Qualité de l'air : construire sain ne suffit pas
Les résultats des études lancées dans le cadre du programme de recherche interorganisme pour une meilleur qualité de l'air (Primequal) ont été présentés, en avant-première du colloque consacré au sujet les 19 et 20 novembre à la Rochelle. Tour d'horizon des principales conclusions.
eric Leysens
Les matériaux de construction étiquetés A+ ne font pas le bâtiment sain. Tel semble être l'adage qui s'inscrit en filigrane dans les conclusions des neuf projets du dernier programme de recherche interorganisme pour une meilleure qualité de l'air (Primequal), copilotée par le ministère de l'Ecologie et l'Ademe avec l'appui de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques. Les résultats viennent rappeler aux acteurs de la construction qu'un bâtiment sain à la livraison peut rapidement voir sa qualité de l'air se dégrader.
Travail d'étape vers l'étiquetage obligatoire des émissions en polluants volatils du mobilier, prévu pour 2020, l'institut technologique foret bois-construction ameublement (FCBA), en partenariat avec le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), a mesuré les émissions en composés organiques volatils (COV) de 21 meubles à destination des établissements accueillant la petite enfance. S'étant inspiré du protocole de l'étiquette "émissions dans l'air intérieur" des produits de construction pour mesurer les concentrations en COV, le FCBA conclut que les résultats donneraient droit aux fabricants d'accoler une étiquette A+ sur tous les meubles testés. Les auteurs de l'étude précisent néanmoins que « les mobiliers de crèches et d'écoles maternelles étudiés provenaient d'Europe et respectaient ainsi des normes contribuant à améliorer l'air intérieur ». Autrement dit l'étude des meubles présents dans nos salons pourraient livrer des résultats bien différents.
Autre source de pollution de l'air intérieur sur laquelle les acteurs de la construction n'ont pas prise: les produits d'entretien ménager. Les travaux menés dans un autre projet de recherche vise à évaluer l'impact des ces produits sur l'environnement de nos habitations. Sur 54 produits observés, les auteurs de l'étude constate que 52 émettent du formaldéhyde, COV classé "cancérogène certain" chez l'homme, et que près de la moitié d'entre eux émettent du limonène, composé susceptible de réagir avec l'ozone pour former du formaldéhyde. Moralité: prévoir des matériaux de second œuvre étiquetés A+ ne suffit pas à garantir la qualité de l'air intérieur.
De manière à appréhender des situations pouvant aboutir à une défection des salariés du bâtiment, une des 9 études qui seront présentées les 19 et 20 novembre à la Rochelle introduit les sciences humaines dans la thématique de la qualité de l'air. Baptisé Psycobat, le projet de recherche vise à mieux comprendre l'apparition du syndrome dit "des bâtiments malsains" et à établir un modèle d'évaluation et de prévention qui devrait être diffusé auprés des agences régionales de santé. Pour mener ses investigations, Dorothée Marchand, psychologue environnementaliste au sein du département économie et sciences humaines au CSTB, s'est notamment rendu dans une école bretonne qui voyait ces enseignants dans l'impossibilité de travailler. « Suite à la rénovation de l'école et la pose défectueuse de fenêtres, la direction avait décidé de bloquer l'ouverture des fenêtres. Les employés de l'établissement s'imaginaient que les gênes qu'ils rencontraient provenaient du lino au sol, mais c'était en fait le confinement de l'air qui avait engendré une situation de crise sanitaire et psychologique. Et c'est l'installation d'un nouveau système de ventilation qui a permis de la désamorcer ».
La chercheuse condamne la relégation du syndrome du bâtiment malsain au rang de phénomène irrationnel. « J'ai constaté dans les différents cas examinés qu'à l'origine de la crise, pouvant aboutir à la fermeture de service entier, il y avait systématiquement une cause de nature environnementale, explique Dorothée Marchand. Je me rappelle le cas d'une crèche à Rueil Malmaison qui avait dû être fermée. En réalisant des analyses, nous avons compris qu'une entreprise ayant participé au chantier avait sous-traité une partie de son travail à des ouvriers qui ont vidé des produits toxiques qui sont venus se fixer dans les canalisations, d'où provenaient des émissions polluantes».
Observant que la mise en place de compteurs intelligents au Québec a sucité d'importants mouvements de protestation pointant des soupçons de pollutions par les ondes, la psychologue environnementaliste prédit que le sujet du bâtiment malsain va prendre de l'ampleur en France. Il est aujourd'hui impossible de se faire une idée du nombre de bâtiments concernés. La campagne que commence l'observatoire de la qualité de l'air intérieur dans les immeubles tertiaires devrait permettre de mieux quantifier le phénomène.
Qualité de l'air : construire sain ne suffit pas
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