Pas de circonstances particulières, pas de situation d’urgence !
le 20/09/2013 | Bouches-du-Rhône
Arrêt du 12 juin 2013 Conseil d’état
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 avril et 14 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la commune de Lambesc, représentée par son maire ; la commune de Lambesc demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’ordonnance n° 1201455 du 11 avril 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l’
2°) statuant en référé, de rejeter la demande présentée par la SCI Grenache et M. B…devant le tribunal administratif de Marseille ;
3°) de mettre à la charge de la SCI Grenache et de M. B…la somme de 3 000 euros au titre de l’
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l’urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Pascal Trouilly, Maître des Requêtes,
– les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de la commune de Lambesc et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la SCI Grenache ;
1. Considérant que la SCI Grenache a présenté le 12 octobre 2011 une demande de permis de construire en vue de la réalisation d’une maison de deux logements sur un terrain appartenant à M.B…, situé à Lambesc et classé en zone NB du plan d’occupation des sols ; que, par un arrêté du 20 janvier 2012, le maire de la commune a décidé de surseoir à statuer sur cette demande de permis de construire, aux motifs que l’élaboration d’un nouveau plan local d’urbanisme avait été prescrite et que le projet était susceptible de compromettre « la conservation des espaces naturels » et « l’intérêt paysager du site » ; que par une ordonnance du 11 avril 2012, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a, à la demande de la SCI Grenache et de M.B…, suspendu l’exécution de cette décision de sursis à statuer, en estimant, d’une part, que la condition d’urgence était remplie et, d’autre part, que deux moyens étaient propres, en l’état de l’instruction, à créer un doute sérieux quant à sa légalité ; que la commune de Lambesc se pourvoit en cassation contre cette ordonnance ;
2. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’
3. Considérant que l’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre ; que la décision par laquelle l’autorité compétente sursoit à statuer sur une demande de permis de construire, en application des articles L. 111-7 et L. 123-6 du code de l’urbanisme, afin d’éviter que le projet du pétitionnaire ne compromette ou ne rende plus onéreuse l’exécution d’un futur plan local d’urbanisme en cours d’élaboration, ne crée une situation d’urgence que si le requérant justifie, en invoquant des circonstances particulières, que cette décision affecte gravement sa situation ; qu’en estimant que la condition d’urgence était remplie au seul motif que la SCI Grenache avait conclu avec M.B…, antérieurement à la décision de sursis à statuer, une promesse synallagmatique portant sur la conclusion d’un bail à construction en vue de la réalisation du projet, comportant une clause de caducité et ayant donné lieu au versement au bailleur, à titre définitif, d’une somme d’argent, alors que les demandeurs ne précisaient pas en quoi l’éventuelle caducité de cette promesse était de nature à affecter gravement leur situation, le juge des référés a porté sur les intérêts en présence une appréciation entachée de dénaturation ; que, par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, la commune de Lambesc est fondée à demander l’annulation de l’ordonnance qu’elle attaque ;
4. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de statuer sur la demande de suspension en application des dispositions de l’
5. Considérant que pour justifier de l’urgence à suspendre l’exécution de la décision litigieuse, les requérants se bornent à invoquer le risque de caducité de la promesse de bail à construction qu’ils ont conclue ; que, compte tenu tant de l’absence d’obstacle à la reconduction de cette promesse que de l’intérêt public qui s’attache à l’exécution du futur plan local d’urbanisme, lequel prévoit notamment de renforcer la préservation du caractère naturel de la zone en cause, comprise dans une zone de protection spéciale Natura 2000, la condition d’urgence ne peut être regardée comme remplie ; qu’il y a lieu, par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner si les moyens soulevés par la SCI Grenache et M. B… sont de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision de sursis à statuer du 20 janvier 2012, de rejeter la demande de suspension qu’ils ont présentée ;
6. Considérant que les dispositions de l’
Décide :
Article 1er : L’ordonnance n° 1201455 du 11 avril 2012 du juge des référés du tribunal administratif de Marseille est annulée.
Article 2 : La demande présentée par la SCI Grenache et M. B…devant le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, ainsi que leurs conclusions présentées devant le Conseil d’Etat au titre de l’
Article 3 : La SCI Grenache et M. B…verseront à la commune de Lambesc la somme globale de 3 000 euros au titre de l’
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Lambesc, à la SCI Grenache et à M. A… B…
Une société civile immobilière (SCI) a déposé une demande de permis de construire portant sur la réalisation d’une maison de deux logements. Le maire a sursis à statuer à cette demande aux motifs que l’élaboration d’un nouveau plan local d’urbanisme (PLU) avait été prescrite et que le projet était de nature à compromettre « l’intérêt paysager du site ». La SCI a contesté cette décision et demandé en référé qu’elle soit suspendue.
Un sursis à statuer crée une situation d’urgence seulement si le requérant justifie, en invoquant des circonstances particulières, que cette décision affecte gravement sa situation. Or ce n’était pas le cas en l’espèce.
La SCI soutenait qu’elle avait conclu avec un particulier une promesse de bail à construction comportant une clause de caducité. Pour le Conseil d’État, cette clause ne suffit pas à caractériser l’urgence car une telle promesse peut être reconduite. Par ailleurs, souligne le juge, il y avait un intérêt public fort à attendre la mise en œuvre du nouveau PLU car celui-ci prévoyait de renforcer le caractère naturel de la zone concernée par la future construction.