Une vallée bretonne revit après l'effacement d'un barrage
DEGIOANNI Jacques-Franck | le 06/06/2002 | Eure, Eure-et-Loir, Cher, Mayenne, Morbihan
Entre Belle-Isle-en-Terre et Trégrom (ouest des Côtes-d'Armor), le Léguer a retrouvé son lit d'origine, dans une vallée en pleine renaissance après le long effacement du paysage d'un barrage hydro-électrique, une première en France sur une rivière à saumons.
La décision de détruire le vieux barrage de Kernansquillec, situé sur la commune de Plounévez-Moëdec, avait été prise pour des raisons de sécurité à la suite des crues catastrophiques de janvier 1995.
Annoncée par le Premier ministre Edouard Balladur en visite dans la région au moment de ces inondations, la mesure avait provoqué localement quelques remous et suscité l'ire du maire de la commune, Gérard Quilin (DVG), qui avait dénoncé - et dénonce toujours - une "décision politique".
La population s'était habituée au voisinage de cet ouvrage ambitieux, édifié au début des années 1920 pour alimenter en énergie les puissantes papeteries Vallée de Belle-Isle-en-Terre, jusqu'à leur fermeture en 1965. L'usine hydro-électronique, pourtant devenue obsolète et encombrante, faisait partie du paysage et était largement perçue comme un élément-clé du patrimoine industriel local.
"Le barrage et la papeterie ont fortement marqué la vie de deux générations, et il a fallu lancer une campagne d'explications pour faire accepter le démantèlement", explique le président de l'Association pour la protection et la mise en valeur de la Vallée du Léguer, Jean David.
Pour gérer au mieux ce "traumatisme", les pouvoirs publics ont voulu faire de l'effacement du barrage un chantier "exemplaire", avant d'engager une réhabilitation du site.
La démolition du barrage, à l'automne 1996, a donc été réalisée prudemment, morceau par morceau, après une vidange au compte-gouttes, l'aspiration de quelque 90000 tonnes de sédiments et une pêche de sauvegarde dans le Léguer, l'une des dix grandes rivières à migrateurs (saumons, truites) de France.
Au fil de longs mois, la nature a repris ses droits sur les rives de ce sinueux cours d'eau. Inondées durant 70 ans, les berges ont petit à petit été colonisées et stabilisées par une végétation sauvage.
La réhabilitation des lieux, qui aura coûté 1,31 million d'euros si l'on prend en compte la démolition du barrage, est aujourd'hui en voie d'achèvement.
Longtemps difficile d'accès pour le public, ce site très boisé, désormais doté de sentiers pédestres longeant la rivière et sa passe mixte poissons-canoës, sera officiellement inauguré le 5 juillet.
Aujourd'hui, les élus des communautés de communes de Beg Ar C'hra et du Pays de Belle-Isle-en-Terre espèrent faire des environs de l'ancien barrage de Kernansquillec un "levier" pour le développement touristique local.