Loi Pacte : ces mesures qui vont concerner le BTP
Le projet de loi Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (Pacte) a été présenté au Conseil des ministres ce lundi 18 juin. Le texte de 73 articles introduit des dispositions relatives à la croissance et à la transformation des entreprises. Deux mesures -fin des ordres de service à 0 euro et relèvement des avances sur les marchés de travaux passés par l’Etat -, dans le sillage de la loi, concernent directement le BTP. Décryptage.
Mis à jour
18 juin 2018
« Tout vient à point à qui sait attendre ». Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie et des Finances, manie aussi bien les proverbes de François Rabelais que les calculs mathématiques lorsqu’il s'agit de justifier les deux mois de retard pris par le projet de loi Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (Pacte), dans un calendrier législatif particulièrement chargé, il est vrai, à commencer par l'examen du projet de loi Elan.
Le texte qui se compose de 73 articles intervient à toutes les étapes de développement des entreprises, de leur création à leur transmission, en passant par leur financement. Il sera examiné par les parlementaires à partir de septembre.
La rédaction du Moniteur a retenu les mesures phares qui impacteront les entreprises du BTP.
Commande publique : relèvement de 5% à 20% des avances sur les marchés de travaux passés par l’Etat, et fin des ordres de service à 0 euro
Le BTP peut au premier chef se satisfaire de deux mesures concernant la commande publique, et qui répond à leurs revendications répétées.
Premièrement, Bercy va relever le montant minimum des avances pour les marchés publics de l'Etat. Concrètement, aujourd'hui, obligation est faite aux personnes publiques de verser 5% de ce qu'elles doivent aux entreprises du bâtiment quand elles font la commande. Ce seuil montera à 20% pour les contrats de l'Etat, une mesure qui sera fixée "par décret", a précisé Bruno le Maire, confirmant des annonces effectuées vendredi 15 juin lors du congrès de la FFB.
Deuxièmement, Bercy souhaite faire adopter des mesures pour mettre fin aux "ordres de services à zéro euro", dans le cadre des marchés publics. Le secteur du bâtiment se plaint de longue date que leurs interlocuteurs publics leur imposent d'effectuer pour rien des travaux supplémentaires, une fois réalisée la commande initiale.
Reconnaissant qu'existait de fait ce type d'"obligation (...) aux entreprises quand elles terminent un bâtiment", le ministre de l'Economie a promis d'y remédier "par amendement" dans la loi Pacte, au cours de son examen par les parlementaires, à partir de septembre.
Simplifier les démarches administratives de création des entreprises
Les principales mesures visent à simplifier les démarches administratives de création des entreprises. Le projet de loi prévoit tout d’abord la mise en place d’un guichet unique électronique. Cette plateforme a vocation à remplacer les sept réseaux de centres de formalités des entreprises existants aujourd’hui, et qui sont gérés par plusieurs entités comme les chambres de commerce et d’industrie, les chambres des métiers et de l’artisanat ou, encore, les greffes de tribunaux de commerce. Bruno le Maire a expliqué que ce guichet sera mis en place progressivement vers 2021, « car techniquement très complexe ».
Dans le même temps, sera aussi créé un registre général des entreprises dématérialisé, qui permettra de centraliser les informations et éviter la multiplicité des registres actuels.
Alléger les seuils d’effectifs
Autre disposition très attendue : l’allègement des seuils d’effectifs à partir desquels des obligations nouvelles (fiscales, sociales, administratives…) s’appliquent aux entreprises. Il en existe aujourd’hui près de 200, regroupés sur 10 niveaux, et pas moins de... quatre façons de les calculer. Avec la loi Pacte, il n’y aura plus que trois niveaux : 11, 50 et 250. Le mode de calcul sera, lui, harmonisé sur celui du Code de la sécurité sociale, considéré comme plus favorable aux entreprises et plus facilement applicable à toutes les obligations.
Ces obligations ne seront effectives que lorsque le seuil aura été franchi pendant cinq années successives. Il s’agit, selon Bercy, de la durée d’un cycle économique. Par exemple, si une entreprise du BTP voit son effectif passer de 47 à 52 salariés, et qu’après trois ans, elle redescend à 47, elle n’aura aucune obligation sociale ou fiscale supplémentaire.
D’autres seuils vont être également relevés à 50 salariés, comme la participation de l’employeur à l’effort de construction (Peec), et le taux plein pour la contribution au fonds national de l’aide au logement (FNAL).
Réduire les coûts pesant sur les PME et les artisans
Plusieurs dispositions de la loi Pacte visent par ailleurs à réduire les coûts qui pèsent sur les PME et les artisans. Il s’agit premièrement de la suppression de l’obligation du stage préalable à l’installation pour les artisans. Ce stage, qui coûte environ 250 €, deviendra dès lors facultatif.
Autre annonce : la modernisation des annonces légales et judiciaires, qui coûtent cher à lors de la création d’une entreprise ou lors de la modification de son statut. « La tarification se fera au forfait et non plus à la ligne », assure Bruno Le Maire. Dans le même ordre d’idée, les actions de promotion de l’artisanat seront financées directement par le privé, et non plus par une taxe affectée. Elles seront donc portées par les organisations professionnelles et non plus par l’Etat.
Les seuils de certification des comptes seront quant à eux alignés sur la règle européenne – pour ainsi mettre fin à la surtransposition actuelle. Concrètement, le commissariat aux comptes dépendra du bilan de l’entreprise, qui devra être supérieur ou égal à 4 millions d’euros ; du chiffre d’affaires hors taxe qui devra être supérieur à 8 millions d’euros (contre 2 millions d’euros aujourd’hui) ; et enfin pour les effectifs, ils devront être égaux ou supérieurs à 50 salariés. La certification des comptes représente un coût de 5500 € par an pour une PME.
Elargir les entreprises éligibles à la procédure d’effacement des dettes
« Autoriser l’échec pour réussir », c’est la phrase forte retenue par Bercy pour présenter son programme de soutien aux entrepreneurs ayant connu un dépôt de bilan. Bruno Le Maire propose d’élargir la procédure d’effacement des dettes à toutes les entreprises éligibles. Le rétablissement professionnel s’adresse uniquement aux entreprises sans salariés et détenant moins de 5000 € d’actifs.
La réduction du délai d’instruction de la liquidation judiciaire fait également partie des priorités de Bercy. La loi Pacte prévoit de généraliser la liquidation judiciaire simplifiée dont le délai maximum est de 9 mois pour les petites entreprises (de 0 à 1 salarié – chiffre d’affaires inférieur à 300 000 €) et de 15 mois pour les entreprises ayant réalisé des revenus inférieurs à 750 000 €. « Elle deviendra la norme pour les petites et moyennes entreprises de moins de cinq salariés », assurent les experts de Bercy.
Création d’un fonds pour financer les innovations de rupture
Le Gouvernement a précisé les contours du Fonds pour l’innovation et l’industrie, une des promesses de campagne d’Emmanuel Macron. Piloté par BpiFrance, ce fonds qui dispose d’une enveloppe de 10 milliards d’euros a pour objectif de financer les innovations de rupture (IA, nanoélectronique, stockage d’énergie…). A l’origine, il se constitue d’1,6 milliard d’euros issus des cessions d’actifs effectuées au second semestre 2017 chez Renault et Engie, et de 8,4 milliards d’euros en titres de participations publiques (Thales et EDF). A termes, ce fonds sera alimenté par la cession de l’Etat dans trois entreprises : le groupe ADP (Aéroport de Paris), la Française des jeux et Engie. Selon le ministère de l’Economie, ces 10 milliards d’euros d’actifs qui n’ont pas vocation à être consommés, généreront un rendement annuel estimé entre 200 et 250 millions d’euros.
Un tiers du fonds sera consacré au financement des start-ups positionnées sur le segment de la « deep tech ». Le versement de cette première enveloppe s’effectuera sous la forme d’aides individuelles (subventions, avances remboursables et prêts) calibrées pour répondre aux besoins des licornes.
La seconde enveloppe financera des programmes identifiés comme prioritaires sur le plan sociétal ou sur la souveraineté nationale, associant laboratoires, PME et grands groupes. 100 millions d’euros par an seront octroyés pour financer l’intelligence artificielle et 25 millions d’euros pour la nanoélectronique.
Pour soutenir la politique d’innovation, le Gouvernement s’est doté d’un conseil de l’innovation, coprésidé par Frédérique Vidal, la ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation et Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie et des Finances. Il sera chargé de proposer les principaux arbitrages budgétaires, d'améliorer la lisibilité de la politique de soutien à l’innovation et de mieux articuler les aides publiques.
Céder des participations publiques
L’Etat se désengage du groupe ADP (Aéroports de Paris) et veut confier à un opérateur une durée d’exploitation de 70 ans. A l’issue de cette période, il pourra reprendre le contrôle des actifs aéroportuaires franciliens (terminaux, pistes…). Bercy rappelle que la loi de 2005 instaurant la création de la société anonyme ADP fait figure d’exception dans le système français de gestion des plateformes aéroportuaires. Elle prévoit que l’Etat (50,6% du capital) conserve la propriété des infrastructures dont il délègue l’exploitation à un tiers. Vinci, qui détient actuellement 8% du capital, a déjà fait part de son intérêt.
Le rôle de régulateur de l’Etat sera renforcé. La loi accordera un pouvoir d’autorisation sur les investissements, les travaux et les changements de contrôle de la société. Les deux parties devront signer tous les cinq ans un contrat de régulation économique pluriannuel. En résumé, l’Etat surveillera de près le niveau d’investissements et de qualité de service des aéroports de Paris.
La loi Pacte propose par ailleurs de supprimer le seuil minimal de participation de l’Etat dans Engie (24,1% du capital et 34,8% des droits de vote), le gestionnaire du réseau de distribution de gaz. Cette mesure vise à améliorer la capacité de financement de l’Etat pour financer des projets stratégiques ou constituer des alliances capitalistiques. Le ministère de l’Economie reste toutefois vigilant quant à l’arrivée de nouveaux investisseurs et s’engage à privilégier des acteurs de long terme. Son pouvoir de contrôle sera également maintenu : l’Etat gardera la main sur la régulation de l’énergie et il pourra s’opposer à une décision de cession par Engie de ses filiales de droit français, dont GRT Gaz.
L’Etat se désengage également de sa participation dans le capital de la Française des jeux. Bercy estime que le renforcement de la régulation des jeux d’argent et de hasard, confiée à une autorisée indépendante, ne rend plus nécessaire la présence majoritaire de l’Etat au capital de la FDJ (72%).
Protéger l’innovation des PME
Les PME françaises déposent quatre fois moins de brevets que leurs homologues allemandes. Pour pallier ce déficit de compétitivité, la loi Pacte propose de créer une demande provisoire de brevet d’une durée limitée à 12 mois. « La demande de brevet pourra être complétée par la suite, à mesure que l’entreprise avance dans l’instruction du brevet, tout en préservant le bénéfice de l’antériorité », explique Bercy. Aussi, la loi Pacte introduit une nouvelle procédure d’opposition aux brevets délivrés devant l’Institut national de la propriété industrielle (INPI). Selon le ministère de l’Economie, cette procédure qui se présente comme une alternative « plus simple » au recours judiciaire actuel permettra d’attaquer à moindre coût les brevets de faible qualité.
Faciliter la transmission des entreprises
Le projet de loi Pacte prévoit enfin un renforcement des outils de transmission. Tout d’abord, par la simplification du pacte Dutreil, en permettant notamment une cession du titre plus facile entre membres du pacte et en assouplissant les obligations déclaratives. En deuxième lieu, la reprise des salariés sera facilitée par la suppression du seuil de salariés minimum pour bénéficier du crédit d’impôt. Enfin, la transmission sera encouragée par le dispositif crédit-vendeur pour les entreprises de moins de 50 salariés et qui ont un chiffre d’affaires inférieur à 10 millions d’euros.
Le projet de loi sera étudié en commission parlementaire à partir de septembre, et les débats en séances auront lieu à l’automne. Certaines mesures, notamment liées à la participation et l'intéressement des salariés seront inscrites dans la loi de finance (PLF) pour prendre effet dès le 1er janvier 2019.
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