Loi Elan : ce qui va changer pour l’architecture, le patrimoine et le paysage
Sous-titré « construire plus, mieux et moins cher », le texte portant sur l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique aura un impact sur le travail des concepteurs, et en particulier des architectes, dont elle restreint le champ d’action. En matière de conservation du patrimoine, le rôle des architectes des bâtiments de France est aussi revu à la baisse dans certains cas.
La rédaction du Moniteur
Dès les premières moutures du texte, la loi Elan (évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) prévoyait de restreindre les missions des architectes comme des architectes des bâtiments de France. Mobilisation des organisations professionnelles, indignations des associations de défense… rien n’y a fait : le texte issu de la commission mixte paritaire du 19 septembre revient bel et bien sur certaines obligations auparavant contenues dans le Code du patrimoine ou dans les règles de la commande publique. Déjà adoptée par les députés, la loi doit maintenant être définitivement votée par les sénateurs le 16 octobre.
Le concours d’architecture devient dispensable dans les HLM
Lancer un concours d’architecture pour un bâtiment de logement social n’est, à nouveau, plus indispensable. La loi Liberté de création, architecture et patrimoine (LCAP) de juillet 2016 venait à peine de rétablir le recours obligatoire à cette procédure qu’Elan autorise les organismes d’HLM, les SEM de construction et de gestion de logements sociaux, mais aussi les centres régionaux d’œuvres universitaires et scolaires (Crous) à faire désormais l’impasse.
L’article 5-1 de la loi sur l’architecture du 3 janvier 1977 sera modifié en ce sens. Les maîtres d’ouvrage concernés demeureront toutefois soumis aux règles de publicité et de mise en concurrence. Par ailleurs, ceux qui le souhaitent pourront continuer d’organiser des concours.
Les bailleurs dérogent à la loi MOP
La loi Elan s’attaque aussi directement au champ d’application de la loi MOP. Ce texte de 1985 fixe les règles de la maîtrise d’ouvrage publique mais décrit aussi le cadre de « ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée ». C’est sur ce deuxième point qu’Elan apporte des modifications.
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En effet, les bailleurs sociaux entendus au sens large – comprenant les organismes HLM, les offices publics de l’habitat, les organismes privés d’habitation à loyer modéré et les SEM pour les logements à usage locatifs aidés par l’Etat – ne seront plus assujettis au titre II de la loi MOP relatif à la maîtrise d’œuvre. Autrement dit, ces organismes ne seront pas tenus de respecter les règles relatives aux missions de maîtrise d’œuvre - et donc celles des architectes - telles que définies par la loi MOP. Cette disposition, qui avait été rejetée par le Sénat, a été rétablie par la commission mixte paritaire.
Pour les rédacteurs du projet de loi, le cadre strict prévu par la loi MOP était en effet surtout utile pour les maîtres d’ouvrage publics qui lancent des chantiers de manière ponctuelle et ne sont donc pas rompus à toutes les règles de la construction. Le législateur a estimé que les organismes HLM, en tant que professionnels de l’immobilier, pouvaient donc en être exemptés.
« Avis », et non plus « accord », des ABF
Jusqu’alors le Code du patrimoine stipulait que les interventions de démolition, de construction ou d’aménagement sur un élément du patrimoine devaient obtenir l’accord de l’architecte des bâtiments de France. La loi Elan enfonce un coin dans ce grand principe de la protection des monuments en créant quelques cas d’exceptions : désormais quand le chantier prévu concernera un immeuble d’habitation jugé insalubre ou menaçant ruine, ne sera requis que « l’avis » de l’ABF. La loi Elan visant également à favoriser la couverture numérique du territoire et donc à éliminer les zones blanches, les ABF n’émettront également qu’un avis sur l’installation des antennes relais.
Par ailleurs, ces fonctionnaires ne seront plus les seuls à pouvoir proposer les contours d’un périmètre de protection aux abords des monuments historiques, avant de le soumettre à l’accord des élus locaux. Désormais la collectivité compétente dans l’élaboration du Plan local d’urbanisme (PLU) pourra, elle aussi, délimiter un tel périmètre d’abord mais dans ce cas, les ABF devront eux aussi donner leur accord sur le tracé proposé.
Les paysagistes entrent dans les lotissements
Quand la loi LCAP du 7 juillet 2016 avait instauré l’obligation de recourir à un architecte pour établir les projets de lotissements, des voix s’étaient élevées pour rappeler que d’autres professionnels, et notamment les paysagistes, avaient aussi toutes compétences pour mener de tels chantiers. Mais le titre de paysagiste-concepteur n’existait pas encore.
Il a été créé… un mois plus tard, le 8 août 2016, dans le cadre de la loi Biodiversité. Elan modifie donc le Code de l’urbanisme pour préciser qu’une demande de permis d’aménager pourra être déposée si le projet architectural, paysager et environnemental (Pape) est élaboré par un architecte ou par un paysagiste-concepteur.
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