Objectifs 500 000 : « L’innovation sera au rendez-vous des ambitions énergétiques et environnementales », Alain Maugard

L’innovation pour construire plus et mieux sans baisser le niveau d’ambition en matière de performance énergétique et environnementale et entamer une réduction drastique des coûts de construction de 20 à 30%. Une équation pas toujours simple à résoudre qui a été au cœur de la réflexion du groupe de travail piloté par Alain Maugard dans le cadre d’Objectifs 500 000. Le président de Qualibat apporte des explications sur quelques solutions.

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Objectifs 500 000 : « L’innovation sera au rendez-vous des ambitions énergétiques et environnementales », Alain Maugard
Alain Maugard, président de Qualibat et rapporteur du groupe de travail 4 "innovations" de la démarche "Objectifs 500 000"

Sur quelle base avez-vous abordé la thématique de votre groupe de travail ?

Alain Maugard : La commande qui m’a été faite portait sur « développer les matériaux innovants et inventer de nouvelles façons de construire et rénover », le thème du groupe de travail 4. Cependant si l’idée me plaisait bien car on se préoccupait du futur, il me semblait que l’intitulé restreignait les champs d’analyses. J’ai proposé le terme « innovations » au sens large qui a été adopté tout au long de notre travail. Nous pouvions ainsi explorer d’autres terrains comme les aspects juridiques ou encore s’interroger sur un certain nombre de problématiques, comme la pertinence de créer de nouveaux acteurs. Et d’ailleurs, sur ce point la réponse a été non, préférant une montée en compétences des acteurs déjà présents.

Vos réflexions étaient-elles conduites par l’objectif quantitatif fixé par le président de la République, les deux fois 500 000, 500 000 logements neufs et 500 000 rénovations énergétiques par an d’ici 2017 ?

A.M. : Ces objectifs ont été abordés dès le départ. Ils imposent une hausse des constructions neuves de l’ordre de 40% par rapport au niveau actuel et une hausse des rénovations de plus de 100%. Sur l’aspect quantitatif, tous les participants se sont accordés à dire qu’il fallait libérer du foncier. Un sujet traité dans le groupe de travail 2, mais incontournable si l’on veut construire en quantité. Alors, s’est posée la question de savoir comment créer de l’abondance de droits à construire ? Tout le monde a marqué sa préférence pour la partie urbanisée, mais cela sera-t-il suffisant pour créer l’abondance foncière et faire baisser les prix du foncier ? Certaines voix ont proposé que, compte tenu du prix du foncier, on rogne sur les exigences de performances énergétiques des bâtiments et ainsi produire à des prix plus bas ; en somme, déshabiller les logements. Face à cette proposition, j’ai tout de suite prévenu, qu’il n’y aurait pas de rapport. Comment concevoir que la seule innovation serait de reculer sur les performances et faire, en quelque sorte, marche arrière.


Mais il y a eu un rapport du GT4

A.M. : Oui, car le groupe du travail a abordé le problème en posant le principe qu’il fallait abaisser les coûts de la construction tout en conservant les performances énergétiques. C’est l’option essentielle.

Vous avez posé le principe que les performances énergétiques ne sont pas négociables. Quelles sont les pistes pour baisser les coûts de construction ?

A.M. : Pour y parvenir, il faut changer de méthodes et passer du travail séquentiel, comme on le connaît actuellement, au travail collaboratif. Le schéma séquentiel est efficace quand il n’y a pas de progrès, il pressure à la chaîne. Aujourd’hui un nouveau terrain s’ouvre où toutes les compétences sont complémentaires. Je vois deux types d’économies dans ce travail collaboratif. D’abord, le fait de travailler autour d’une maquette virtuelle au moment de la conception permet de faire partager les informations à d’autres acteurs comme les exploitants, les entreprises qui vont construire et les industriels et ainsi, trouver les bonnes solutions. Puis, ce partage améliorera la préparation de chantier. Plus le chantier se déroule rapidement, plus on gagne de l’argent ; 20% de plus dans la phase conception fait gagner 20% dans la réalisation. Il faudra cependant veiller à ce que la maquette numérique ne crée pas une fracture numérique en laissant de côté les artisans et petites entreprises du bâtiment. Ce travail collaboratif est pratiqué dans de nombreux secteurs industriels, il est temps que le bâtiment s’y mette. C’est l’occasion ou jamais d’entreprendre cette grande révolution et de faire entrer le bâtiment dans l’ère du numérique, avec notamment, les possibilités de « e-learning », de règles de l’art (RAGE) sous forme électronique.

La loi MOP n’est-elle pas un frein au travail collaboratif ?

A.M. : Il faudra en effet vérifier si ses décrets d’application doivent être remaniés pour le permettre et même le favoriser. D’autre part, les marchés publics doivent être l’occasion d’expérimenter et doivent s’ouvrir aux innovations.

Quelles ont été vos réflexions sur les exigences réglementaires de performances énergétiques et notamment le label environnemental, annoncé par l’ancienne ministre du Logement Cécile Duflot ?

A.M. : En matière énergétique, il ne faut pas présenter le futur label comme un renforcement de la RT 2012, mais plutôt comme une étape vers le RT 2020 et le BEPOS, démarche plus intelligente qui présente en outre l’avantage de mettre fin en partie à la bataille rangée autour des labels HPE et THPE. Ce label plus large s’inspirant des réflexions du groupe RBR 2020-2050 menées depuis deux ans dans le cadre du Plan Bâtiment Durable s’intéressera à tous les aspects environnementaux d’un bâtiment intelligent : prise en compte de l’énergie grise, des émissions de CO2, production de déchets, consommation d’eau et confort. Une majorité de participants de notre groupe a considéré qu’il serait souhaitable de proposer le plus vite possible ce label. Un projet qui mariera les propositions d’Effinergie et de l’association HQE est d’ailleurs en gestation qui pourrait rentrer en application début 2015, une ébauche pouvant même être présentée en juin.

Quelles sont vos solutions pour atteindre un objectif de masse en rénovation énergétique les 500 000 rénovations ou plus ?

A.M. : On est parti du principe que si on ne s’intéresse qu’aux travaux de performances énergétiques, on n’obtiendra jamais les 500 000 logements rénovés, au mieux quelque 100 000. Une évidence largement partagée, y compris par le groupe « rénovation énergétique » des 34 plans de la Nouvelle France industrielle. L’idée est d’embarquer les travaux énergétiques à l’occasion d’une rénovation. Aujourd’hui, environ un million de travaux de gros entretien et de rénovation sont réalisés par an par les particuliers sans aides de l’Etat. En embarquant l’efficacité énergétique, et même si c’est une opération sur deux, on arrive déjà aux 500 000 logements rénovés. Et en y regardant de plus près, le surcoût n’est pas insurmontable. Par exemple, pour une réfection de toiture, le coût de l’isolation à embarquer devient marginal. Cette démarche a une autre vertu, celle d’instiller l’efficacité énergétique dans l’esprit des ménages qui n’y auraient pas pensé. D’ailleurs, la loi sur la Transition Energétique ne réussira que si les Français y adhérent.

Vous étiez un fervent défenseur du gisement efficacité énergétique exploité rationnellement, aujourd’hui vous prônez des travaux de rénovation énergétique qui ne sont pas forcément réalisés dans le bon ordre.

A.M. : J’ai abandonné en effet cette idée de l’exploitation du gisement d’efficacité énergétique en une fois nécessitant des travaux onéreux, préférant une logique de progressivité de ces travaux. Mieux vaut un étalement des investissements des ménages en faveur des économies d’énergie plutôt que rien. Cependant, si les travaux se font par étape, il nous faut des solutions techniques qui répondent à chacune des étapes, qui s’y adaptent sans pour autant détruire ou remplacer les travaux précédemment effectués. Ce qui signifie d’avoir des solutions souples ; la commande à l’industriel n’est dans ce cas plus la même. En profitant des rénovations spontanées pour de l’efficacité énergétique, on va arriver à un quantum énergétique en plusieurs fois.

Avec cette logique, vous mettez en avant le passeport énergétique à points.

A.M. : C’est une des préconisations du groupe. Il s’agit d’une sorte de livret qui pourrait être transformé en passeport. Chaque opération pourrait être associée à un certain nombre de points qui, cumulés permettrait le déblocage de l’aide publique de l’Etat au bout d’un seuil à définir. On peut même imaginer d’y introduire une date limite pour les travaux, à l’image d’une carte de fidélité. Les points seraient attribués par l’entreprise RGE et détenu par le particulier. Au final, le particulier qui a fait ce parcours énergétique, certes en plusieurs fois, aurait le même avantage financier que celui qui a fait réaliser son bouquet de travaux en une seule fois. Cette démarche présente aussi un intérêt pour l’Etat qui ne verse pas son aide financière tout de suite ; c’est d’autant plus astucieux qu’avant qu’il ne la débourse, cela aura engendré de l’activité économique. J’espère que ce dispositif pourra être mis en place très vite par le Gouvernement, qui pourrait l’expérimenter dans une région où il y a beaucoup d’entreprises et artisans RGE avant de décider de sa généralisation si l’expérience est concluante.

Rapport du GT 4

Lire le rapport du Groupe de travail 4 : développer des matériaux innovants et inventer de nouvelles façons de construire et de rénover , en cliquant ici

A lire :

- demain, l'interview de Nadia Bouyer, conseillère à la Cour des comptes, rapporteur du groupe de travail 1 « Simplifier la réglementation et l’élaboration des normes de construction et de rénovation »

- mercredi, l’interview de Claude Bertolino, directrice de l’EPF PACA, rapporteur du groupe de travail 2 « Mobiliser le foncier privé des secteurs urbanisés »

- vendredi, l’interview d’Alain Garès, directeur général d’Europolia, rapporteur du groupe de travail 3 « Proposer un logement adapté à chaque situation de vie ».

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