Renaissance spectaculaire des halles du Boulingrin à Reims

Achevées à Reims en 1929, les Halles du Boulingrin font l’objet d’une rénovation lourde adaptée aux contraintes et usages actuels. La voûte mince en béton armé, prouesse technique du Mouvement moderne, les verrières et les étals en céramiques, ont fait l’objet de réparations pointues. Réouverture mi-septembre.

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Renaissance spectaculaire des halles du Boulingrin à Reims
Vue intérieure des Halles du Boulingrin en cours de rénovation à Reims. L'architecte Emile Maigrot et l'ingénieur Eugène Freyssinet ont réalisés en 1929 une prouesse technique et architecturale du Mouvement moderne.

Modernisme, hygiénisme et économie sont les trois critères qui ont prévalu dans les années 1920 au choix du projet de l’architecte Emile Maigrot et de l’ingénieur Eugène Freyssinet* (entreprise Limousin) pour la construction des nouvelles halles du Boulingrin à Reims. Inaugurée en 1929, la nouvelle « cathédrale » surgit du Mouvement moderne (décor minimal, lignes dépouillées et fonctionnelles) notamment inspiré par l’emploi d’un nouveau matériau aux atouts remarquables : le béton armé. Il atteint ici un niveau d’économie de matière que seuls les hangars à dirigeables d’Orly dépassent alors (achevés en 1923 par le même ingénieur, démolis aujourd’hui).

Côté marché au détail, les étals des commerçants ont été entièrement démontés, nettoyés et reconstruits à l'identique.
Côté "marché au détail", les étals des commerçants ont été entièrement démontés, nettoyés et reconstruites à l'identique.

A Reims, la voûte mince de 7 cm des halles en béton armé franchit plus de 38 m de portée jusqu'à 20 m de hauteur et s’inscrit dans un socle de 109 x 48,8 m, édifié sur un sous-sol technique. La mise en œuvre a marqué les esprits à l’époque : un coffrage en bois cloué réutilisable, précurseur du coffrage glissant. Réalisation de la Reconstruction d’après la Première guerre mondiale, les halles, flanquées de quatre pavillons d’angles, ont accueilli le nouveau marché de la ville martyr.

Vue extérieure. La rénovation des halles donne lieu à un réaménagement des abords du bâtiment.
Vue extérieure. La rénovation des halles donne lieu à un réaménagement des abords du bâtiment.

L’ouvrage partait en miettes

Quelque 15 ans plus tard (1943), la dégradation du béton perceptible sous la voûte, a annoncé les débats houleux des années 1980 sur la conservation de l’édifice. L’ouvrage part en miettes dans les années 1960-1970.

La voûte souffre de ses armatures peu enrobées par le béton, touchées par l’oxydation due à la condensation résultant d’une ventilation insuffisante.
Protégés par des filets métalliques depuis les années 1950, les Rémois assistent impuissants à la fermeture définitive des halles en 1988. Seule parade au projet de démolition d’alors : le classement en 1990 au titre des Monuments historiques, grâce à l’intervention des architectes du patrimoine et de l’architecte Paul Chemetov en particulier, contre l’avis des élus.

Les réseaux qui cheminent sous le plancher de la mezzanine sont masqués par des faux plafonds en composite ciment-verre.
Les réseaux qui cheminent sous le plancher de la mezzanine sont masqués par des faux plafonds en composite ciment-verre.

Renovation pour un usage d’aujourd’hui

20 ans plus tard, le chantier de réhabilitation des halles bat son plein. Aux commandes, l’architecte en chef des Monuments historiques François Chatillon. « Ce n’est pas comme pour la restauration d’un tableau ancien. C’est un bâtiment rénové pour un usage d’aujourd’hui, remarque le spécialiste, qui outre la restauration de la voûte, des verrières, des étals en mosaïques de commerçants… (voir encadrés) a adapté l’ouvrage aux usages et aux contraintes techniques actuels ».

Ainsi, les réseaux (caniveaux, boitiers électriques de sol, éclairages, chemins de câbles judicieusement cachés derrière des faux-plafonds en Composite ciment verre), la sécurité incendie (Réseau incendie armé, désenfumage par 9 tourelles d’extraction), l’accessibilité aux handicapés (rampes, monte-handicapés…), les surcharges d’exploitation à 500 kg/m2 (renforcement des planchers avec 95 tonnes de poutres métalliques)… sont désormais de la partie pour ce bâtiment qui restera comme à l'origine ouvert et non chauffé (hormis les pavillons d’angle). Mais selon l’architecte, « c’est un bâtiment qui n’aime pas l’eau, il reste fragile », confie-t-il en précisant qu’il devra être surveillé tous les 4 à 5 ans pour vérifier notamment que l’humidité ne réenclenche pas la décarbonatation du béton.

Pour les commerçants, l'accès au réseau électrique est facilité par la création de boîtiers de sol escamotables.
Pour les commerçants, l'accès au réseau électrique est facilité par la création de boîtiers de sol escamotables.

A la fin de l'été, les Rémois retrouveront les étals du marché du Boulingrin dans leur cathédrale de béton (le weekend du 14 septembre). Couronnement de leurs efforts, ils pourront un peu plus tard assister à des manifestations culturelles et sportives sous la voûte parabolique enfin restaurée.

Les planchers en béton armé d'origine ont été renforcés par l'adjonction de profilés métalliques en sous-face.
Les planchers en béton armé d'origine ont été renforcés par l'adjonction de profilés métalliques en sous-face.

*Emile Maigrot (1880-1961) et Eugène Freyssinet (1879-1962)

La voûte restaurée et étanchée

A l’origine, la voûte mince est constituée d’un béton armé de 5 cm d’épaisseur, rechargée côté extérieur d’un béton fortement dosé en ciment faisant office d’étanchéité. « Nous avons purgé les parties dégradées par hydrosablage sur les deux faces, explique François Chatillon, architecte, jusqu’à parfois percer largement la voûte et mettre les aciers à l’air libre. Puis, un traitement général par inhibiteur de corrosion (imprégnation migrant en profondeur jusqu’aux aciers pour stopper la corrosion) a été appliqué après un éventuel complément d’armature. La voûte a ensuite été reconstituée avec un micromortier. Enfin, une peinture silicate a été réalisée en sous-face. Côté extérieur, la voûte ne pouvant pas recevoir de surpoids, seul un système d’étanchéité liquide (SEL) a été appliqué. La dernière couche a été sablée pour lui donner un aspect gris mat.

Les verrières reconstruites en béton ultraperformant

Les verrières situées aux extrémités de la voûte ont été reconstruites. Leur aspect est fidèle à celui d'origine, mais la technique de reconstruction a fait appel à l’innovation comme à la tradition. Innovation pour préfabriquer en atelier les bâtis moulés de 3 x 2 m en béton fibré ultraperformant (Vicat BCV). Ces éléments en Bfup ont été conçus, fabriqués et posés par Partner engineering. Et tradition pour rétablir les vitrages armés de couleur jaune qui ont été fabriqués en Pologne à l’identique de ceux installés en 1929 et qui avaient été brisés lors des combats de la Seconde guerre mondiale. Ces vitrages donnent aux halles une lumière intérieure jaune assez prononcée. En face extérieure des verrières, un capotage en aluminium thermolaqué gris posé sur gougeons a remplacé le mastic d’origine. Le dispositif à fait l’objet d’une Appréciation technique d’expérimentation du CSTB.

Des céramiques déposées, nettoyées et reposées une à une

Grès cérames et grès émaillés d'origine ont été intégralement déposés, nettoyés et reposés à l’identique. Le complément de fourniture du à la casse (30%) et aux extensions demandées par l’architecte a fait l’objet d’un contretypage réalisé par les Céramiques du Beaujolais. Frédéric Huther, cogérant de Marzinpro, s’est d’abord tenu à l’écart de ce marché qui lui paraissait trop atypique : « l’ampleur de la tâche nous a tout impressionné et il a fallu la force de conviction du maître d’ouvrage pour nous mobiliser sur ce chantier extraordinaire, confie le carreleur qui a relevé 80 pièces différentes recopiées pour quelques 150 000 éléments fabriqués ». Les étals en mosaïque, les carrelages de sol, les cloisons et autres revêtements recourent en effet à toutes sortes de pièces différentes aux formes arrondies ou anguleuses qui devront résister aux lavages quotidiens des commerçants.

Les acteurs de l'opération

Maître d’ouvrage : Ville de Reims ; représentant du maître d’ouvrage : Pôle services urbains (direction des études et travaux de bâtiment, service MOA-MOE) ; Contrôle scientifique et technique : Drac Champagne-Ardenne ;

Architecte en chef des Monuments historiques : François Chatillon ; Vérificateur des Monuments historiques : Léopold Abécassis ; Contrôle technique : Qualiconsult ; Coordonnateur SSI : Qualiconsult Sécurité ; Coordonnateur sécurité et protection de la santé : Bureau Veritas ; Bureaux d’études : Brizot Masse ingénierie (structure), Setac (fluides), Scenergie (électricité) ;

Entreprises : Génidem (démolition-désamiantage) ; Antoine échafaudages (échafaudages) ; Cari Thouraud (maçonnerie menuiserie bois) ; Lefevre Rénofors (restauration des bétons) ; Sionneau (peinture) ; MGB (restauration des verrières) ; Société champenoise d’étanchéité (étanchéité) ; SLAM métallerie (serrurerie neuve-menuiserie métallique) ; Ferronnerie Mazingue (ferronnerie d’art) ; Marzinpro (carrelage) ; Lagarde et Mérégnani (plâtrerie et faux-plafonds), Partner engineering (faux-plafonds composite ciment-verre) ; Koné (ascenseur) ; 3AE Marco (monte handicapés) ; Axima contracting (chauffage plomberie ventilation) ; Blanchard électricité (électricité) ; Eurofins LEM.

Des chiffres et des dates

Coûts études et travaux, enveloppe totale: 28 millons d'euros

Calendrier :

. Études fin octobre 2007 jusqu'en décembre 2008

. Début des travaux : février 2010, réception fin juillet 2012

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