Les douches «zéro ressaut» en débat
Un projet d’arrêté prévoirait, dès 2020, des douches «zéro ressaut» dans les logements neufs dits «évolutifs ». Bonne idée ou cadeau empoisonné? Qu’en pensent les architectes?...
JACQUES-FRANCK DEGIOANNI
Mis à jour
20 décembre 2019
Depuis la loi Elan, seuls 20% des logements (en rez-de chaussée ou desservis par un ascenseur) doivent désormais être accessibles. Les 80% restants devant simplement être «évolutifs». L’arrêté du 11 octobre dernier, venu détailler la notion de «travaux simples» permettant de rendre accessible un logement évolutif, n’avait pas réglé la question de la conception des douches, renvoyée à un texte ultérieur...
Dans son récent article - "Le gouvernement s’engage sur des douches « zéro ressaut » dans le neuf en 2020" - notre consoeur Sophie d'Auzon, pointe l'inquiétude des professionnels du bâtiment devant un projet d’arrêté qui consacrerait la généralisation de "la douche à l’italienne" - à zéro ressaut - facteur, selon eux, de surcoût constructif et de sinistralité à venir.
Qu’en pensent les architectes?
Interrogée par Le Moniteur, Christine Leconte, présidente du Conseil régional de l'ordre des architectes en Ile-de-France (Croaif) et son vice-président Fabien Gantois ont réagi.
"Aujourdhui, 40% des Français ont une mobilité limitée voire réduite. C'est un vrai sujet! La question est donc de penser une architecture au service d'une société à la population vieillissante. Le débat actuel sur les retraites nous dit que si l'espérance de vie est élevée, l'espérance d'un vieillissement en bonne santé ne s'allonge pas.Réaliser des salles de bain «zéro ressaut» c'est aussi permettre de «bien vieillir chez soi», pour reprendre la formule de Lucien Kroll : rester dans son quartier, avec ses amis et ses voisins.
Les architectes ont le savoir-faire technique. A condition de bien comprendre que «construire bien, écologiquement et pérenne», comme l'exige l'époque, coûte un peu plus cher sur le temps court, mais infiniment moins sur le temps long, et donc pour la société. Nous ne devons pas brader ce que nous construisons en neuf car rénover accessible sera difficile.
Cet engagement de l'architecte a un prix, certes, mais loin de ce qu'on entend dire. D'une part, des receveur à zéro ressaut existent en 4 centimètres et non 7 cm, d'autre part, il n'est techniquement pas nécessaire d'ajouter les 7 cm partout. Les receveurs peuvent être intégrés dans des réservations pensées en amont. Naturellement, cela nécessite que les entreprises disposent des compétences nécessaires!
On le voit, le surcoût est minime et surtout largement compensé par le «service social» rendu par la qualité d'usage offerte par ces logements."
Samuel Delmas, (a+ samueldelmas architectes urbanistes), de son côté, est plus catégorique : « Tous les arguments listés par les entreprises sont vrais... Cela engendrera beaucoup de problèmes d’exécution, de surcoûts et de sinistres à venir… ».
Plus nuancée enfin, Sophie Allard, architecte-voyer de la Ville de Paris, reconnaît sa «prédilection personnelle pour les douches à l’italienne» malgré les difficultés techniques liées à la différence de niveau minimale de 7 cm à obtenir entre le sol fini et la bonde. En l’absence de ressaut, l’eau peut se retrouver partout dans la salle de bains, à moins de prévoir une pente ad hoc sur l’ensemble de la surface. La meilleure solution est, dans ce cas, de poser un carrelage à l’ancienne, une solution qui n’est plus utilisée dans les logements neufs… En l’état, le projet d’arrêté à zéro ressaut obligerait les industriels à adapter leur offre de receveurs qui, à l’heure actuelle, présentent tous un ressaut, même minime… »
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