« Les aménageurs détiennent des clés de la prévention des incendies », Olivier Richefou, président de la conférence nationale des services d’incendie et de secours
Les constructeurs et aménageurs ont en main des leviers pour prévenir les incendies. Encore faudrait-il qu’ils écoutent les experts. Président de la conférence nationale des services d’incendie et de secours et président du conseil départemental de la Mayenne, Olivier Richefou relaye ce plaidoyer. Pour le diffuser, il pousse à la création d’un secrétariat d’Etat à la Sécurité civile.
Laurent Miguet
Afin de prévenir les incendies, faudrait-il mieux associer les services départementaux d’incendie et de secours à la planification territoriale ?
Clairement, oui. Certes, les pompiers donnent leur avis sur les permis de construire ou les permis d’aménager. Mais il n’y pas de réflexe naturel pour aller au-delà des obligations réglementaires : les aménageurs publics et privés se contentent de mettre à disposition les poteaux et les quantités d’eau obligatoires.
Or, les pompiers pourraient jouer un rôle utile de conseil, dans la conception de certains aménagements, en particulier dans les lotissements.
La révision en cours des documents d’urbanisme offre-t-elle une occasion de corriger le tir ?
Saisissons-nous en effet de cette opportunité pour diffuser une culture de la prévention ! Au-delà de l’effet provoqué par les incendies de l’été, tous les secteurs doivent s’emparer du sujet, à commencer par l’éducation, mais aussi, bien sûr, l’aménagement et la construction. Je compare volontiers la prévention des incendies à la prévention routière. La mobilisation collective a produit des résultats, y compris grâce à la conception des espaces.
Ce type de réflexe peut s’appliquer aux aléas climatiques, qu’il s’agisse des incendies ou des inondations. Avec les océans qui ont gagné 4 à 5°, il faut se préparer, dans les mois à venir, à des orages ravageurs.
Peut-on favoriser les bonnes pratiques sans changer le cadre réglementaire ?
La conférence nationale des services d'incendie et de secours pousse l’idée d’un secrétariat d’Etat à la sécurité civile. Il lui appartiendrait de diffuser une culture transversale de la prévention, aux côtés de toutes les administrations concernées. Je pense en particulier au ministère du Logement.
Au-delà de la mobilisation des acteurs, des réflexions réglementaires restent nécessaires : si la France dispose d’un arsenal bien adapté au bâtiment, il n’en va pas de même pour l’aménagement extérieur. Les contrôles et vérifications se limitent aux projets neufs et aux établissements recevant du public. Mais qu’en est-il de tous les autres ? Les propriétaires et gestionnaires devraient régulièrement entendre les conseils préventifs, pour faire face aux incendies comme aux inondations.
« Si la France dispose d’un arsenal bien adapté au bâtiment, il n’en va pas de même pour l’aménagement extérieur. »
Pensez-vous en particulier à l’aménagement forestier ?
Lorsque je suis allé en Gironde fin juillet avec le président de la République, les pompiers nous ont sensibilisés à l’impact de la manière dont on plante les forêts sur la vitesse de propagation du feu. Il ne s’agit pas seulement des essences, mais aussi de l’ordonnancement : une forêt dont tous les arbres atteignent la même hauteur accélère le processus. A l’inverse, des hauteurs différentes, une moindre densité et une disposition en quinconce permettent de le ralentir.
L’atomisation de la propriété forestière freine-t-elle la diffusion des bonnes pratiques ?
Recommandés à partir de 10 hectares, les plans de gestion forestière ne s’imposent que pour des parcelles supérieures à 25 hectares. Autour de La Teste-de-Buch où se sont déroulés les incendies de juillet, les pratiques de gestion résultent d’un héritage coutumier, en marge du Code civil.
Ce contexte nous conduit à prôner, au moins dans les territoires les plus exposés, un abaissement du seuil à partir duquel s’imposent les plans de gestion, pour toucher un plus grand nombre d’espaces. L’efficacité de la prévention résulterait également de l’encouragement des regroupements fonciers et d’un meilleur contrôle du respect des plans de gestion.
Conçues pour la protection des écosystèmes, les obligations réelles environnementales peuvent-elles aussi servir à prévenir les incendies ?
Cet outil créé par la loi Biodiversité aura un impact réel, car il mettra en relation les propriétaires avec les experts de l’environnement qui savent par quels bouts prendre les espaces naturels. Plus on favorise les mises en relation par la voie contractuelle, plus on se donne des chances d’une bonne gestion.
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Une partie de la solution ne repose-t-elle pas sur la revitalisation d’espaces ruraux délaissés ?
Les lieux non entretenus et abandonnés constituent une source de risque. Je fais partie des nombreux militants d’une sauvegarde de l’agriculture au service des paysages, et notamment du bocage. Rappelons la capacité des haies à retenir l’eau et à fournir un combustible renouvelable pour des chaufferies collectives.
Quel regard portez-vous sur le respect de l’obligation de débroussaillage ?
J’observe une situation très hétérogène. Les secteurs les plus exposés ont parfaitement intégré cette obligation. D’autres se considèrent à l’abri. Je ne suis pas sûr que l’arsenal législatif soit suffisant, ni franchement appliqué, au-delà de quelques départements comme les Bouches-du-Rhône ou le Var.
Or, ces derniers jours au Nord de la Loire, plus de 1 000 hectares sont partis en fumée. Le réflexe de débroussailler doit désormais s’étendre à tout le territoire national. Les efforts collectifs pour freiner le réchauffement climatique ne produiront pas d’effets avant des décennies. En attendant, l’adaptation repose sur l’appropriation collective d’une culture de la prévention.
L’échelle européenne donne-t-elle plus de chance à la diffusion de la culture de la prévention parmi les professionnels de l’aménagement ?
Les pays se situent à un stade de maturité très hétérogène, en matière de protection de l’environnement. Certes, une culture commune s’est forgée dans la lutte contre les incendies. Les feux des dernières années en Suède ont accéléré la prise de conscience de la nécessité de renforcer les moyens matériels, notamment aériens, à l’échelle européenne. La France détient un leadership reconnu sur ce créneau, comme en témoigne le rayonnement mondial de l’école nationale des pompiers d’Aix-en-Provence.
Mais pour l’instant, la mobilisation européenne n’intègre pas la prévention par l’aménagement.
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Tous les champs sont obligatoires
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