Nanterre va chauffer des logements en récupérant ses eaux usées
Stephane Vigliandi et Eric Leysens | le 18/03/2011 | France , Paris, Hauts-de-Seine, Nord, Gironde
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La ville de Nanterre a inauguré vendredi 18 mars la pose d'un échangeur thermique sur le premier réseau français de chaleur alimenté par la récupération calorifique des eaux usées pour chauffer un éco-quartier.
« C'est une première en France ! », s'est félicité Patrick Jarry, le maire de Nanterre (Hauts-de-Seine). A l'heure où le débat sur l'énergie nucléaire est réactivé suite aux événements survenus il y a une semaine au Japon, l'élu communiste a ainsi souligné que Nanterre est désormais « l'une des communes françaises les plus en pointe en matière de production de chaleur à partir des énergies renouvelables (EnR) ». Inscrit dans le cadre du Plan Climat Territorial (PCT) lancé en février 2007 par cette agglomération de l'Ouest parisien, ce réseau de chaleur est destiné à fournir aux 650 logements neufs (dont 360 en accession à la propriété à prix maîtrisés ou encadrés) de l'éco-quartier de la Zac Centre Sainte-Geneviève « plus de 50 % de chaleur provenant d'énergies locales et renouvelables » ; tant pour le réseau de chauffage que celui d'eau chaude sanitaire.
Le montage du projet a été assuré par la SEMNA (Société d'économie mixte d'aménagement et de gestion de la Ville de Nanterre). La conception, la réalisation et l'exploitation de l'installation de production et de distribution de chaleur ont été attribuées au groupement Cofely-Lyonnaise des Eaux (deux filiales de GDF Suez) via un contrat de concession de 25 ans. Coût global de l'investissement : 3,795 millions d'euros (M€) dont 1,591 M€ financées par Cofely. En cours de demande, une subvention de l'Ademe (au titre du Fonds Chaleur) doit apporter environ 1,5 M€ « répartis à hauteur d'environ 50 % pour la partie récupération de chaleur et 60 % pour la distribution », détaille le maire de Nanterre.
Un mix énergétique « eaux usées-géothermie-gaz de ville »
Mandataire du groupement, Cofely (dont le bouquet énergétique est composé à 26 % par des énergies renouvelables et de récupération) s'est associé à Eau & Force, la filiale locale de Lyonnaise des Eaux. Le réseau de chaleur de l'éco-quartier Boule/Sainte Geneviève s'appuie sur le dispositif Degrés Bleus (voir encadré) d'Eau & Force pour récupérer les eaux usées (eau des cuisines, des salles de bains, etc.). D'une puissance cumulée de 800 kW, la chaufferie centrale s'appuie sur deux pompes à chaleur qui vont valoriser les eaux usées du réseau d'assainissement du Conseil général. Cette chaleur sera récupérée grâce aux 200 mètres d'échangeurs thermiques installés dans les canalisations sous l'avenue Georges-Clémenceau, à proximité de l'éco-quartier. « La valorisation calorifique des eaux usées est d'autant plus intéressante qu'en l'espace de dix ans, leur température a grimpé d'environ 4°C grâce aux multiples économies réalisées sur l'eau froide (installation de mitigeurs, de chasses d'eau économiques...) », précise Yves Bories, le directeur du centre régional Paris/Île-de-France d'Eau & Force. Aujourd'hui, ce dispositif fonctionne à la piscine de Levallois-Perret (commune voisine de Nanterre), à l'hôtel de ville de Valenciennes, à l'hôtel de communauté à Bordeaux pour le chauffage et le rafraîchissement ou encore dans une école à Paris.
En appoint, pour répondre aux pointes de consommation, le complément de chaleur sera produit par une géothermie sur nappe à faible profondeur (70 à 90 m) qui bénéficie d'une température d'eau in situ de 14° C. Pour la mise en œuvre du procédé Degrés Bleus, Lyonnaise des Eaux s'est associé à la société d'ingénierie Saunier & Associés pour les études, et sa filiale BSR Technologies pour l'exécution. En outre, Cofely va réaliser et exploiter également les 14 sous-stations d'alimentation (ou postes de livraison), ainsi que la centrale de production de gaz (via 3 chaudières) prévue pour l'appoint et le secours. Au final, le futur éco-quartier Boule/Sainte-Geneviève, implanté dans un tissu urbain dense, sera chauffé à 39 % par la valorisation des eaux usées et 14 % par la géothermie. Le dispositif devrait permettre d'économiser 13 500 tonnes d'émissions de CO2 d'après les calculs de Cofely et Lyonnaise des Eaux.
Selon nos informations, Lyonnaise des Eaux aurait d'ores et déjà trois autres projets pour installer des réseaux de chaleur similaires dans le cadre de logements collectifs : l'un auprès d'un office public de HLM (OPH) ; deux autres avec des entreprises sociales de HLM (ESH).
Mars 2011 Pose de l'échangeur thermique
Avril Pose des chaudières gaz et tests
30 avril Mise en service du réseau
10 juin-2 juillet Emménagement des premiers occupants dans les deux premiers (sur 5 lots de logements certifiés THQE et répondant, a minima, au label BBC).
Le dispositif Degrés Bleus s'appuie sur un échangeur thermique au fond des canalisations d'eaux usées. Il va permettre de récupérer les calories des eaux usées et les transférer à un fluide caloporteur. Composé d'eau glycolée (dont la température passe de 4°C à 8°C au contact de l'échangeur), ce fluide alimente une pompe à chaleur qui assure le chauffage du bâtiment. Il circule en boucle fermée de l'intérieur des échangeurs à la chaufferie du bâtiment. Constitué de plaques en inox, l'échangeur garantit la séparation du réseau de chauffage de celui des eaux usées. Quant à la pompe à chaleur, elle va démultiplier les calories prélevées et élever la température jusqu'à ce qu'elle soit suffisante (entre 50°C et 63°C) pour le chauffage du bâtiment.
Maire de Nanterre, Patrick Jarry rappelle que « la commune fait partie des dix premières villes en France à avoir créer, dès février 2007, un PCT (Plan Climat Territorial), alors que ce document ne sera obligatoire qu'à partir de janvier prochain dans les agglomérations de plus de 50 000 habitants ». Dans sa commune, ce Plan a déjà permis l'installation d'une chaufferie bois (opérationnelle au cours du printemps) dans l'éco-quartier Hoche qui sera chauffé à 80 % grâce aux EnR. Parmi les autres réalisations : la pose de 300 m² de panneaux photovoltaïques sur les toitures de deux groupes scolaires (environ 75 000 kWh produits depuis deux ans et demi, 6,4 tonnes de CO2 évitées par an) ; ou encore la construction d'un institut médico-éducatif. « En septembre dernier, nous avons engagé avec le Conseil régional la première réunion en vue de rendre cohérent notre PCT au futur schéma régional climat-air-énergie [le SRCAE a été créé par l'article 23 de la loi Grenelle 2 -ndlr] », précise Gaëlle Collignon, chef de projet PCT à la mairie de Nanterre.