. Celui-ci est composé de quatre « sauterelles », des trémies mobiles qui se placent sous les wagons pour en extraire les granulats. Inventés pour la circonstance, ces extracteurs sont eux aussi montés sur rails. Ils versent sur un tapis convoyeur qui, à son tour, verse dans la trémie d’alimentation principale de la centrale. Puis les granulats sont montés en haut des silos pour y être stockés. Un voyage qu’ils ne font pas par tapis, dont la longue pente aurait nécessité trop d’espace, mais par un élévateur à godets, également appelé « skip ». L’avantage de cet équipement compact est qu’il ne prend pas de place. Son inconvénient est sa fragilité et qu’il exige un entretien soigné. « C’est la bête à chagrin des centrales à béton », soupire Florian Lebrun, responsable d’exploitation. Or cette centrale en compte un second puisqu’il faut y ajouter celui montant vers les malaxeurs, car il y en a deux : un de 2,5 m³, le volume classique ; et un, plus rare, de 4 m³. « Nous anticipons l’évolution de la réglementation routière qui devrait autoriser davantage de charge utile, donc des volumes de toupies plus importants que ceux d’aujourd’hui », espère Xavier Bath. Malheureusement, le manque de place n’a pas permis d’attribuer à chacun des malaxeurs sa propre aire de livraison. Ils ne peuvent donc pas travailler simultanément, ce qui limite la capacité de production totale à celle du plus gros des malaxeurs : 120 m³/h. C’est suffisant pour atteindre l’objectif que Holcim s’est fixé, à savoir la fabrication de 1 000 m³ par jour. Les chantiers voisins devraient lui permettre d’atteindre rapidement cette cadence.
Pendant que Holcim inaugurait sa centrale à béton dans le quartier des Batignolles, Lafarge Granulats coupait le ruban d’une centrale de graves boulevard Victor, dans le XVe arrondissement de Paris. « Nous avons fait une étude de marché très poussée, et nous avons identifié un gros potentiel de développement », estime Cyril Annoni, responsable d’exploitation Île-de-France chez Lafarge. Le site, situé sur un quai de la Seine, à quelques centaines de mètres du boulevard périphérique, commercialise des produits de remblai : graves traitées au liant hydraulique, graves traitées au liant routier, graves dites « spécial VRD » composées de granulats recyclés, de sables stabilisés, etc. Les granulats composant ces produits sont tous livrés par barges avec un accostage quotidien. Une partie est stockée dans des silos pour commercialisation immédiate ; une autre est redirigée vers la centrale pour un traitement aux liants. Lafarge a également aménagé sur le site une aire de dépôt de déblais où les clients peuvent vider leur benne avant de la remplir de matériau neuf. Dommage de ne pas avoir installé sur place du matériel de recyclage… « C’est impossible en plein Paris, à cause du bruit et de la poussière que provoquent les cribles et les concasseurs, coupe Cyril Annoni. Economiquement, le plus important reste de ne pas faire repartir les péniches à vide. Elles nous livrent le granulat et repartent avec des déblais qui seront déchargés sur notre plate-forme de Gennevilliers (Hauts-de-Seine) où ils seront traités. » La centrale, une SAE, est équipée d’un malaxeur continu qui brasse les produits en flux constant, et non par gâchées comme le font les centrales à béton. L’installation a été prise en main par un cabinet d’architecture qui a fait le choix de la transparence. Non seulement les organes sont tous visibles, mais ils font l’objet d’un éclairage nocturne particulièrement soigné. C’est beau, une centrale la nuit…