Le Paris de 2040, objet de rudes négociations dans la majorité d'Anne Hidalgo
L'équipe de la maire PS veut voir le "PLU bioclimatique" parisien, qui doit permettre l'adaptation au changement climatique, entrer en vigueur en 2024. Mais écologistes et communistes ne sont pas d'accord sur ses modalités.
AFP
Quel visage pour les toits de Paris, le périphérique ou les dernières friches? Le futur plan local d'urbanisme (PLU) de la capitale se décide en ce début d'année entre les trois composantes de la majorité d'Anne Hidalgo, et des blocages subsistent.
L'actuelle version de ce document technique, texte de référence pour accorder ou non un permis de construire et guider l'aménagement d'une ville pour une décennie minimum, date de 2006.
L'équipe de la maire PS Anne Hidalgo veut voir sa nouvelle version, baptisée "PLU bioclimatique" en ce qu'elle doit permettre l'adaptation au changement climatique, entrer en vigueur en 2024.
Pour cela, l'adjoint socialiste à l'urbanisme, Emmanuel Grégoire, doit rassembler les alliés écologistes et communistes autour d'un accord, étape préalable pour se présenter comme le candidat légitime à la succession d'Anne Hidalgo en 2026.
Le compromis doit être entériné lors d'un Conseil de Paris extraordinaire mi-avril, même si le cabinet du premier adjoint se laisse "le premier semestre". Ce dernier ne veut pas s'épancher sur des négociations qui "avancent bien".
Ecologistes et communistes, en revanche, affichent leurs propositions et concessions afin de faire monter les enchères.
Les hauteurs en question
Ainsi, les écologistes, adversaires d'une densification trop poussée comme d'une ville verticale, "ont accepté les principes des surélévations pour faire du logement social", indique à l'AFP l'élu EELV Emile Meunier.
Dans la ville façonnée par le bâti haussmannien de six étages, les immeubles pourront atteindre "neuf étages dans les rues les plus larges", selon M. Meunier, président de la commission urbanisme.
L'adjoint PCF à la construction, Jacques Baudrier, se veut rassurant. "On ne souhaite pas surélever partout: souvent c'est d'un étage, ce qui n'est pas énorme, et que pour du logement".
Les écologistes veulent en échange ancrer "la limite de 37 m" de hauteur "et nos partenaires de la majorité ne veulent pas", déplore Emile Meunier, qui pense à la dernière grande friche de Bercy-Charenton (XIIe).
Les écologistes sont "assez conservateurs", tacle le président du groupe communiste, Nicolas Bonnet-Oulaldj, pour qui "il faut continuer à construire la ville", grâce aux dents creuses et aux surélévations, afin d'atteindre l'objectif fixé de 40% de logement public en 2035.
Les deux alliés s'écharpent également sur le réaménagement de la porte de Montreuil (XXe) (lire encadré), pour lesquels les écologistes viennent de proposer un contre-projet sans nouveau bâtiment.
"On est prêts à un certain nombre de concessions, mais Montreuil cristallise notre colère", bouillonne Jacques Baudrier, favorable aux bâtiments du promoteur Nexity, notamment un hôtel au-dessus du périphérique qui suscite l'ire des écologistes. Tout comme les projets d'"immeubles-ponts" de la porte Maillot (XVIe), retoqués par la justice en raison des risques de pollution.
Bureaux: stop ou encore?
Les Verts, opposés aux autres grands projets urbains remontant au premier mandat d'Anne Hidalgo, quand Jean-Louis Missika était adjoint à l'urbanisme (Tour Triangle, gare d'Austerlitz), réclament aussi une diminution de 20 à 15 millions de m2 des surfaces de bureaux dans la capitale.
Alors que les communistes souhaitent encore en créer "là où il y a des besoins, dans le nord et l'est", afin de rééquilibrer l'offre avec l'ouest parisien, explique Jacques Baudrier.
Les deux alliés s'accordent sur les préemptions, moyen pour les écologistes de créer du logement social sans densifier la ville. Les communistes demandent que le budget alloué passe de 200 à 500 millions par an.
Et les espaces verts? Là aussi, plusieurs pierres d'achoppement: outre les constructions aux abords du périphérique, la petite ceinture, cette ligne ferroviaire désaffectée et aménagée pour la promenade sur certains tronçons, revient dans le débat.
Les écologistes exigent son classement en zone urbaine verte afin de protéger ses 50 hectares qu'ils considèrent comme "la principale réserve de biodiversité de Paris". Mais les communistes y voient un "risque d'irréversibilité" pour une infrastructure potentiellement réutilisable pour le fret.
Pour autant, les communistes ne veulent pas passer pour "le groupe qui soutient la bétonisation" et proposent une liste de 40 sites - dont de nombreux parkings aériens - à végétaliser.
Un accord est-il possible d'ici avril? "Il faut y arriver", dit Emile Meunier.
Bras de fer autour du projet de la porte de Montreuil
Un grand rond-point inhospitalier et des débats rugueux: le réaménagement de la porte de Montreuil suscite un conflit ouvert au sein de la majorité de gauche d'Anne Hidalgo, allant jusqu'à menacer un large accord sur l'urbanisme de la capitale. Depuis septembre 2022, les écologistes s'opposent frontalement au projet du promoteur Nexity adopté en 2019 par le Conseil de Paris, sous le premier mandat d'Anne Hidalgo. Fin 2021, l'exécutif parisien avait annoncé lancer la métamorphose de cette entrée populaire de l'est parisien, connue pour son marché aux puces, pour une enveloppe d'environ 100 millions d'euros. Un chantier consistant à transformer l'immense rond-point routier entre Paris et Montreuil en "place" végétalisée de 3,5 hectares, via la couverture de l'anneau situé au-dessus du périphérique, mais aussi à édifier une dizaine d'immeubles, soit 60.000 m2 de bâtiments (bureaux, commerces, services) afin d'effacer la frontière entre Paris et sa banlieue. Alors que les travaux, censés débuter en 2023, n'ont toujours pas démarré, ils ont présenté dimanche 26 février leur "projet alternatif", s'attirant immédiatement les flèches des communistes: "fake news", "désinformation"... Soutenus par certaines associations (Greenpeace, FNE Environnement), les élus écologistes refusent "une muraille de béton et de bureaux" qui reviendrait à "accentuer la concentration des richesses à Paris" et donc à "renforcer les inégalités territoriales". La dalle qui doit couvrir l'anneau "coûte environ 70 millions d'euros, "nécessite énormément de béton" et "va augmenter la concentration de polluant à l'entrée et à la sortie du nouveau tunnel", assurent-ils. Autres cibles, l'hôtel prévu au-dessus du périphérique, alors que la justice a retoqué deux autres projets d'"immeubles-ponts" porte Maillot (XVIe) en raisons des risques de pollution pour les riverains, et l'abattage prévu d'environ 180 arbres. Enfin, la question des quelque 400 puciers, qui doivent intégrer une halle à 240 emplacements que la Ville rachètera à Nexity, "n'est toujours pas réglée", souligne l'élue Nathalie Maquoi. A la place, les écologistes proposent un réaménagement sans bâtiment, "qui peut être réalisé en trois ans", pour un coût de 35 millions d'euros, avec une piste cyclable, des murs anti-bruit, des arbres "tous les 6 m" pour le marché aux puces et une nouvelle "coulée verte".
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