« Les CEE : encore mal connus de la profession du bâtiment »
Six mois après le lancement de la plate-forme nr-pro.fr, destinée à aider les maîtres d’ouvrage (entreprises, collectivités, copropriétés) à trouver la meilleure subvention des énergéticiens dans le cadre du dispositif des Certificats d’Economies d’Energie, son fondateur François Amadei dresse un premier constat positif. Une preuve d’un grand besoin d’informations.
Elisabeth Salles avec Frédérique Vergne
Qu’est -ce qui vous a poussé à lancer nr-pro.fr ?
François Amadei : Notre plate-forme est issue de plusieurs constats : la très mauvaise connaissance des maîtres d'ouvrage sur ce dispositif des CEE qui permet de financer des travaux d’économie d’énergie ; le fait que 80 à 90 % des diagnostics réalisés dans les entreprises ne sont pas suivis d'actions parce que le taux de retour est trop long. L'expérience le prouve : au-delà de trois ans, elles préfèrent investir dans leur outil de production. Enfin, le dernier élément, sans doute le plus important : c'est qu'au sein des obligés, la différence de financement des travaux est considérable.
Toutes ces considérations nous ont amenés à souhaiter aider les maîtres d'ouvrage à trouver la meilleure offre des obligés.
Quels sont les enseignements que vous tirez de ces six mois de fonctionnement ?
François Amadei : Nous sommes très surpris par l'intérêt qu'elle a suscité, notamment de la part des obligés, parmi les plus importants, mais aussi de la part des CCI qui y voit un outil gratuit pour leurs entreprises, et des collectivités.
Comment est rémunérée votre plate-forme ?
François Amadei : Pour les maîtres d'ouvrage, l'accès est gratuit. Il est en revanche payant pour les obligés. Les premiers mettent en ligne leurs prévisions de travaux d'efficacité énergétique. Nous les qualifions, autrement dit , nous nous assurons que leurs projets entrent bien dans les conditions régissant les CEE, qu'ils ne sont pas antérieurs aux nouvelles dispositions qui veulent que l'obligé puisse prouver son rôle moteur. Une fois le projet qualifié, il est mis en ligne. Les obligés s'acquittent d'une première somme de 200 euros par an pour avoir accès à cette base. Ils sélectionnent les projets qui les intéressent et contactent les maîtres d'ouvrage. Nous suivons la relation jusqu'à la négociation finale. C'est alors qu'intervient la vraie rémunération de la plate-forme, à hauteur de 0,6 euro/MWh cumac sur l'économie d'énergie générée. Un chiffre à comparer au montant de l'amende qu'encourt l'obligé s'il ne respecte pas son quota, qui est de 20 euros/MWh, et au prix du MWhcumac sur le registre national des certificats, qui est de l'ordre de 4 euros/MWh.
Que pensez-vous du dispositif lui-même ?
François Amadei : Il est à l'évidence très vertueux, même s'il paraît un peu compliqué, à la mode française si je peux dire. Il présente, d'autre part, l'avantage de s'inscrire dans des plans triennaux, ce qui donne une visibilité aux intéressés. Enfin, il répond à une volonté politique forte, les dernières annonces de Nathalie Kosciusko-Morizet en faisant le principal outil des objectifs qu'elle a définis en décembre, au terme de la table ronde nationale sur l'efficacité énergétique, en étant la preuve évidente. Cette stabilité de l'intention politique est renforcée par la volonté affichée par la Commission européenne de généraliser le système, sous une forme peut-être différente, à l'ensemble des 27 Etats membres de l'Union européenne.
Enfin, c'est un dispositif qui semble plus facile à encadrer que la politique de subvention à l'énergie photovoltaïque, le redressement opéré lors de la deuxième période, en instituant la nécessité, pour les obligés, de prouver leur rôle moteur, en témoignant.
Quelques réserves, cependant : le système ne favorise pas assez les travaux d'isolation, qui sont, on le sait, la priorité en matière d'efficacité énergétique. Mais surtout, il reste très mal connu de l'ensemble de la profession du bâtiment.