Marché de l'isolation : les PME du végétal peuvent-elles inquiéter les géants du minéral ?
Multiplication des sites de production dans l'Hexagone, croissance à deux chiffres des volumes, ... l'industrie de la fibre de bois tourne à plein régime.
eric Leysens
Signe de la montée en puissance du végétal, le leader français de l'isolation Isover a lancé en octobre dernier un produit mélangeant laine de verre et fibres de bois. Ce n'est pas la première fois qu'Isover s'intéresse au biosourcé. Il a lancé, il y a déjà plusieurs années, Florapan, isolant à base de fibres de chanvre. Bien que le résultat de ses ventes soit négligeable dans le chiffre d'affaires de la filiale de Saint-Gobain - sa production est même en légère diminution - le symbole est fort. Un géant de la laine minérale s'est mis au végétal.
En octobre dernier, la multinationale française a renouvelé l'opération en lançant la commercialisation d'Isoduo, panneau isolant composé à 50% de fibres de bois- pourcentage permettant au produit d'être comptabilisé dans le référentiel du label biosourcé -, de laine de verre (40%) et de liant et d'additifs (10%).
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Dans les deux cas, c'est le groupe Buitex, spécialisé dans l'isolation végétale, qui se charge de la production dans son usine de Cours-la-Ville. Pour Bernard Boyeux, directeur de l'association « Construction et Bioressources », il s'agit d'un partenariat gagnant-gagnant. « Buitex bénéficie du savoir-faire d'un groupe comme Saint-Gobain, notamment dans l'obtention de ses avis techniques et ce dernier peut disposer de produits biosourcés sur son catalogue ».
Il n'existe pas de chiffres précis sur la pénétration des produits en fibres de bois sur le marché de l'isolation. Les produits d'origine végétale représenteraient aujourd'hui 10% du marché de l'isolation. Si, pour l'isolation des combles, la ouate de cellulose est le produit biosourcé le plus prisé; concernant les façades, les isolants en fibre de bois constituent le premier choix pour les acteurs qui se tournent vers un produit d'origine végétale.
Sur le marché français, les acteurs étrangers sont les groupes allemands Steico et Homatherm et la société suisse Pavatex. Les trois font partie de l'ASIV (Association Syndicale des Industriels de l'Isolation Végétale), syndicat professionnel créé en 2009 afin de fédérer les principaux acteurs de l'isolation végétale en France. Au total, une dizaine de sociétés vendent des isolants en fibre de bois sur le marché français et quatre sont françaises : Actis, Buitex, Sotextho, et Effiréal.
« Ne plus se limiter à l'univers écolo »
La première cible des fabricants d'isolants en fibres de bois sont les constructions en bois. Mais la progression de ce marché semble ne pas aller assez vite pour les industriels du végétal qui, aujourd'hui, se tournent vers d'autres marchés.
« Même si aujourd'hui 10% des constructions neuves sont en structure bois, nous ne pouvons pas ne pas nous intéresser aux 90% restants », explique Jacques Knepfler, en charge du marché français chez Steico. Nous proposons désormais des solutions sur voile en béton maçonné et, afin de les promouvoir, nous l'accompagnons d'un outil de calcul et d'un guide technique ».
Même son de cloche chez ses concurrents. « Il est temps de quitter l'univers de la construction écologique », explique-t-on à la direction commerciale de la branche française de Pavatex.
Floraison de sites de production
Les fabricants d'isolants en fibre de bois cherchent à étendre leur capacité de production.
Sur son site de production français de Casteljaloux, Steico va ouvrir sa troisième ligne de production. « La progression de nos volumes de production annuelle est à deux chiffres. Nos équipes travaillent en 3x8, voire 5x8 (roulement toutes les huit heures de cinq équipes sur un même poste, afin d'assurer un fonctionnement continu sur les 24 h d'une journée, y compris le week-end). Il est donc indispensable pour nous d'augmenter nos capacités », indique Jacques Knepfler.
Le troisième site de production de la société helvétique Pavatex, spécialisée depuis près de 100 ans dans la fabrication de panneaux en fibre de bois, a été inauguré, en 2013, non pas en Suisse, mais dans les Vosges françaises, à Golbey.
Cette année, Homatherm a également lancé sa première ligne de production française à Chamouilley/Saint-Dizier (52). Et l'entreprise Buitex a ouvert à Mably (Loire) une nouvelle ligne de production.
Bernard Boyeux observe cette floraison de sites de production et se demande, sceptique, s'il y aura des débouchés pour tout le monde.
Prix cassés
Côté prix, il est difficile d'y voir clair. 10 cm d'un isolant en fibre de bois présentant un lambda de 38 (plus le lambda est faible, plus l'isolation thermique est bonne), peut passer d'un prix au m² de plus de 15 euros à moins de 7 euros. Les acteurs de la fibre de bois s'accordent à dire que les prix ont été cassés par certains fabricants et que beaucoup s'alignent.
Une chose est sûre, les laines minérales restent moins chères. Chez Isover, pour une laine de verre de 20 cm avec un lambda de 35, il faut compter 11 €/m² alors que pour 20 cm d'Isoduo, mélange de fibre de bois et de laine de verre au lambda de 36, il faudra dépenser au moins le double.
Pour justifier des prix encore bien au-dessus de ce que proposent les minéraliers, les PME du végétal soulignent les propriétés hygroscopiques (stockage et évacuation de la vapeur d'eau) et la qualité acoustique de leurs produits. Et les acteurs de la construction semblent sensibles à leur argumentaire, car leur part de marché progresse. Pour le microcosme du végétal, la prochaine étape de leur montée en puissance sera le rachat de l'un des leurs par Saint-Gobain.
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