Les déchets mixtes mélangés sont qualifiés de déchets dangereux
Arrêt du 29 mai 2012 Cour administrative d’appel de marseille
Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d’appel de Marseille, sous le n° 10MA01496, le 14 avril 2010, présentée pour la société à responsabilité limitée (SARL) Séolane, représentée par son gérant en exercice, dont le siège social est sis chemin de la Garrigue à Carpentras (84200), par le cabinet d’avocats Autric-de Lepinau ;
La société Séolane demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 0801590 du 6 novembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté en date du 3 août 2007 et de l’arrêté rectificatif du 7 septembre 2007 par lesquels le préfet de Vaucluse a engagé à son encontre une procédure de consignation d’une somme d’un montant de 154 284 euros afin de garantir le retour sur le territoire national de déchets de plastisols et leur élimination ;
2°) d’annuler lesdits arrêtés ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention signée à Bâle le 22 mars 1989 relative aux mouvements trans-frontières de déchets dangereux et à leur élimination ;
Vu la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975 relative aux déchets ;
Vu la directive 288/98/CE du Parlement Européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets ;
Vu règlement CEE n° 259/93 du Conseil du 1er février 1993 modifié, concernant la surveillance et le contrôle des transferts des déchets à l’entrée et à la sortie de la communauté européenne ;
Vu le règlement CE n° 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 concernant les transferts de déchets ;
Vu le code de l’environnement ;
Vu la
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 24 avril 2012 :
- le rapport de Mme Buccafurri, président assesseur,
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;
Considérant que, le 26 décembre 2006, le préfet du Rhône a informé le préfet de Vaucluse que les autorités wallones avait appelé son attention sur un mouvement de déchets effectué sans notification préalable par la société Séolane, sise à Carpentras, laquelle avait livré ces déchets à la société BWH Recycling à Lontzen en Belgique, les déchets en cause provenant de la société Sanglar Industrie en liquidation judiciaire et sise dans le département du Rhône et ayant transité par la société ETVS également implantée dans le Rhône ; qu’en l’absence de procédure de transfert frontalier de déchets établie conformément au règlement du Conseil n° 259/93 du 1er février 1993 modifié concernant la surveillance et le contrôle des transferts de déchets à l’entrée et à la sortie de la communauté européenne, les autorités wallones ont sollicité le rapatriement de ces déchets en France ; que, par un courrier en date 29 janvier 2007, le préfet de Vaucluse a mis en demeure la société Séolane, sur le fondement des dispositions de l’article L. 541-42 du code de l’environnement et de l’article 26 du règlement du Conseil du 1er février 1993 précité, de rapatrier en France, dans un délai d’un mois, les déchets en cause, soit 385 fûts et 16 cubitainers de plastisols ; que l’inspecteur des installations classées ayant constaté, dans un rapport du 29 juin 2007, le non-respect par la société Séolane de la mise en demeure du 29 janvier 2007, le préfet de Vaucluse a engagé à l’encontre de ladite société une procédure de consignation d’une somme de 154 284 euros répondant du rapatriement et du traitement des déchets dangereux en litige, par un arrêté du 3 août 2007 rectifié, à la suite d’une erreur matérielle, par un arrêté du 7 septembre 2007 ; que la société Séolane relève appel du jugement n° 0801590 du 6 novembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l’annulation des arrêtés des 3 août et 7 septembre 2007 précités ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier de première instance que la société Séolane, contrairement à ce qu’elle soutient, n’a invoqué ni dans sa requête introductive d’instance déposée devant le tribunal administratif ni dans son mémoire complémentaire, le moyen tiré de la violation des droits de la défense et du principe du contradictoire en méconnaissance des dispositions de la loi du 12 avril 2000 susvisée ; que, par suite, le moyen tiré de l’irrégularité du jugement attaqué, à défaut pour le tribunal d’avoir statué sur ce moyen, manque en fait et ne peut, dès lors, qu’être écarté ;
Sur la légalité des arrêté préfectoraux contestés :
En ce qui concerne la légalité externe :
Considérant qu’aux termes de l’
Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment des mentions figurant dans l’arrêté contesté de consignation du 3 août 2007, lesquelles ne sont pas contestées par la société requérante, que cette dernière a été mise à même de présenter ses observations sur la mesure de consignation envisagée à son encontre, par un courrier du préfet de Vaucluse en date du 5 juillet 2007 ; que, par un courrier du 13 juillet 2007, la société requérante a fait part au préfet de ses observations sur cette mesure et ladite société n’a pas demandé à présenter des observations orales ; que, par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré de la violation des dispositions précitées de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 manque en fait et doit être écarté ;
En ce qui concerne la légalité interne :
Considérant, en premier lieu, que la mesure de consignation contestée constitue une sanction infligée à un administré ; qu’il y a lieu, dès lors, pour la cour, de se prononcer sur le présent litige, lequel présente le caractère d’un contentieux de pleine juridiction, au regard des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle elle statue ;
Considérant, en deuxième lieu, qu’en contestant la qualification de déchets donnée aux produits qu’elle a transférés ainsi que leur caractère dangereux, la société appelante doit être regardée comme excipant de l’illégalité de la mise en demeure qui lui a été adressée le 29 janvier 2007 par le préfet de Vaucluse ; que cette exception d’illégalité est recevable dès lors que la mise en demeure en cause n’est pas devenue définitive en l’absence de mention des voies et délais de recours ouverts pour la contester ;
Considérant, d’une part, que la société appelante soutient que les " plastisols " en cause ne pouvaient être qualifiés de déchets dès lors qu’ils constituaient des sous-produits au sens de l’article 5 de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du conseil du 19 novembre 2008 susvisée ;
Considérant, toutefois, que si tout justiciable peut se prévaloir, à l’appui d’un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d’une directive, lorsque l’Etat n’a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires, comme c’est le cas en l’espèce, les dispositions communautaires invoquées en l’espèce sont, en raison de leur imprécision et de leur caractère conditionnel compte tenu du 2 de l’article 5 de ladite directive, dépourvues d’effet direct ; que, par suite, la société appelante ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions ;
Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement : " Au sens du présent chapitre, on entend par : Déchet : toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire " ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que les plastisols déclassés litigieux constituaient le résultat d’une processus de fabrication dont le détenteur initial, la société Sanglar, entendait se défaire ; que la réutilisation de ces matériaux dans la continuité du processus de production n’était pas certaine et ne pouvait intervenir sans transformation préalable ; que, par suite, les produits en cause constituaient des déchets au sens des dispositions précitées du code de l’environnement ; que la circonstance que la société Séolane entendait commercialiser ces plastisols déclassés n’avait pas pour effet de leur faire perdre leur qualité de déchets ; que, par suite, c’est à juste titre que le préfet de Vaucluse a estimé que les produits litigieux constituaient des déchets ; que, par ailleurs, les dispositions précitées du code de l’environnement, qui transposent en droit national l’article 1er de la directive précitée du 19 novembre 2008 relatif à la notion de déchet et en donne la même définition, ne sont pas, en conséquence, incompatibles avec les objectifs de ladite directive et que le moyen tiré de ce que la cour devrait écarter les dispositions en cause du code de l’environnement doit, par suite, être écarté ;
Considérant, en outre, qu’aux termes de l’
Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment des analyses des fûts en litige effectuées en décembre 2006 par les autorités wallones, que les échantillons prélevés contenaient plus de 0,5 % de diethyl-phtalate (DEHP), du white spririt et que les solvants surnageants les pâtes de plastisol ont un point éclair inférieur à 55 °C ; qu’ainsi, les déchets en cause étaient énumérés à l’annexe 1 de l’article R. 541-8 du code de l’environnement, d’une part, dans la catégorie " H3-B " Inflammable " : substances et préparations liquides, dont le point d’éclair est égal ou supérieur à 21 °C et inférieur ou égal à 55 °C. ", d’autre part, dans la catégorie H7 "Cancérogène" : substances et préparations qui, par inhalation, ingestion ou pénétration cutanée, peuvent produire le cancer ou en augmenter la fréquence, pour le white spirit et enfin H10 " Toxique pour la reproduction " : substances et préparations qui, par inhalation, ingestion ou pénétration cutanée, peuvent produire ou augmenter la fréquence d’effets indésirables non héréditaires dans la progéniture ou porter atteinte aux fonctions ou capacités reproductives, pour le DEHP ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, les propriétés ainsi énumérées à l’
Considérant, par ailleurs, et, d’une part, qu’aux termes de l’
Considérant qu’il résulte de ces dispositions qu’en application de l’article 34 du règlement communautaire précité, l’exportation de déchets destinés à être éliminés à destination de l’Inde, comme c’était le cas des plastisols en litige, alors que l’Inde, bien que partie à la Convention de Bâle n’est pas membre de l’OCDE, était interdite ; qu’à supposer que la société requérante ait entendu exporter ces déchets, en vue de les valoriser, un tel transfert était également prohibé par les dispositions de l’article 36 de ce même règlement dès lors que ces déchets constituaient des déchets dangereux relevant du c) dudit article ;
Considérant, enfin, que si la société requérante fait valoir que seuls les solvants constitueraient des déchets dangereux et non les plastisols déclassés, il est constant que ces deux types de déchets étaient dans un même contenant ; que, par suite, c’est à juste titre que le préfet a estimé que ces déchets, dans leur ensemble devaient être rapatriés en France ; que, pour les mêmes motifs, la société requérante n’est pas fondée à demander que le montant de la consignation émise à son encontre soit modulée en fonction de la nature distincte des déchets en cause ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société Séolane n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué du 6 novembre 2009, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté en date du 3 août 2007 et de l’arrêté rectificatif du 7 septembre 2007 par lesquels le préfet de Vaucluse a engagé à son encontre une procédure de consignation d’une somme d’un montant de 154 284 euros afin de garantir le retour sur le territoire national des déchets en litige ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l’
Décide :
Article 1er : La requête de la société Séolane est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Séolane et au ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
CommentaireUne société prévoit d’exporter des déchets en Inde pour leur élimination ou leur valorisation. Ce mouvement transfrontalier de déchets non notifié est contrôlé par les autorités françaises. Le préfet met la société en demeure de rapatrier les déchets en France et fait consigner la somme nécessaire à cet effet. La société conteste la légalité de la mise en demeure et de l’arrêté de consignation, au motif que tous les déchets n’étaient pas dangereux.
La cour administrative juge que des déchets non dangereux mélangés à des déchets dangereux dans un même contenant doivent être traités comme des déchets dangereux. En l’espèce, les déchets – composés de solvants inflammables, substances cancérigènes et plastisols déclassés – sont mélangés dans un même contenant : ils devaient donc être rapatriés dans leur ensemble en France.
La cour administrative d’appel rappelle qu’en vertu du règlement communautaire du 14 juin 2006 concernant les transferts de déchets, entré en vigueur le 12 juillet 2007, les exportations de déchets dangereux, destinés à être valorisés, depuis l’Union européenne vers des pays non membres de l’OCDE, sont interdites.