La réforme de la commande publique suscite encore de sérieuses interrogations. C’est notamment le cas au sujet des accords-cadres à bons de commande. Le décret marchés publics du 25 mars 2016 ne reprend pas le principe d’exclusivité au bénéfice du titulaire de l’accord-cadre, que posait feu le Code des marchés publics. Un député demande au gouvernement si cela autorise l’acheteur public à contracter en toute liberté en dehors de l’accord-cadre.
Dans le cadre des questions au gouvernement, Jean-Luc Fugit, député (LREM – Rhône), fait part des inquiétudes des acheteurs publics face au nouveau régime juridique des accords-cadres à bons de commande, issu du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics. Les acheteurs ne savent pas s’ils sont autorisés à contracter librement hors de l’accord-cadre à bons de commande ; ou s’il est interdit de sortir de l’accord-cadre pour l’acquisition de prestations qui en sont l’objet. Le principe d’exclusivité prévu par l’ancien Code n’est plus clairement mentionné.
Les accords-cadres : un contrat verrouillé
Dans sa réponse, le ministre de l’Economie et des Finances revient sur l’ancien régime des accords-cadres : « L’article 77 de l’ancien Code des marchés publics prévoyait que, par exception au principe du droit à l’exclusivité détenu par le titulaire sur les prestations objet d’un marché public, l’acheteur pouvait, si ce marché était un accord-cadre à bons de commande, s’adresser à un autre prestataire, pour des besoins occasionnels de faible montant, pour autant que le montant cumulé de ces achats ne dépassait pas 1% du montant total du marché ni la somme de 10 000 euros HT ».
Des exceptions contractuelles possibles
Le nouveau décret (no 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics) « ne prévoit plus cette limitation et apporte un assouplissement au principe de l’exclusivité ». Certes, rappelle le ministère, « un accord-cadre demeure, sous l’empire des textes entrés en vigueur le 1er avril 2016, un système fermé pendant toute sa durée d’exécution. Une fois l’accord-cadre conclu, seuls son ou ses titulaires peuvent se voir attribuer les bons de commande ou marchés subséquents faisant l’objet de ce marché public. »
Cependant, les acheteurs publics ont désormais la possibilité de prévoir contractuellement des exceptions à ce principe d’exclusivité en définissant les limites de leur engagement contractuel. « En dehors de ces limites, l’acheteur est libre de recourir à d’autres opérateurs économiques que le titulaire d’un accord-cadre, pour les mêmes besoins. L’acheteur doit insérer de manière expresse, dans les documents contractuels du marché, une clause stipulant qu’il se réserve la possibilité de recourir à des tiers pour certains types de prestations prévues au contrat et ce, sous certaines conditions déterminées. » Ces clauses dérogeant au principe d’exclusivité doivent être le plus précises possibles pour éviter tout risque de contentieux. « Elles peuvent notamment indiquer le périmètre des prestations concernées, le montant estimatif ainsi que les conditions dans lesquelles l’acheteur pourra en faire usage », précise Bercy.
En revanche, « dans le silence de l’accord-cadre, l’acheteur est tenu, par principe, de garantir à son ou ses titulaires l’exclusivité des prestations qui en sont l’objet ».
Les engagements du contrat doivent être respectés
Par ailleurs, « cette démarche n’exonère pas les acheteurs publics de l’obligation de respecter l’ensemble des engagements contractuels souscrits au titre de l’accord-cadre antérieur », insiste le ministère. « Ainsi, notamment dans l’hypothèse d’un accord-cadre avec montant minimum, l’insertion d’une clause dérogatoire au principe d’exclusivité ne dispense pas l’acheteur de respecter son engagement à passer à chaque titulaire de l’accord-cadre les commandes à hauteur du montant minimum« . En outre, « rien n’interdit à chaque titulaire de l’accord-cadre de postuler à l’attribution des marchés publics correspondant aux commandes effectuées hors contrat », conclut Bercy.
QE n° 3543, réponse à Jean-Luc Fugit (LREM – Rhône), JOAN du 20 février 2018.