Les tours Petronas : altitude 451 mètres
A Kuala Lumpur (Malaisie), les tours Petronas ont dépassé en 1998 la Sears de Chicago, la plus haute du monde depuis 1974 avec ses 443 mètres. Les antennes des jumelles culminent à 451 m, déplaçant, pour la première fois de l'histoire, ce genre de record vers l'Asie.
CATHERINE SABBAH
Séparées par un vide de 50 mètres, les deux tours Petronas sont reliées par un pont à mi-chemin de leur sommet. Cette passerelle de 325 tonnes hissée à 170 m au-dessus du sol aux 41e et 42e étages et maintenue par des armatures obliques, permet un passage entre les bureaux de la société pétrolière Petronas et les locaux de ses filiales, sans avoir à faire le tour "par en bas". Ce pont aménagé de belvédères et ouvert au public forme surtout le linteau de la porte de Kuala Lumpur City Center, ouverte vers un nouveau quartier d'affaires de la capitale malaise bâti sur 39 hectares. Bien plus que des immeubles de bureaux, et comme aux glorieuses heures de l'Amérique bâtisseuse, les tours Petronas figurent le succès financier, commercial et industriel de l'un des petits dragons du Sud-Est asiatique.
Plan étoilé
Les jumelles dessinées dans l'agence de l'architecte américain Cesar Pelli saillent de toutes parts. Les Petronas intègrent un symbole de plus que celui de la puissance de l'argent. Le plan des étages s'inspire directement de motifs puisés dans l'architecture islamique. Ces détails compliqués qui donnent de l'extérieur l'impression d'une pile infinie de roues crantées proviennent de la superposition décalée de deux carrés formant des étoiles à huit branches. Sur leurs bords, seize demi-cercles viennent adoucir les angles. Les pare-soleil installés pour éviter l'éblouissement assuré dans les plus hauts étages donnent encore un peu plus de relief à ces constructions qui tiennent davantage de la ziggourat que du gratte-ciel moderne. A six reprises, de la base au sommet, la section des tours diminue pour finir en une sorte de dôme. Cette géométrie compliquée imposée à Pelli, par ailleurs tout prêt à respecter l'environnement culturel de son maître d'ouvrage, correspondrait à une métaphore de Dieu dont la présence et le culte sont également soulignés par l'installation d'une petite mosquée dans chacune des tours.
Hauteur significative
Contrairement aux autres buildings de la capitale malaise construits dans le style international, le projet des tours Petronas a cherché à témoigner d'une véritable identité nationale et religieuse. Jusque-là, seules les petites maisons à deux étages aux murs de bambou et aux toits de paille revendiquaient un style vernaculaire. Au-delà du symbole encore conforté par quelques matériaux traditionnels distillés dans les aménagements intérieurs, il serait pourtant assez naïf de dissocier ce projet de la puissance financière de ses maîtres d'ouvrage. Hautes de 451 m, ces tours ont été construites pour accueillir les bureaux de la société pétrolière autant que pour afficher son pouvoir. Ce n'est évidemment pas un hasard si leurs antennes dépassent de 10 m celles de la Sears Tower. L'objectif d'être classé comme le plus haut immeuble au monde était clair dès l'origine.
Record de vitesse
Pour 1,2 milliard de dollars, le groupe japonais Mitsubishi et le coréen Samsung, chacun chargé de l'une des tours, rivalisèrent de vitesse pour monter chacune des piles de 88 étages autour d'un coeur central appuyé sur une ossature de tubes cylindriques en béton coulé sur place. La charge est répartie en seize colonnes qui encerclent la base de chaque tour. Au sol, deux dalles de béton de 50 m de diamètre, coulées sur 4 m d'épaisseur, maintiennent les fondations plantées jusqu'à 125 m de profondeur.
Et l'ensemble du chantier mené de 1993 à 1997 aligne les mêmes chiffres démesurés : 6.000 ouvriers, 20 architectes, 200 cadres entraînés sur les sites de Canary Wharf et d'Euro Disney, chargés de gérer le bon déroulement des opérations, 77.000 m2 carrés de vitrage, 29 ascenseurs et 10 cages d'escalier par tour... Les six premiers niveaux abritent un centre commercial de 150.000 m2, la salle de concerts de l'orchestre philharmonique de Malaisie (850 places) et un musée de l'énergie. Au-dessus s'empilent 450.000 m2 de bureaux. La tour taïwanaise Taïpei 101 a ravi le record de hauteur aux tours jumelles Petronas en 2004, avec ses 508 mètres.