« Nous appelons à la création d’un fonds spécifique dédié au traitement de l'amiante »
Pour Arnaud Benassi et Thomas Nicod, cofondateurs d’IE (Intelligence Environnementale) PRO, entreprise spécialisée dans la dépollution et le désamiantage, seul un fonds dédié permettrait de prendre la mesure des 20 millions de tonnes d’amiante estimées encore présentes dans des bâtiments disséminés sur tout le territoire.
Au siècle dernier, nombre de territoires franciliens ont dû faire face à des mutations démographiques qui ont imposé la nécessité de construire toujours plus de logements et d’équipements publics.
L’amiante, qui n’a été interdite en France qu’en 1997, présente alors l’avantage d’être un matériau extrêmement polyvalent et peu onéreux. De nombreuses infrastructures ont été construites avec ces composants et demeurent présentes en l’état dans notre espace public. D’autres ont été laissées à l’abandon, et les déchets issus de leur démolition se retrouvent dans les nombreuses friches et décharges illégales que compte notre région.
Ce bâti constitue, aujourd’hui, un enjeu central dans le cadre de l’immense mutation urbaine à l'œuvre en Ile-de-France, notamment sous l’impulsion des deux chantiers d’ampleur que sont les Jeux Olympiques et le Grand Paris Express. Les ambitions que portent ces projets se heurtent à la réalité de notre passé industriel, en témoigne par exemple la suspension des travaux de la piscine d’entraînement olympique à Aubervilliers, après la découverte d’amiante sur le chantier situé dans les jardins ouvriers attenant.
20 Mt encore présentes dans les bâtiments et les infrastructures
Sur l’ensemble du territoire français, ce sont 20 millions de tonnes d’amiante qui seraient encore présentes, disséminées dans des bâtiments aux usages et fortunes diverses. Dans un livre-enquête rigoureux, Roger Lenglet évalue le coût total du désamiantage en France, estimé entre 100 et 200 milliards d’euros. Ce chiffre pourrait être bien supérieur si l’on prend en compte le coût sanitaire déjà estimé entre 27 et 37 milliards d’euros par la mission d’information du Sénat sur l’amiante en 2005, pour les vingt années suivantes.
Ce constat devrait être une source de préoccupation de premier ordre pour l’État. Afin de préparer l’après-amiante et de soutenir la nécessaire bifurcation écologique du bâtiment, la mise en place de politiques publiques à l’échelle nationale, avec des moyens dédiés, nous paraît essentielle et urgente. Dans le contexte de ralentissement économique que nous connaissons, un tel plan constitue un formidable vecteur de relance et de création d’emplois.
"Acte de justice"
C’est dans cette perspective que nous appelons à la création d’un fond spécifique dédié au traitement de l'amiante. Ce « Fonds amiante », élaboré sur le modèle du « Fonds friche », pourra être mis à disposition des collectivités, entreprises publiques locales, sociétés d’économie mixte et bailleurs sociaux détenant des infrastructures encore amiantées. Un tel fonds aurait toute sa place dans l'investissement public pour la construction durable, s’inscrivant dans les perspectives tracées par le gouvernement quant à la transition environnementale qui s’engage sur nos territoires urbains.
Ce chantier ne se fera pas sans l’investissement de l’Etat, qui doit aujourd’hui jouer son rôle de précurseur dans la défense de l’intérêt général. Il pourra compter sur l’expertise et le savoir-faire d’entreprises locales au fait des spécificités de leur territoire, et engagés sur ces derniers.
Voilà un « acte de justice » au sens que donnait Nelson Mandela à cette expression : utiliser le temps à bon escient pour répondre aux exigences qui surgissent d’une époque. Nous y sommes prêts.
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