Transition Energétique : l'Assemblée nationale adopte le projet de loi en nouvelle lecture
Après un premier passage dans les deux chambres législatives, le « projet de loi sur la transition énergétique pour la croissance verte » a été soumis, mardi 26 mai, au vote de l’Assemblée nationale. Les députés ont adopté un texte quasi similaire à leur première version, revenant ainsi sur les modifications apportées par le Sénat. Tour d’horizon de quelques mesures concernant le secteur du bâtiment.
Frédérique Vergne avec Sophie d'Auzon
Mardi 26 mai, l’Assemblée nationale a adopté en seconde lecture le « projet de loi sur la transition énergétique pour la croissance verte » avec 308 voix contre 217. Depuis le 19 mai, les députés planchaient pour retrouver une version quasi similaire à celle qu’ils avaient adoptée en premier examen en octobre 2014. Malgré ce vote, le texte repartira au Sénat puis reviendra à l'Assemblée pour une adoption définitive avant la pause estivale, voire à la rentrée. L’objectif pour la ministre de l’Ecologie Ségolène Royal est qu'au moment du vote, la quasi-totalité des décrets d'application soient rédigés pour accélérer l'entrée en vigueur de la loi.
Globalement, les articles sur les grands chapitres de la loi sont revenus pour l’essentiel à la copie initiale. Il en est de même pour tout ce qui concerne le bâtiment, avec quelques ajustements et le maintien de certains apports du Sénat.
Politique énergétique nationale (Titre I article 1er)
L'article 1er du texte fixe comme grands objectifs une réduction de 50% de la consommation énergétique finale en 2050 par rapport à la référence 2012, en visant un objectif intermédiaire de 20 % en 2030, une baisse de 40% des émissions de gaz à effet de serre sur la période 1990-2030 ou une part d'énergies renouvelables dans la consommation de 23% en 2020 et de 32% dans 15 ans.
Il indique aussi qu’il faudra disposer d’un parc immobilier dont l’ensemble des bâtiments seront rénovés en fonction des normes “bâtiment basse consommation” ou assimilées, à l’horizon 2050, en menant une politique de rénovation thermique des logements concernant majoritairement les ménages aux revenus modestes (le « majoritairement » a remplacé « la moitié est occupée par des ménages aux revenus modestes », voulue par le Sénat).
Une définition est également donnée aux « territoires à énergie positive » : « pour concourir à la réalisation de ces objectifs, l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements, les entreprises, les associations et les citoyens associent leurs efforts pour développer des territoires à énergie positive. Est dénommé “territoire à énergie positive” un territoire qui s’engage dans une démarche permettant d’atteindre l’équilibre entre la consommation et la production d’énergie à l’échelle locale en réduisant autant que possible les besoins énergétiques et dans le respect des équilibres des systèmes énergétiques nationaux. Un territoire à énergie positive doit favoriser l’efficacité énergétique, la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la diminution de la consommation des énergies fossiles et viser le déploiement d’énergies renouvelables dans son approvisionnement. »
Mieux rénover les bâtiments (Titre II)
Article 3AA : La France se fixe comme objectif de rénover énergétiquement 500 000 logements par an à compter de 2017, dont au moins la moitié est occupée par des ménages aux revenus modestes, visant ainsi une baisse de 15 % de la précarité énergétique d'ici 2020.
Article 3A : Tous les 5 ans, le Gouvernement remet au Parlement un rapport qui détaille la stratégie nationale à l’échéance 2050 pour mobiliser les investissements en faveur de la maîtrise de l’énergie dans le parc de bâtiments publics ou privés, résidentiels ou tertiaires. Rapport qui mentionne : une analyse détaillée du parc national de bâtiments, une présentation des stratégies de rénovation économiquement ; un bilan des politiques conduites et un programme d’action visant à stimuler les rénovations lourdes de bâtiment économiquement rentables ; un programme d’action visant à orienter les particuliers, l’industrie de la construction et les établissements financiers dans leurs décisions d’investissement et une estimation des économies d’énergie attendues.
Article 3B : Concernant le logement, l’obligation de rénovation énergétique est instaurée avant 2025 pour « tous les bâtiments privés résidentiels » (dont la consommation d’énergie primaire est supérieure à 330 kilowattheures par mètre carré et par an), et non pas seulement pour « les logements locatifs du parc privé » comme le souhaitait le Sénat. L’échéance fixée de 2025 s’avère donc un compromis entre la date de 2030 voulue initialement par les députés et celle de 2020 souhaitée par les sénateurs.
Article 3 C : À partir de 2030, au moment des mutations, les bâtiments privés résidentiels doivent faire l’objet d’une rénovation énergétique, en fonction du niveau de performance énergétique, sous réserve de la mise à disposition des outils financiers adéquats. Un décret en Conseil d’État précisera le calendrier progressif d’application de cette obligation en fonction de la performance énergétique, étalé jusqu’en 2050.
Article 5 : Il s’agit ici de l’obligation d’embarquer la performance énergétique à chaque fois que des travaux importants sont réalisés : travaux de ravalement importants, de travaux d’isolation, ou de réfection de toiture. L’objectif est de se rapprocher le plus possible des exigences applicables aux bâtiments neufs. Un garde-fou est toutefois introduit en cas d’impossibilité technique ou juridique ou de disproportion manifeste entre les avantages et les inconvénients de nature technique, économique ou architecturale. Un décret, pris dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi, déterminera les caractéristiques énergétiques et environnementales et les catégories de bâtiments.
Cet article indique aussi que l’utilisation des matériaux biosourcés est encouragée par les pouvoirs publics lors de la construction ou de la rénovation des bâtiments.
Par ailleurs, le gouvernement remet au Parlement, au plus tard six mois après la publication du décret, un rapport sur les moyens de substituer à l’ensemble des aides fiscales attachées à l’installation de certains produits de la construction une aide globale dont l’octroi serait subordonné, pour chaque bâtiment, à la présentation d’un projet complet de rénovation, le cas échéant organisé par étapes, réalisé par un conseiller à la rénovation dûment certifié sur la base de l’étude de faisabilité et un rapport sur la nécessité d’effectuer une évaluation de la performance énergétique des travaux réalisés.
Pour inciter les propriétaires bailleurs à procéder à des travaux de performance énergétique, le gouvernement remettra, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi, un rapport d’évaluation concernant la mise en place d’un mécanisme financier visant à inciter, via un bonus, les propriétaires dont le bien atteint des objectifs de performance énergétique supérieurs à un référentiel d’économie d’énergie minimale à déterminer, et à pénaliser, via un malus, ceux dont le bien présente des performances énergétiques inférieures à ce référentiel.
Article 3 : Pour délivrer le permis de construire ou d’aménager, il est possible pour l’autorité compétente de déroger (par décision motivée) aux règles des PLU pour l’isolation extérieure des façades, l’isolation extérieure des toitures et la mise en œuvre de dispositifs de protection contre le rayonnement solaire en saillie des façades. Les décisions doivent être motivées et limitées par un décret, et peuvent comporter des prescriptions destinées à assurer la bonne intégration architecturale du projet dans le bâti existant et dans le milieu environnant.
Article 4 : Toutes les nouvelles constructions sous maîtrise d’ouvrage de l’État, de ses établissements publics ou des collectivités territoriales font preuve d’exemplarité énergétique et environnementale et sont, chaque fois que possible, à énergie positive et à haute performance environnementale. Elles doivent contenir un minimum de matériaux issus de ressources renouvelables ou recyclées, définis par décret en Conseil d’État. Chaque projet de construction doit mentionner l’empreinte carbone des bâtiments. Des actions de sensibilisation à la maîtrise de la consommation d’énergie sont mises en place auprès des utilisateurs de ces nouvelles constructions. Les collectivités territoriales peuvent bonifier leurs aides financières ou octroyer prioritairement ces aides aux bâtiments à énergie positive ou qui font preuve d’exemplarité énergétique et environnementale. Un décret en Conseil d’État définit les exigences auxquelles doit satisfaire un bâtiment à énergie positive, d’une part, et un bâtiment à haute performance environnementale, d’autre part.
Contrôle du Parlement sur le CSTB
Article 4 bis A : Le CSTB devient un organisme soumis à un contrôle direct du Parlement : audition des candidats pour la présidence du conseil d’administration (nomination en conseil des ministres pour un mandat de cinq ans, renouvelable une fois). Le conseil d’administration comprend des membres du Parlement, des représentants de l’État, des représentants élus des salariés, des représentants des collectivités territoriales et des personnalités qualifiées qui peuvent être choisies au sein des universités, des écoles et des centres de recherche nationaux. Il doit établir un rapport annuel d’activité, qu’il remet au gouvernement et dépose sur les bureaux de l’Assemblée nationale et du Sénat, qui en saisissent l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Article 5 bis B : Le code du logiciel établissant l’ensemble des caractéristiques thermiques des constructions nouvelles est accessible à toutes les personnes morales ou physiques qui en font une demande, dûment justifiée. La mise à disposition du code s’effectue à titre gracieux ou onéreux, selon l’utilisation du code prévue par le demandeur.
Article 4 bis B : Le conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique a pour mission de conseiller les pouvoirs publics dans la définition, la mise en oeuvre et l’évaluation des politiques publiques relatives à la construction et sur l’adaptation des règles relatives à la construction aux objectifs de développement durable ; il suit également l’évolution des prix des matériels et matériaux de construction et d’isolation. Il formule un avis (consultatif préalable a été supprimé) sur l’ensemble des projets de textes législatifs ou réglementaires qui concernent le domaine de la construction. Cet avis est rendu public. Le conseil est composé de représentants des professionnels de la construction et de l’efficacité énergétique, de parlementaires, de représentants des collectivités territoriales, de représentants d’associations et de personnalités qualifiées. Le président du conseil supérieur est nommé par arrêté du ministre chargé de la construction.
Créé, le carnet numérique de suivi et d’entretien du logement. Il mentionne l’ensemble des informations utiles à la bonne utilisation, à l’entretien et à l’amélioration progressive de la performance énergétique du logement et des parties communes lorsque le logement est soumis au statut de la copropriété. Il doit comporter le diagnostic technique lorsque le logement est en copropriété, ou en location.
Il est obligatoire pour toute construction neuve dont le permis de construire est déposé à compter du 1er janvier 2017 et pour tous les logements faisant l’objet d’une mutation à compter du 1er janvier 2025. Un décret en précise les modalités d’application.
Les bâtiments tertiaires pourraient être concernés par ce carnet d’entretien : dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le gouvernement dépose à l’Assemblée nationale et auSénat un rapport sur l’extension du carnet numérique de suivi et d’entretien aux bâtiments tertiaires, en particulier publics.
Article 4 ter : il s’agit de faire évoluer les critères de décence des logements pour y intégrer la performance énergétique. Le seuil de performance exigée sera relevé au fil des années.
Article 5 bis A : Les prestataires doivent mentionner dans le contrat s’ils s’engagent ou non sur le résultat d’amélioration de la performance énergétique ; s’ils s’engagent, le niveau devra être précisé. L’absence de cette mention est punie d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale. Un décret détaillera les prestations.
On sait désormais à quoi s’attendre : les députés se sont alignés sur la rédaction de l’article 5 ter telle que votée par les sénateurs. Cette disposition vise à encadrer les marchés privés de bâtiment portant sur des travaux et prestations de services réalisés en cotraitance dont le montant n’excède pas 100 000 euros HT. Un certain nombre de mentions seront obligatoires dans ces contrats, à peine de nullité : identité du maître d’ouvrage et des cotraitants, nature et prix des travaux et prestations confiés à chaque cotraitant, mention de l’existence ou non de la solidarité juridique des membres du groupement envers le maître d’ouvrage, et enfin nom et mission du mandataire commun.
Il s’agit de sécuriser la situation des PME et artisans qui souhaitent s’unir en groupement momentané d’entreprises pour proposer une offre globale de travaux à leurs clients, notamment en matière d’accessibilité et de rénovation énergétique. Mais l’ambition de départ a été réduite. L’amendement initialement voté par les députés en première lecture prévoyait d’exclure la solidarité juridique des membres du groupement pour ces marchés, afin de rassurer les artisans sur l’étendue de leurs responsabilités. Le texte laisse finalement le choix aux opérateurs, leur imposant seulement de mentionner expressément l’existence ou non d’une solidarité juridique.
Article 5 quater : Création d’un fonds dénommé « Enveloppe spéciale transition énergétique », dont les ressources sont définies en loi de finances. La gestion financière et administrative du fonds est assurée par la Caisse des dépôts et consignations. Les engagements des dépenses du fonds sont décidés par le ministre chargé de l’écologie et les ordres de payer sont délivrés par le ministre chargé de l’écologie et par les préfets de région. Ce fonds peut garantir les prêts accordés à titre individuel sous condition de ressources, les prêts à la copropriété.
Article 6 : Tiers financement : lorsqu’il inclut des activités de crédit, le service de tiers-financement peut être mis en oeuvre par les sociétés de tiers-financement soit directement pour les sociétés de tiers-financement, soit indirectement dans le cadre de conventions établies avec des établissements de crédit ou des sociétés de financement, la société de tiers-financement étant alors agréée comme intermédiaire en opérations de banque et des services de paiement.
Article 6 ter A : nouvelle forme de prêt inspirée du prêt viager. Un établissement de crédit, un établissement financier ou une société de tiers-financement peuvent procéder au financement de travaux de rénovation au moyen d’un prêt avance mutation garanti par une hypothèque.
Article 6 bis : introduction d’une variante de prêt viager hypothécaire avec remboursement régulier des intérêts ; l’hypothèque à financer ne portant plus que sur la capital.
Article 5 quinquies A : Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité d’aides fiscales à l’installation de filtres à particules sur l’installation de chauffage au bois pour particuliers.
Le service public de la performance énergétique de l’habitat s’appuie sur un réseau de plateformes territoriales de la rénovation énergétique. Portées par un ou plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, ces plateformes fournissent aux particuliers des informations techniques, financières, fiscales et réglementaires. Elles peuvent également assurer leur mission d’information de manière itinérante, notamment en menant des actions d’information à domicile. Ce service est assuré sur l’ensemble du territoire.
Article 6 ter : limitation des dérogations à l’obligation d’installation de systèmes de mesure de consommation individuelle de chaleur et d’eau chaude dans les immeubles chauffés collectivement.
L’article 8 bis A a pour but d’encadrer le jeu de la responsabilité décennale en matière de performance énergétique - un sujet à fort enjeu, la garantie décennale des constructeurs étant assortie d’une obligation d’assurance. Députés et sénateurs ont finalement convergé vers une rédaction commune. Le texte définit dans quels cas l’immeuble sera, en cas de défaut de performance énergétique, jugé impropre à sa destination, critère qui entraîne l’application de la garantie décennale. Ainsi l’impropriété à destination ne pourra être retenue «qu’en cas de dommages résultant d’un défaut lié aux produits, à la conception ou à la mise en œuvre de l’ouvrage, de l’un de ses éléments constitutifs ou de l’un de ses éléments d’équipement conduisant, toute condition d’usage et d’entretien prise en compte et jugée appropriée, à une surconsommation énergétique ne permettant l’utilisation de l’ouvrage qu’à un coût exorbitant. »
Cette disposition est très éloignée du texte proposé en juin 2013 dans le cadre des travaux du Plan bâtiment durable, qui s’appuyait sur la notion de consommation conventionnelle au sens de la réglementation thermique, prenant en compte uniquement le dépassement de consommation énergétique supérieur à un seuil. L’article issu des débats parlementaires comporte des notions plus subjectives : « surconsommation », « coût exorbitant »… qui prêteront sans doute à interprétation. Des amendements visant à y introduire une référence à la réglementation thermique ont été rejetés.
Concernant la filière des énergies renouvelables, la distance minimale à respecter entre une éolienne et des habitations a été ramenée à 500 mètres, alors que les sénateurs l’avaient porté à 1 000 mètres. Le texte, toutefois, laisse au préfet la possibilité de relever cette distance sur la base de l’étude d’impact.
Transition Energétique : l'Assemblée nationale adopte le projet de loi en nouvelle lecture
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