Un rapport pour relancer la filière bois
Adrien Pouthier | le 20/06/2013 | Etat, Bois, Loire-Atlantique, France , Yonne
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Le député de l'Yonne et maire d'Avallon, Jean-Yves Caullet, présentait jeudi 20 juin à la presse, son rapport sur la filière bois, remis au Premier ministre le 6 juin dernier. Pour relancer la filière, le député refuse de privilégier un usage (construction ou énergie) plutôt qu'un autre, mais fait de l'utilisation du bois dans la rénovation et les opérations d'extension surélévation un des principaux débouchés.
La forêt couvre près de 30 % de la surface de la France métropolitaine. Avec plus de 400.000 emplois, les secteurs de la forêt et du bois sont à l'égal de l'industrie automobile. Le bois est considéré unanimement comme une ressource incontournable pour une politique de développement durable.
Et pourtant.
Avec 6,5 milliards d'euros de déficit, l'ensemble des secteurs concernés représente le deuxième poste déficitaire du commerce extérieur et la France importe massivement du bois, notamment pour l'ameublement et la construction.
Une situation paradoxale qui s'explique d'abord par la diversité des essences de bois et de leurs usages qui créent des rivalités entre les filières (chauffage, ameublement, construction... voir Focus) mais aussi par la disparité des situations de la forêt française en général. Comme le Général de Gaulle qui se demandait comment diriger un pays qui compte 258 variétés de fromages, on peut se demander comment gérer les 3,5 millions de propriétaires privés qui détiennent 10,6 millions d'hectares.
Le député de l'Yonne et maire d'Avallon Jean-Yves Caullet a proposé dans un rapport « Bois et forêts de France : nouveaux défis » et présenté jeudi 20 juin à la presse plusieurs pistes pour organiser et relancer la filière avec cette idée-force : un simple retour à l'équilibre de la balance du commerce extérieur serait créatrice de plus de 60.000 emplois.
Agir sur l'aval
Pour relancer la dynamique dans la filière, le rapport juge "essentiel de mener de front deux actions stratégiques".
Tout d'abord : "lancer une politique volontariste d'investissement dans l'aval pour relever le défi du commerce extérieur, développer les usages du bois comme matériau renouvelable et vertueux du point de vue climatique, et redonner un prix à la matière première permettant son renouvellement".
A ce stade la question de l'impact de la récente abrogation du décret bois qui imposait 10 % de bois dans les constructions s'est posée au député, qui n'y voit pas un frein insurmontable. "Le Conseil constitutionnel a jugé que l'absence de mention d'intérêt général devait rendre inapplicable le décret. Je comprends cet avis. Mais faut-il réellement une nouvelle loi pour imposer le bois dans la construction ? Je ne suis pas certain. Il faut au contraire que le bois s'impose par ses qualités notamment dans un contexte de rénovation des logements ou pour les extensions-surélévations." Et le député d'évoquer également plusieurs exemples de développement "de filières courtes" : des communes forestières qui construisent des bâtiments communaux avec le bois de leur forêts (voir notre article ci-contre)
Deuxième action : "poursuivre l'investissement en forêt en mettant les capacités d'investir à l'abri des fluctuations de court terme des marchés et des aléas climatiques pour optimiser et rendre accessible une ressource qui doit rester durable et multifonctionnelle, conduire dans le temps ses adaptations à l'évolution du climat pour garantir sur le long terme la fourniture d'une matière première. "
Fonds stratégique
Pour financer tout cela, le député propose la mise en place d'un fonds stratégique unique, "doté d'une gouvernance partagée regroupant tous les contributeurs et articulant l'action du fonds avec les autres outils du redressement productif comme la BPI", explique le rapport.
Ce fonds, propose Jean-Yves Caullet, serait doté à hauteur de 100 millions d'euros par :
- une dotation de l'Etat financée par la mise en recouvrement pluriannuel des sommes non recouvrées au titre de la taxe sur le foncier non bâti car situées au-dessous du seuil légal de recouvrement. " Cela représenterait 30 à 40 millions d'euros par an", estime le député;
- la mobilisation de l'épargne privée soumise au régime fiscal de l'investissement en forêt, soit 40 à 50 millions d'euros par an;
- une part de la collecte du Livret développement durable;
- une contribution compensatrice prélevée sur les exportations de grumes et une cotisation "recyclabilité" des produits importés ("En clair si on importe un produit dont la nature rendra extrêmement délicat son recyclage, on fait payer l'importateur", explique Jean-Yves Caullet),
- des contributions volontaires : des industriels, des villes et des agglomérations (compensation carbone) , de l'Ademe (reconstitution de la ressource bois dans le cadre du fonds chaleur)
- des cotisations volontaires des communes...
Finalement, Jean-Yves Caullet reste mesuré. D'abord parce que les clivages seront durs à dépasser : "A l'heure actuelle, pour un projet autour d'une forêt, il faut gérer le conflit entre les protecteurs de la biodiversité, les service d'entretien des forêts, ceux qui veulent produire du bois, et les populations qui trouvent que les arbres abattus le long des chemins forestiers rendent leurs promenades moins agréables." Et le député, provocateur d'ajouter : " On ne peut pas à la fois vouloir faire ses courses chez Conran Shop, se promener en forêt de Rambouillet et refuser qu'on abatte un arbre."
Et de conclure : "Le jour où l'on construira en bois avec du bois produit en France et scié en France ça sera gagné, mais on n'y est pas encore."
Télécharger le rapport Caullet
Lors d'une réunion préparatoire aux journées professionnelles de la construction organisées par la Capeb à Nantes les 20 et 21 juin, Jean-Marc Desmedt président de l’UNA Charpente-Menuiserie-Charpente (UNA CMA) pointait la concurrence interne à la filière entre production de biomasse, fabrication de papier et entreprises d’ameublement. « L’essor des chaufferies bois dans les collectivités depuis 2 à 3 ans a changé la donne avec une exploitation intensive de la forêt par des scieries géantes », constatait-il alors. « La solution passe par la mise en place d’une hiérarchisation des bois pour atténuer cette concurrence», préconsiait-il. « Les fédérations France Bois industries Entreprises (FBIE) et France Bois Forêt y travaillent pour qu’on aboutisse à un juste équilibre. »
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La construction bois