Apparue il y a une dizaine d’années dans l’univers des engins de chantier, la télématique s’y généralise actuellement à toute vitesse au point de se rendre indispensable. Prochaine étape : la communication « de machine à machine » (M2M).

© GILLES RAMBAUD - Pour l'instant, les engins sur le chantier communiquent avec le bureau qui, par exemple, leur envoie sur écran la tâche quotidienne à effectuer.
Les engins de chantier sont définitivement entrés dans l’ère de la communication : c’est l’un des enseignements de l’édition 2014 de Conexpo, le grand salon américain des matériels de chantier qui s’est tenu à Las Vegas en mars dernier. Pour preuve, les dizaines de start-up issues de la « Silicon Valley » qui y présentaient leurs logiciels. Des logiciels destinés aux ordinateurs embarqués et avant tout chargés de piloter les organes de la machine (moteur et circuit hydraulique principalement). Mais des logiciels qui, dans un second temps, puisent dans l’électronique afin d’y récupérer certaines informations pour les transmettre à l’extérieur. « L’intégration des nouvelles technologies de communication au cœur des engins de chantier est en accélération constante : 85 % des machines que nous présentons à Conexpo sont communicantes », confirme John H. Thomas, directeur marketing stratégique/nouvelles technologies chez Caterpillar. Même constat chez les concurrents japonais Komatsu et Hitachi, qui furent d’ailleurs les premiers à installer ces technologies dans leurs engins. Les machines parlent donc, mais à qui ?
Trois interlocuteurs
A l’heure actuelle, la communication des engins de chantier est de type « machine vers bureau ». Elles envoient leurs messages sur un serveur, lui-même consulté par trois catégories de personnes. Le responsable du chantier va y trouver des informations liées au travail effectué : la quantité de terre déplacée par une pelle par exemple, ou les éléments mis en place par une grue. L’intégration de ces informations dans un plan d’ensemble interactif permet de suivre l’avancement global du projet.

© GILLES RAMBAUD - Émetteur/récepteur embarqué. Une connexion GSM restera toujours présente dans l'architecture du réseau.
Deuxième interlocuteur possible : le gestionnaire de parc. Ce qui l’intéresse, ce sont des données liées à l’utilisation des engins, comme le nombre d’heures de travail effectuées ou la quantité de carburant consommée. Ce professionnel s’en servira pour affiner la gestion du parc matériel. Enfin, l’atelier de maintenance pourra recevoir des informations liées au fonctionnement interne : surchauffe, fatigue d’un composant, etc. Des informations très utiles pour effectuer un diagnostic à distance ou prévenir les pannes.
De compacteur à compacteur

© Vincent leloup/Le moniteur - Sur le chantier une connexion Wi-Fi offre l'avantage de pouvoir facilement intégrer des équipements extérieurs, par exemple une tablette graphique ou une station totale.
En retour, les machines peuvent également recevoir des informations émanant du bureau. « Il est très pertinent pour elles de recevoir des informations de la part du responsable du chantier sur l’état d’avancement du projet, voire la tâche quotidienne à accomplir. Ce lien est toutefois moins pertinent venant de l’atelier de maintenance ou du gestionnaire de parc », nuance John H. Thomas. Ce qui serait très intéressant sur un chantier, en revanche, ce serait de recevoir des informations de la part des autres machines présentes. Une pelle qui préviendrait le camion quand il a atteint sa charge nominale ; des compacteurs s’informant mutuellement sur les passes effectuées de façon à éviter que l’un refasse le travail de l’autre ; ou encore un finisseur qui réclamerait son camion d’alimentation ou, à l’inverse, le ferait patienter. « La communication machine à machine n’est pas encore arrivée au niveau des engins de chantier. Mais cela viendra, j’en suis sûr. Cela existe déjà dans l’industrie et les engins miniers », pronostique John H. Thomas. « Nous avons lancé l’année dernière le premier système qui permet une communication de machine à machine : le Site Link 3D. Il n’est pas entièrement dédié à cela, sa fonction principale étant la communication de la machine vers le bureau. Mais nous pouvons aussi sélectionner une autre machine comme destinataire dans le menu déroulant », annonce ainsi Kris Maas, directeur marketing produit chez Topcon, l’un des grands noms de la topographie… Tout en reconnaissant que peu d’utilisateurs se servent aujourd’hui de cette possibilité. « La communication de machine à machine, c’est un concept marketing », sourit Loic Drugeault, responsable produits matériels chez Factory Systèmes, spécialiste français des systèmes interconnectés. « A partir du moment où les informations sont mises en réseau, ce qui est ici le cas, tout passe par un serveur central. Deux machines peuvent donc communiquer par ce biais ». Il ne s’agirait donc pas d’un saut technologique, mais plutôt d’une extension des propriétés des systèmes existants. La généralisation des communications de machine à machine dépendra en fait du besoin des chantiers. Ces derniers ont certes tardé à franchir le pas, mais peut-être vont-ils rapidement devenir prescripteurs vis-à-vis de ces technologies nouvelles. Réponse dans quelques mois…
Cet article est extrait du Moniteur hors-série « Innovations 2014 ».