
Les conseils de l’AQC pour prévenir les désordres dans la construction bois
Amélie Luquain | le 12/02/2020 | France , AQC, Construction bois, Sécurité incendie, Artisans
C’est bien connu, la construction bois de grande hauteur implique une vigilance particulière vis-à-vis des risques incendie et des pathologies dues à l’humidité. Mais les bonnes pratiques ne sont pas toujours d’usage.
Les tours de grande hauteur comme Hypérion à Bordeaux et les ouvrages olympiques et paralympiques des JO 2024 à venir sont autant d’aubaines pour la construction bois, qui se démocratise.
Mais elle n’est pas toujours idéalement mise en œuvre.
L’Agence qualité construction (AQC), sur la base de constats dressés à partir de l'observation de 25 opérations récentes en chantier ou en exploitation (qui resteront dans l’anonymat), propose, dans son rapport Constructions bois de plus de 8 m de hauteur – retours d’expérience, publié le 11 février 2020, plus de 70 bonnes pratiques à destination des professionnels de l’acte de construire.
Cette étude, réalisée à la demande du CSF Bois, fait partie du dispositif REX Bâtiments performants de l’AQC et a été éditée avec le soutien financier du programme Pacte.
Appréhension vis-à-vis du risque incendie
Côté feu, « le bois étant un matériau combustible, il génère beaucoup d’appréhension vis-à-vis du risque incendie » rappelle Julien Herbert, responsable de projet à l’AQC.
Dès le chantier, la réglementation n’intégrant pas d’exigences spécifiques à ce moment-là, la vigilance est de mise au regard de toutes les sources chaudes, tels que les meulages, soudures, étanchéités bitumineuses à chaud, etc.
Les détails d’exécution des éléments d’ancrage doivent être soignés pour assurer la continuité de la performance de l’enveloppe.
Un espace entre deux éléments suffit pour perdre le degré pare-flamme ou coupe-feu d’une paroi. L’ensemble des jonctions (assemblages bois/métal, bois/béton, espaces entre panneaux bois, pénétrations des réseaux et des fluides) doivent être calfeutrées avec des produits dont les performances en situation incendie ont été validées.
Certains éléments devront être encoffrés, ce qu’il faut savoir en amont pour éviter les déconvenues, à l’heure où le bois se veut visible en intérieur.
Quant à la durée de résistance de la structure, elle dépend de l’épaisseur des éléments, qu’il faut donc optimiser pour éviter les surcoûts.
Les effets de l’humidité mal maîtrisés
Côté hygrométrie, le taux d’humidité des bois peut varier entre l’atelier (12 – 13%), le chantier (15 à 20%) et durant l’exploitation du bâtiment (3 à 8%). « Si cette humidité n’est pas maîtrisée, le risque de fluage est important, d’autant plus critique que le bâtiment est haut en raison du cumul des déformations dans les derniers niveaux », explique Julien Herbert.
Là aussi, les jonctions entre éléments sont des points sensibles. Il faut éviter les infiltrations d’eau en protégeant les bois sur le chantier.
Des étanchéités à froid seront réalisées sur toutes les jonctions de panneaux, et des étanchéités complètes, provisoires ou perdues, à certains niveaux d’élévation avec installation de collecteurs d’eaux pluviale.
Quant aux ouvrages en filière humide, comme les chapes humides sur plancher bois, ils doivent être réalisés dans un bâtiment parfaitement ventilé. Des souffleries ou des déshumidificateurs peuvent être utilisés si nécessaire.
Le taux d’humidité des bois sera bien entendu contrôlé depuis la sortie d’usine jusqu’à l’état stabilisé en service.
Pour prévenir les dégâts des eaux, qui peuvent entraîner des pathologies importantes, les pièces humides seront superposées et les réseaux d’eau à proximité des gaines verticales.
Quant à la mise en œuvre des fameuses douches zéro ressaut, qu'un projet d’arrêté voudrait généraliser dans les logements neufs dits "évolutifs", elle devra être appréhendée très en amont !
Ruptures avec les habitudes
Autant de recommandations que les afficionados de la filière bois connaissent bien, mais qui ne sont pas toujours d’usage et qui peuvent amener des déconvenues.
En effet, « ces pratiques rompent avec les habitudes constructives traditionnelles, et impliquent de maîtriser les interfaces entre matériaux et l’interopérabilité entre tous les corps d’état, pointe Philippe Estingoy, directeur général de l'AQC. C’est l’organisation du projet et du chantier qui nécessite un réel changement de pratique ».
A l’heure où la construction bois se démocratise très largement – « + 20% de logements collectifs en 2016, +9% d’extensions surélévations depuis 2016 également, et 1 150 000 m² de bâtiments tertiaires en bois livrés annuellement », détaille Luc Charmasson, président du Comité stratégique de la filière bois (CSF Bois) – ces recommandations font maintenant partie du rapport de l’AQC.