Pour le Gifam, "le chauffage électrique avec un chauffe-eau thermodynamique répond aux contraintes"
Dans la construction neuve, l’avenir du chauffage électrique à effet Joule et du chauffe-eau thermodynamique se joue maintenant. Patrick Le Dévéhat, directeur technique, et Eric Baudry, président de la Commission Thermique du Gifam (Groupement des marques d'appareils pour la maison), réagissent à la dernière version de la RE 2020 et demandent la révision de la valeur envisagée pour la consommation d’énergie primaire non renouvelable (CEPnr).
Propos recueillis par Cédric Rognon
Le projet de texte de la RE 2020 écarte le recours aux radiateurs électriques et aux chauffe-eau thermodynamiques. Est-ce une surprise ?
Patrick Le Dévéhat : Nous avons pris connaissance du projet de texte mi-décembre. La RE 2020 va dans le bon sens. Elle amende la RT 2012 qui ne prenait en compte que la dimension énergétique, en introduisant l’exigence carbone, ce que nous appelions de nos vœux et qui devrait donc mettre en avant toutes les solutions faisant appel à des énergies décarbonées comme l’électricité. Nous avons donc été très surpris par l’annonce de la ministre de la Transition écologique de ne pas autoriser le chauffage électrique à effet Joule comme solution principale de chauffage.
Eric Baudry : Pour la DHUP**, le chauffage électrique se limite aujourd’hui à la pompe à chaleur. Aussi, nous demandons que soient considérées l’ensemble des solutions électriques qui sont à la fois performantes et répondent aux contraintes de carbone. D’autant plus que le projet de texte soulève une incohérence majeure : pourquoi exclure le chauffage électrique des solutions bas carbone alors que dans le même temps il serait possible d’installer des chaudières gaz en logement collectif jusqu’en 2024 ?
Qu’en est-il du chauffe-eau thermodynamique ?
P. L. D. : Privilégier la pompe à chaleur double service revient à assurer le chauffage des locaux et la production d’eau chaude sanitaire avec le même équipement. On s’interdit de fait le chauffe-eau thermodynamique qui est un produit simple, performant, peu onéreux à l’achat et pourtant approuvé et éprouvé par la RT 2012.
E. B. : Nous avons fait le calcul sur une maison de 100 m2. L’acquisition de radiateurs effet Joule de dernière génération et d’un chauffe-eau thermodynamique coûte entre 5000 et 6000 euros, là où il faut compter 8000 à 12 000 euros pour une pompe à chaleur double usage. On passe pratiquement du simple au double ! Indépendamment des critères de performance, nous attirons aussi l’attention sur le surcoût important que représente la pompe à chaleur double service qui va rendre de plus en plus difficile l’accès de la maison neuve aux primo-accédants.
Le chauffage électrique à effet Joule est-il victime de sa « mauvaise image » ?
P. L. D. : On présente souvent de façon caricaturale ce mode de chauffage en nous renvoyant aux années 70 et à des installations de chauffage qui ont été réalisées à l’époque dans des logements dépourvus d’une isolation thermique performante. Les réglementations thermiques ont évolué, nos appareils aussi. Ils sont aujourd’hui programmables, équipés de régulation électronique au 1/10e de degré Celsius, d’automatismes (détecteur de fenêtre ouverte, fonction d’auto-apprentissage…)… Certains radiateurs embarquent même de l’intelligence qui adapte le fonctionnement à la présence d’occupants dans la pièce ou le logement. Nous avons ainsi atteint un niveau de sophistication que beaucoup ne veulent pas reconnaître.
E. B. : Il y a une véritable déconnexion entre le parc existant et les améliorations qui ont depuis été apportées à nos équipements. Les fabricants du Gifam ont investi plus de 700 millions d’euros au cours des 10 dernières années. La technologie embarquée permet de réduire de manière considérable le niveau de consommation des appareils. N’oublions pas également que le bâti, déjà très isolé avec la RT 2012, devrait l’être encore davantage avec la RE 2020. Les besoins de chauffage seront donc encore plus faibles. Pourquoi privilégier des technologies chères et complexes aux radiateurs électriques à effet Joule, également performants et plus accessibles ? Des radiateurs de 1000 à 1500 W suffisent aujourd’hui à chauffer les pièces de vie dans les maisons bien isolées (RT 2012). En termes de coût pour le consommateur, utiliser ces solutions revient actuellement à 55 €/mois pour une maison de 90 m2 située dans le Centre-Ouest, et 41 €/mois pour une maison de 90 m2 située dans le Sud-Est. Ces coûts ne pourraient donc être qu’inférieurs avec une isolation thermique encore plus performante du bâti selon le projet de la RE 2020 (Bbio – 30%), qui aurait pour conséquence de réduire jusqu’à 300 W la puissance des appareils placés dans les pièces de nuit.
Le chauffage électrique englobe plusieurs familles de produits, du simple convecteur au radiateur connecté. Où placer le curseur ?
E. B. : Les convecteurs ne sont pas pris en compte dans la RT 2012 et ne pourront pas non plus l’être dans la RE 2020. Seuls deux catégories d’appareils sont concernées : les rayonnants et les radiateurs, tous deux très performants. On ne doit pas raisonner en termes de produits. Dans les textes de la RE 2020, seules les exigences techniques sont prises en compte.
Qu’est-ce qui bloque ? Est-ce le seul CEPnr dont vous demandez la révision ?
E. B. : Les projections faites par la DHUP et la DGEC*** montrent que le chauffage électrique à effet Joule associé à un chauffe-eau thermodynamique répond parfaitement aux contraintes de carbone pour les équipements et l’énergie. Ces deux systèmes présentent un seuil d’émission carbone généralement inférieur à 3 kg/m2.an, inférieur au seuil carbone fixé à 4 kg/m2.an en maison individuelle. Mais ils ne passent pas le seuil du CEPnr (consommation d’énergie primaire non renouvelable), indicateur apparu assez tardivement. Nous demandons que cette contrainte soit desserrée de l’ordre de 8 % pour permettre au chauffage électrique, ainsi qu’au chauffe-eau thermodynamique, de trouver leur place dans la nouvelle réglementation et de constituer ainsi une alternative pertinente aux solutions privilégiées dans la future réglementation environnementale.
Les lignes peuvent-elles encore bouger ?
P. L. D. : Nous entretenons le dialogue avec les pouvoirs publics. Nous avons déjà mis en avant un certain nombre d’arguments et allons continuer à le faire.
Quelles pourraient être les conséquences industrielles et économiques si le texte actuel était acté ?
P. L. D. : Il constituerait un frein au développement du savoir-faire de l’industrie française du chauffage électrique à effet Joule et du chauffe-eau thermodynamique qui représente 7500 actuellement emplois directs en région et près de 40 000 emplois indirects dans notre pays.
** Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages.
*** Direction générale de l’énergie et du climat.
Pour le Gifam, "le chauffage électrique avec un chauffe-eau thermodynamique répond aux contraintes"
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