Edito

Un président ne devrait pas dire ça
Par Fabien Renou, rédacteur en chef | le 28/09/2018 | Emploi, Vie du BTP, Recrutement BTP
Il suffirait donc de « traverser la rue » pour être recruté. Exemple parfait du « parler vrai » macronien ou preuve indéniable de « l'arrogance » présidentielle, la petite phrase a nourri des heures de débat. En revanche, les réseaux sociaux comme les plateaux télé se sont peu attardés sur le reste du dialogue avec le jeune demandeur d'emploi. Le chef de l'Etat y précisait que, sur le trottoir d'en face, deux secteurs attendent les chômeurs à bras ouverts : l'hôtellerie-restauration et le bâtiment.
Que les entreprises de BTP s'adonnent à une quête éperdue de candidats, que les petites annonces s'accumulent chez Pôle emploi et que certaines embauches sont rondement menées, tout cela est exact. Emmanuel Macron connaît bien ses chiffres de l'emploi. En revanche, il semble tout ignorer de la réalité d'un recrutement.
Non, un maçon n'embauche pas un fleuriste les yeux fermés. Comme tous les autres, les employeurs du BTP recherchent des compétences, des savoir-faire et de la motivation.
« Il y a des tas de métiers qui demandent des formations », a concédé le président. Mais, à l'écouter, ce n'est le cas ni dans les cafés ni sur les chantiers.
Comme tous les autres, les employeurs du BTP recherchent des compétences, des savoir-faire et de la motivation.
On peut s'amuser de l'inconséquence de ces propos. On peut aussi craindre leurs conséquences. Car, si nos mots s'envolent, ceux du président restent. Quelques secondes de parole élyséenne suffisent à ruiner des années d'efforts
collectifs. Ceux des formateurs, qui œuvrent pour professionnaliser les métiers. Ceux des préventeurs, qui savent que les bonnes attitudes ne s'acquièrent pas en cinq minutes. Ceux de la filière dans son ensemble, qui dépense une énergie folle pour rehausser son image dans l'opinion.
C'est sans parler des compagnons. Ceux-là mêmes qui, entendant ce vieux cliché rabâché une fois de trop, ont reçu comme une gifle cette idée chargée de dédain : leur métier est à la portée du premier venu. C'est le président qui le dit.