Procès de Bobigny : l'enchaînement des (ir)responsabilités qui a conduit à la mort de deux ouvriers
Une entreprise du BTP qui sous-traite à une autre, puis une autre... A Bobigny, le tribunal s'est efforcé lundi 30 janvier de déterminer les responsabilités de dix prévenus dans la mort de deux ouvriers sans-papiers et inexpérimentés sur un chantier en Seine-Saint-Denis.
LeMoniteur.fr, avec AFP
Qui est responsable de la mort en juin 2019, de Kamel Benstaali, 34 ans, et Omar Azzouz, 29 ans, deux sans-papiers employés à la réhabilitation de la cité La Source à Epinay-sur-Seine ?
C'est ce que le tribunal correctionnel de Bobigny devra montrer au cours du procès qui se tient jusqu'au vendredi 3 février. Sept hommes âgés de 37 à 61 ans comparaissent notamment pour homicide involontaire et mise à disposition d'équipement de travail sans vérification de sa conformité et travail dissimulé. Ils encourent jusqu'à cinq ans de prison et 75.000 euros d'amende.
Trois entreprises du BTP sont aussi sur le banc des prévenus en tant que personnes morales dans ce procès où les responsabilités s'entremêlent.
Recrutés peu de temps avant le drame, Kamel Benstaali et Omar Azzouz oeuvrent ce samedi 8 juin, à la rénovation thermique par l'extérieur du 18e étage d'un bâtiment du bailleur social Plaine Commune Habitat, lorsque la nacelle sur laquelle ils se trouvent se détache. Aucun des deux n'était formé pour effectuer des travaux en hauteur. Un rapport d'expertise pointera du doigt "un défaut d'ancrage" de la plateforme.
Sous-traitance en cascade
Les deux victimes avaient été embauchées peu avant leur décès sur le chantier par la société SRI, qui a été placée en liquidation judiciaire et dont le gérant est en fuite en Egypte.
Spécialisée dans l'isolation thermique, SRI était un sous-traitant de la société ISO Systèmes, celle-ci travaillant pour le compte de l'entreprise Isore Bâtiment.
C'est cette dernière entité qui avait remporté le marché de la réhabilitation d'une partie de la cité de La Source pour sept millions d'euros.
Propriétaire de l’échafaudage, Isore Bâtiment avait aussi sous-traité son installation à la société Technimat.
"Il y a une cascade de responsables et de responsabilités qui doivent être déterminés", a expliqué avant l'audience Me Jean-Philippe Feldman, avocat des deux familles des victimes. Un "cas d'école" en matière de sous-traitance.
En bout de chaîne, il y a M. Benstaali, un Algérien sans domicile fixe qui vivait de "petits boulots", a détaillé lundi la présidente du tribunal Elisabeth Dugre. Il avait été embauché sur le chantier une semaine avant son décès. Auparavant, "il travaillait sur les marchés" et n'avait "pas de qualification" dans le BTP, a assuré son cousin.
Omar Azzouz, de nationalité marocaine, a été un temps "plaquiste" à Grenoble mais n'était pas vraiment qualifié, a souligné la présidente.
Leur chef de chantier n'avait fait leur connaissance que quelques heures avant le drame.
Alors qu'il était en train de préparer "des seaux de colle", Hafid Biyi a vu "les personnes voler en l'air". "J'étais impuissant", a-t-il déclaré à la barre. Celui qui avait aussi la casquette de "commercial" avait remarqué que la nacelle "gigotait". Il avait même effectué "un signalement" quinze jours avant l'accident.
- "Avez-vous vérifié la nacelle?", interroge la présidente. "Ce n'est pas dans mes compétences", se justifie M. Biyi.
- "Avez-vous une carte professionnelle du BTP?", poursuit la magistrate. "J'en ai eu une à un moment donné", répond le chef de chantier.
Sous les décombres, les secours découvriront que l'une des victimes portait "un jean", et l'autre "des tennis", a détaillé la présidente du tribunal.
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