«Réconcilier l’architecture et la société», Christine Leconte, présidente de l’Ordre des architectes
Elue le 10 juin dernier à la présidence de l’institution - et à l'unanimité - Christine Leconte plaide en faveur de l’intérêt général de l’architecture et d’un renforcement des alliances à toutes les échelles du territoire.
JACQUES-FRANCK DEGIOANNI
Vous succédez à Denis Dessus à la présidence du Conseil national de l’Ordre des architectes (Cnoa), comment vous positionnez-vous par rapport à lui ?
Denis Dessus et moi-même avons tous deux à cœur de défendre l’intérêt public de l’architecture. Par ailleurs, je partage les préoccupations de sa prédécesseure, Catherine Jacquot, notamment sur la manière dont l’architecture se positionne vis-à-vis des enjeux environnementaux et sociétaux. Et ce au travers d’une vision positive, questionnante et prospective, destinée à replacer l’architecture au cœur des enjeux actuels.
Vous insistez beaucoup sur la nécessité de réconcilier l’architecture et la société. Etaient-elles fâchées?
Il y a eu des incompréhensions, oui. Des fractures. L’architecture du XXIe siècle ne ressemble pas à celle d’avant. La vision de l’architecte, artiste et démiurge déconnecté, a changé. Il a désormais une vision sociale de son rôle, il se rapproche de l’utilisateur final. Il suffit de voir comment les jeunes diplômés entendent exercer aujourd’hui, sur le terrain, en résidence, en lien avec l’existant, l’histoire sociale des lieux, etc. Sans oublier le versant culturel qui fait lien. On voit bien, post-Covid, que les questions primordiales pour les habitants sont des questions d'architecture! A ceci près qu’on a oublié d’accoler le mot «architecture» à côté de logements, de qualité de vie, de qualité des espaces publics, etc. L’architecture s'occupe de tout ça! Son caractère universel a été quelque peu effacé. Et je précise qu’il ne s’agit pas ici de la question du beau. On a produit beaucoup de belles images de synthèse en oubliant l’espace, la lumière, l'utilité, la solidité, le vivre-ensemble et, plus généralement, la fabrique de la ville. On revient ici aux fondamentaux de l'architecture.
Comment atteindre ces objectifs ?
Cela fait beaucoup de thématiques, j’en conviens. Charge à nous de renforcer la présence de l’architecte et de l’architecture, de travailler sur les matériaux biosourcés, les filières, le refus de la démolition des bâtiments et de leur histoire sociale. A nous aussi de proposer, d’expliquer, de montrer, d’argumenter et de prouver, quant aux solutions qu'apporte l'architecture en matière de réhabilitation, de redynamisation des cœurs de ville, de rénovation énergétique. Et remettre ainsi ces sujets au cœur des politiques publiques. Les solutions existent, que doivent s’approprier les particuliers et les élus. Il nous faut aussi resserrer les liens entre architecte et utilisateur final dans la fabrique de la ville, inventer de nouvelles manières de travailler et se poser la question : qu'est-ce qu'on offre à la ville quand on construit?
Est-ce bien le rôle de l’Ordre ou celui des syndicats?
Les syndicats, indispensables, représentent les intérêts de la profession. On en a besoin pour le paritarisme, les conventions collectives, la préservation des droits, etc. L'Ordre défend l'intérêt public de l'architecture auprès des élus, tout comme l’architecte a un devoir de conseil auprès de son maître d’ouvrage. L’Ordre conseille ainsi la puissance publique. Les syndicats défendent l’architecte. Il faut, en particulier, que les praticiens puissent vivre de leur métier, et être rémunérés à juste hauteur de leur compétence et de leur professionnalisme.
Quid des chantiers de l’institution ordinale elle-même?
Nous sommes 24 conseillers nationaux et 300 conseillers régionaux, engagés pour porter des actions et défendre des valeurs. Nos liens doivent être renforcés et la gouvernance mieux partagée, à toutes les échelles du territoire. Le Conseil national a besoin des Conseils régionaux, et inversement. Mutualiser les outils, travailler en réseau, développer les relations interrégionales, sont autant d’objectifs. De même devons-nous favoriser la fabrication d'un écosystème qui inclut les ABF, les architectes-voyers, les AUE, les ACE, les CAUE, les Maisons de l'architecture, les ingénieurs territoriaux, etc. L'institution doit se situer au plus près des enjeux, de la profession et de la formation, initiale et continue. Et pour qu’elle fonctionne bien, il faut la comprendre, améliorer continûment ce qui répond imparfaitement aux besoins exprimés par les élus régionaux des Croa. Rien que du positif dans tout ça!
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