Tour de France des opérations nommées à l'Equerre d'argent 2011 (1/9)
Du 19 au 29 décembre, les rédactions du Groupe Moniteur vous proposent de traverser la France, du Nord au Sud, sur la route des opérations nommées au prix d’architecture de l'Equerre d'argent 2011. Etape du jour : le Centre européen du textile innovant (Ceti) à Roubaix, réalisé par Isabelle Menu et Luc Saison pour la SEM Ville Renouvelée.
Sophie Trelcat
Comment incarner le renouvellement urbain d’un quartier, aujourd’hui vaste no man’s land, à travers un programme de recherche industrielle dont la traduction formelle appelle à l’orthogonalité. Plus précisément, comment magnifier la typologie du hangar ? C’est le défi relevé par les architectes roubaisiens Luc Saison et Isabelle Menu, lauréats en décembre 2005 d’un concours initié par la SEM Ville Renouvelée, réunissant les agences Chaix et Morel, Lipsky et Rollet et Jacques Ferrier. Le centre européen du textile innovant (Ceti) est unique au monde : c’est ici que seront mis au point les tissus végétaux de l’après-pétrole ou encore ceux à mémoire de forme, et que se tiendront des symposiums sur la recherche en ce domaine. A la dimension symbolique s’ajoutaient donc des exigences de confidentialité, de flexibilité et une fonction d’accueil a priori peu compatibles. Premier bâtiment au coeur de la ZAC de l’Union (urbaniste, Bernard Reichen) sur une friche industrielle, le Ceti impose une forte présence par sa combinatoire de façades colorées et changeantes. Son implantation est simple, alignée sur les rues perpendiculaires qui le borderont. L’habileté de Saison et Menu a été de filer la métaphore textile sans pour autant utiliser des bâches ou des tissus de façades. L’idée du métier à tisser, avec ses fils colorés tendus, se matérialise dans le parvis d’entrée glissé sous le porte-à-faux du premier bâtiment, où se logent l’accueil, les bureaux, la salle de conférences et plusieurs petits laboratoires. Ses éléments structuraux, dont chaque face revêt une couleur différente, se prolongent dans un jeu de miroir entre le sol poli en béton noir et le plafond en inox. La perception des façades est et sud est également troublée par une partition entre le mat et le brillant des vantelles qui les enveloppent. En contrepoint, les intérieurs sont monochromes avec des murs blancs et du tissé noir au sol, tandis qu’un faux plafond textile, très plastique avec son système d’alvéoles, singularise le hall et la salle de conférences.
La transition vers le second bâtiment abritant les vastes laboratoires se fait par un espace vert, pièce à ciel ouvert entre les deux volumes, dont la végétation déclinera les couleurs grise, verte et bronze des deux façades qui le longent. Cette seconde partie du Ceti, strictement industrielle, relève d’une technologie pointue en termes de ventilation, d’alimentation électrique ou encore d’hygrométrie. Elle s’organise selon un plan de circulation en croix desservant les ateliers et favorisant une occupation maximale. Avec des matières laissées brutes et de grandes salles blanches qui peuvent être réunies grâce à de gigantesques portails métalliques coulissants, l’ensemble impeccablement mis en oeuvre n’est pas sans évoquer l’univers muséal.
Etonnante pièce d’art cinétique
Les jeux de reflets brouillant la perception rappellent ceux des installations de Dan Graham ou l’univers onirique des palais des glaces, les peintures abstraites animant les circulations sont un clin d’oeil à l’oeuvre de Felice Varini, et la façade principale des ateliers sur la rue de Nantes est une étonnante pièce d’art cinétique offerte à la ville : son bardage nervuré laqué de couleur claire et sans recoupe horizontale est rythmé par des raidisseurs bicolores profilés en Z. En se déplaçant, le piéton ou l’automobiliste voit la façade se mettre en mouvement, évoquant selon l’angle de vue le rayé d’un tissu du styliste Paul Smith. C’est en jouant ainsi sur la vibration des façades que ce programme basique acquiert un supplément d’âme. L’équipement, livré en juillet 2011 après 22 mois de chantier, nécessitera encore quelques mois d’ajustement mais il est d’ores et déjà devenu le repère de ce quartier de Roubaix formant avec Lille et Tourcoing la métropole du textile.
Article publié dans le n°209 d'AMC d'octobre 2011
PALMARES
Le prix d’architecture de l’Equerre d’argent 2011 a été décerné le 28 novembre par le Groupe Moniteur à la rénovation de la tour de logements Bois-le-Prêtre à Paris (17e), réalisée par l'architecte mandataire Frédéric Druot, associé à Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal pour le compte de Paris Habitat.
Une Mention a été attribuée au groupe scolaire intercommunal Casarès-Doisneau à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), réalisé par l’agence AAVP Architecture (Vincent Parreira, Elise Reiffers, Thomas Rault) pour le compte des Villes de Saint-Denis et d’Aubervilliers.
Fiche TechniqueLIEU : ZAC de l’Union, Roubaix (59).
MAÎTRISE D’OUVRAGE : SEM Ville Renouvelée.
MAÎTRISE D’OEUVRE : Saison-Menu, architectes urbanistes / Marcin Wieczorek, chef de projet / Van Santen et associés, BET façades.
SURFACE : 14 600 m2 shon.
COÛT : 19,1 M€ HT.
LIVRAISON : juin 2011.
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