Retraites : la pénibilité dans le BTP, grande oubliée du débat
Alors que le Premier ministre, Edouard Philippe, a assorti ses annonces sur la réforme de la retraite de la promesse d’une meilleure prise en compte de la pénibilité, la CGT Construction pointe l’oubli, dans le débat, de la situation des salariés du BTP.
Caroline Gitton
« Nous allons améliorer la prise en compte de la pénibilité », promettait le 11 décembre dernier le Premier ministre, Edouard Philippe, en dévoilant les grandes lignes de la réforme des retraites. De son côté, Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, avançait quelques jours plus tard que la pénibilité permettrait « d’acquérir des points supplémentaire » afin de pouvoir, « éventuellement […] partir plus tôt ».
Or, les facteurs de risques professionnels dans la construction sont précisément sortis, en 2017, d’un autre système à points, le compte professionnel de prévention de la pénibilité.
Une des ordonnances « Macron » réformant le Code du travail de septembre 2017 a en effet exclu du dispositif les quatre facteurs de pénibilité qui rythment la vie sur les chantiers du BTP : les manutentions manuelles de charges, les postures pénibles, les vibrations mécaniques et le risque chimique.
Si les fédérations d’employeurs du secteur avaient applaudi la disparition d’une « usine à gaz » enterrée avant d’avoir vu le jour, les syndicats de salariés, eux, s’en étaient émus. A l’image de la CFDT, à l’origine du dispositif, et de la CGT Construction.
"50 % des ouvriers du BTP sont sortis de l'emploi à 60 ans"
« Aujourd’hui, les annonces gouvernementales sur la réforme des retraites passent sous silence la pénibilité dans le BTP !, s’agace Laurent Tabbagh, secrétaire national à la centrale cégétiste, qui pointe ainsi un « déni du gouvernement et du patronat. Nous sommes les grands oubliés du débat national. Le passage de 60 à 62 ans avait déjà été difficile, nous reprenons deux ans ferme : c’est inenvisageable, alors que, dans nos professions, 50% des salariés de chantier ne sont plus au travail à 60 ans, bien souvent au chômage après un licenciement pour inaptitude, en maladie ou encore en invalidité ».
Les annonces gouvernementales font ainsi, aux yeux du responsable syndical, bien peu de cas de « centaines de milliers de salariés de nos professions, laissés au bord de la route. Sans compter les 200 morts par an sur les chantiers de construction, et les accidents du travail qui surviennent toutes les cinq minutes ! ». A la clé, « sept ans d’espérance de vie en moins », lâche Laurent Tabbagh.
La CGT Construction, qui plaide pour le maintien des régimes spéciaux, demande donc l’ouverture d’une négociation nationale interprofessionnelle sur la pénibilité et la dangerosité dans les professions du secteur. Sa revendication : « aboutir à un 43ème régime spécial pour les ouvriers du BTP. Nous demandions déjà la retraite anticipée à 55 ans pour les métiers pénibles. Nous ne sommes déjà pas en mesure, à ce jour, de travailler jusqu’à 60 ans sur les chantiers : nous ne pourrons davantage y parvenir jusqu’à 64 ans ! », conclut Laurent Tabbagh.
Dans le même ordre d’idées, la CFDT Construction demande, par la voix de son secrétaire national, Rui Portal, l’attribution de points de pénibilité pour les travailleurs exposés aux quatre facteurs de risques propres au BTP, ainsi que la suppression de l’âge d’équilibre à 64 ans. « Comment accepter de pénaliser celles et ceux […] qui subissent une usure prématurée réduisant leur espérance de vie à la retraite ? ».
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