Notre-Dame-des-Landes : un rapport, deux options, décision en janvier
Un transfert de l'aéroport de Nantes à Notre-Dame-des-Landes ou son maintien, avec un réaménagement, sur son site actuel sont deux options "raisonnablement envisageables", estime, sans trancher entre les deux solutions, le rapport des médiateurs remis mercredi 13 décembre au Premier ministre.
Adrien Pouthier avec
A l'issue de la médiation autour du futur aéroport de Nantes, une seule certitude : l'aéroport sera bien... à Nantes. Car pour le reste, le rapport, remis mercredi 13 décembre au Premier ministre Edouard Philppe, et comme cela était convenu, ne tranche pas entre le réaménagement du site actuel de Nates-Atlantique et son déménagement à Notre-Dame-des-Landes.
Le rapport d'une soixantaine de pages, sans les annexes, dresse les avantages et les inconvénients des deux options, sur la base d'un accueil de neuf millions de passagers à l'horizon 2040, contre cinq millions actuellement.
L'une ou l'autre mais plutôt l'autre
Les différentes analyses de la médiation "confirment l'absence de solution parfaite, chaque option apparaissant marquée par au moins un handicap significatif sur un critère particulier". Mais à la lecture de certains arguments on serait tenté de croire qu'une certaine préférence va au réaménagement du site actuel de l'aéroport, option qui a pourtant toujours été "contestée dans sa faisabilité même" par les partisans d'un transfert à Notre-Dame-des-Landes, collectivités locales en tête. Les besoins de réfection de la piste seraient ainsi "significatifs" mais "beaucoup moins importants et moins coûteux que ce qui était annoncé jusqu'ici" et un réaménagement de l'actuel aéroport n'entraînerait pas "de restriction nouvelle dans les projets d'urbanisme de l'agglomération nantaise", pointe notamment le rapport, balayant certains arguments des pro-transfert.
Le réaménagement nécessiterait une fermeture de la piste de Nantes-Atlantique pendant neuf semaines environ pour la réalisation des travaux, dont le montant total - rénovation de l'aérogare comprise - est estimé "entre 365 et 460 millions" d'euros. Soit nettement moins que le chiffrage annoncé jusqu'ici par la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) en 2013 (825 millions), mais bien plus que celui avancé par les opposants au déménagement (175 millions d'euros).
Mais ces données ne prennent pas en compte l'éventuelle indemnité de résiliation du contrat de concession actuel entre l'Etat et une filiale du groupe de BTP Vinci. Jamais chiffrée par l'Etat et le concessionnaire, elle est évaluée à une somme comprise entre 150 et 200 millions d'euros par les opposants. Le transfert à Notre-Dame-des-Landes est lui évalué à 730 millions d'euros, dont 160 pour la desserte en tram-train.
A contrario, sur un autre sujet "sensible et controversé", celui des nuisances sonores, le rapport est plus sévère : elles sont "significatives" et devraient être maintenues "à peu près dans leur état actuel si aucune mesure particulière n'est prise", soulignent les experts, qui recommandent "en tout état de cause" de réviser de manière urgente le plan de gêne sonore (PGS) et le plan d'exposition au bruit (PEB), datant pour ce dernier de 2004.
Seule certitude dans ce dossier, "la première nécessité est celle d'une décision de l'Etat, qui n'a que trop tardé", jugent les experts, qui préconisent en tout état de cause l'évacuation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, occupée par 200 à 300 personnes, dès le choix de l'exécutif sur l'une des deux options.
Décision avant fin janvier
Recevant le rapport, Edouard Philippe a salué le travail accompli depuis six mois par les médiateurs en relevant qu'il avait permis "d'identifier des sujets qui n'ont pas suffisamment fait l'objet d'analyse". "Là où jusqu'à présent le raisonnement qui était privilégié consistait à se poser la question s'il fallait faire Notre-Dame-des-Landes ou rien, le rapport nous invite à réfléchir sur un choix qui se formaliserait plutôt de la façon suivante: Notre-Dame-des-Landes ou un réaménagement de l'aéroport de Nantes-Atlantique", a-t-il souligné. Surtout, le Premier ministre a confirmé qu'une "décision claire", devant notamment permettre "un retour à la normale" concernant "l'ordre public", serait prise avant fin janvier.
Las de l'indécision politique, "pro" comme "anti" en appellent au "courage" du président de la République sur ce projet déclaré d'utilité publique en 2008.
"Sur le fond, je suis extrêmement soulagée, c'est une grande satisfaction intellectuelle car le rapport dit que Nantes-Atlantique est une véritable option et qu'elle n'a pas été étudiée", a déclaré à l'AFP Françoise Verchère, co-présidente d'un collectif d'élus opposés au transfert, le Cédpa, après lecture du rapport qui "fragilise considérablement la déclaration d'utilité publique", selon elle.
Philippe Grosvalet, président PS de Loire-Atlantique et du Syndicat mixte aéroportuaire, estime pour sa part que "même si ce rapport peut laisser apparaître une apparence d'alternative à Notre-Dame-des-Landes, je continue à dire qu'il n'y a pas de plan B, ni en termes de trafic, ni en termes d'aménagement, ni pour les personnes impactées par les nuisances sonores". "Je fais confiance au président de la République pour ne pas se fier aux apparences", ajoute-t-il.
D'ici à la publication de la décision finale, Nicolas Hulot et Elisabeth Borne "rencontreront les élus et les parties prenantes qui le souhaiteront afin de faire la pédagogie de ce rapport et surtout d'entendre leurs réactions à la publication de ce rapport", a indiqué le Premier ministre. "De même, un certain nombre de vérifications sur des éléments techniques mentionnés dans ce rapport seront conduites très rapidement", a-t-il précisé.
Notre dossier sur Notre-Dame-des-Landes
Notre-Dame-des-Landes : des contentieux encore en coursPas moins de cinq procédures sont engagées devant différentes juridictions.
Le tribunal administratif de Nantes doit se pencher, probablement au premier trimestre 2O18, sur les recours déposés par les principales associations pro-aéroport, ainsi que par la Confédération paysanne de Loire-Atlantique, visant à faire annuler le Schéma de cohérence territoriale (Scot) de Nantes/Saint-Nazaire, un document d'urbanisme adopté fin 2O16 englobant le projet d'aéroport.
La juridiction nantaise est également saisie de plusieurs recours, notamment d'associations de protection de l'environnement, contre les arrêtés préfectoraux autorisant le transfert et la destruction du campagnol amphibie, un petit rongeur protégé, dans le cadre de la réalisation du projet.
Le Conseil d'Etat, qui a récemment admis les six pourvois déposés en début d'année par les opposants, devrait se prononcer, au plus tard fin 2O18, sur le volet environnemental du projet. La cour administrative d'appel de Nantes avait validé en novembre 2O16 les arrêtés dits "loi sur l'eau" et "espèces protégées" indispensables au démarrage des travaux, malgré les préconisations du rapporteur public qui en demandait les annulations.
La plus haute juridiction administrative est également saisie depuis septembre 2O16 d'une nouvelle requête en abrogation de la déclaration d'utilité publique du projet, acte fondateur de la construction du nouvel aéroport, validé une première fois par le Conseil d'Etat en octobre 2O13.
Trente anciens propriétaires de terres situées dans le périmètre choisi pour le nouvel aéroport, expropriés il y a plus de cinq ans, réclament quant à eux devant le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire la rétrocession de leurs parcelles, la construction de l'infrastructure n'ayant pas commencé. Leurs demandes ne devraient pas être examinées avant septembre 2O18, au mieux, selon leur avocat, Etienne Boittin.
Bien que tous ces recours ne soient pas suspensifs, "l'Etat n'aurait pas intérêt à lancer les travaux tant que le Conseil d'Etat n'a pas statué", estime Sébastien Le Briéro, l'un des avocats des opposants, pour qui "sur certains volets du dossier, il reste une insécurité juridique".
D'autres recours à venir
Cette intense bataille juridique dont nul ne voit le bout devrait se poursuivre quelle que soit la décision de l'exécutif sur l'avenir du projet. Si le transfert de l'aéroport Nantes-Atlantique à Notre-Dame-des-Landes est confirmé, les opposants promettent déjà d'attaquer le permis de construire de l'aérogare, tout comme les autorisations de défrichement ou de stockage des carburants. En cas d'abandon du projet, les collectivités locales soutenant le transfert, réunies au sein du Syndicat mixte aéroportuaire (SMA), présidé par Philippe Grosvalet, ont promis d'engager, elles aussi, "tous les recours possibles, devant toutes les juridictions possibles".
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