Pourquoi le renforcement des conditions de crédit pourrait peser sur la construction de logements
Mi-décembre, le Haut conseil de stabilité financière (HCSF) a formulé aux banques deux recommandations majeures : limiter le taux d’endettement à 33 % et la durée des crédits accordés à 25 ans. Un durcissement qui pourrait peser sur l'investissement locatif et donc la construction de logements neufs.
A.P.
La production de crédits immobiliers a augmenté de près de 10% en 2019 : 250 milliards d’euros de nouveaux prêts ont été accordés, marqués par l’allongement des durées et une hausse de l’octroi de ces prêts sans apport.
C'est trop pour le Haut Conseil de la stabilité financière qui, craignant une surchauffe (surendettement des ménages, baisse des fonds propres des banques), a, en décembre dernier, émis des recommandations aux banques visant à limiter l’octroi de prêts en imposant une durée d’emprunt de 25 ans maximum et 33% d’endettement. Malgré tout, 15% en volume de crédits pourront dépasser ces critères, dont les trois quarts au bénéfice des primo-accédants.
Une décision qui aurait comme conséquence, d'une part,"d'éjecter" une partie des ménages - les plus modestes, qui ont la nécessité d’emprunter sur des durées supérieures à 25 ans afin de maximiser leur capacité d’emprunt - de l'accès à la propriété.
Mais surtout, en poussant les banques à prioriser l’achat de la résidence principale, d'amener ces dernières à délaisser le secteur de l’immobilier neuf à la location.
Menace sur l'investissement locatif
Or, "près de 50% des ventes de logements neufs sont réalisées grâce au dispositif Pinel, dont les investisseurs représentent entre 40 et 60% de l’ensemble des VEFA", rappelle Sophie Ho Thong, courtière en crédits immobiliers, fondatrice de "J'aime mon courtier", groupement de courtiers indépendants basé sur le modèle coopératif.
En cela, ils contribuent donc largement au lancement des chantiers de construction de logements. "En l’absence de particuliers bailleurs, le lancement des programmes immobiliers dans leur ensemble sera compliqué, et nous allons donc assister à un très fort ralentissement de la promotion immobilière", poursuit Sophie Ho Thong.
"Les délais pour atteindre le niveau de réservations plancher exigé par les banques seront beaucoup plus longs et les promoteurs devront mobiliser davantage de fonds propres pendant plus longtemps", estime-t-elle.
Et de conclure: "Là où la loi Pinel doit favoriser la construction de logements à la location, ses bienfaits seront neutralisés par ces recommandations, alors même que la menace de la suppression du prêt à taux zéro est toujours présente".
Blocages en cascade
Résultat, les Français seraient alors confrontés à davantage encore de difficultés à se loger en se voyant privés de l’accès à la propriété et également à la location de logements neufs.
Mais le risque est que ce blocage ne s'arrête pas là.
En effet, les communes dont le budget s'appuie notamment et significativement sur les droits de mutation, verraient dans un contexte de ralentissement du marché immobilier voir ce budget largement amputé. Et ce, alors que la suppression de la taxe d’habitation ne sera pas toujours compensée.
Pour éviter ce scénario du pire, Sophie Ho Thong estime "qu'il est souhaitable que les 15% de dépassement ne soient pas analysés en volume de crédits mais en nombre, avec un rehaussement de ce pourcentage qui permettrait de continuer à accompagner les jeunes, les seniors ainsi que les ménages plus modestes mais dont le reste à vivre est suffisant". "Il est également fondamental que l’investissement locatif sorte du dispositif pour ne pas gripper la construction de logements neufs dont la France a besoin", poursuit-elle.
Au risque d'avoir l'effet inverse à celui recherché.
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