« Le dumping des honoraires tire la maîtrise d’œuvre vers le bas »
Confrontés à la baisse de leur activité, les architectes doivent résister au dumping des honoraires, guider les maîtres d’ouvrage vers les bonnes pratiques et se former aux nouveaux savoirs. A la tête de l’ordre depuis un peu plus d’un an, Lionel Carli aborde ces sujets qui font débat au sein de la profession.
propos recueillis par Dominique Errard
Quel effet la baisse de la commande produit-elle sur la maîtrise d’œuvre ?
La diminution de la commande se traduit notamment par une recrudescence d’offres anormalement basses. Elles ont pour objet d’attirer les marchés vers ceux qui adoptent cette pratique dangereuse, génératrice de non-qualité. Nous devons sortir de cet engrenage qui tire la maîtrise d’œuvre vers le bas. Et cela ne peut se faire qu’en associant tous les partenaires - architectes, bureaux d’études et économistes de la construction - dans une démarche commune à l’attention de la maîtrise d’ouvrage. Nous avons passé trop de temps ces dernières années à partager des honoraires en oubliant le contenu des missions. Interrogeons-nous sur ce que la maîtrise d’ouvrage est en droit d’attendre de nous, au regard des nouvelles obligations réglementaires, et déterminons qui fait quoi. Ensuite, nous guiderons les maîtres d’ouvrage vers la juste rémunération.
Comment allez-vous aider les maîtres d’ouvrage au bon usage de la maîtrise d’œuvre ?
Nous assisterons la maîtrise d’ouvrage en élaborant des outils qui répondent à ses attentes. Nous publierons par exemple prochainement le Guide de la commande publique de maîtrise d’œuvre. Cet ouvrage a été élaboré avec les partenaires de la maîtrise d’œuvre (*), la Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques (Miqcp) et le ministère de la Culture. Par ailleurs, nous révisons actuellement les contrats types de maîtrise d’œuvre, afin d’élaborer un contrat type commun à l’ensemble de la maîtrise d’œuvre et mettre à jour la loi MOP grâce aux enseignements du Grenelle de l’environnement - en intégrant notamment l’accessibilité des handicapés, l’engagement parasismique et l’étude thermique au niveau du permis de construire. Enfin, nous allons nous attaquer à la commande privée et répondre à une question aujourd’hui sans réponse réglementaire : qu’est-ce qu’une mission de maîtrise d’œuvre ?
Concernant l’accessibilité des handicapés, les architectes se plaignent de l’absence de dérogations dans la construction neuve. Comment concilier cette exigence sociale forte et sa traduction difficile sur le terrain ?
En demandant l’introduction de dérogation pour la construction neuve, certains architectes font fausse route. Nous devons travailler avec les associations de handicapés et mettre en avant le confort d’usage. Ainsi, en comprenant mieux l’ergonomie associée à chaque handicap, nous pourrons interpréter les règles sans trahir la loi. L’ordre des architectes a débuté ce travail avec l’Association des paralysés de France, et cela devrait déboucher sur la publication d’un guide avant la fin 2012. La Délégation ministérielle à l’accessibilité a repéré notre travail et nous devrions rencontrer les représentants des instructeurs de permis de construire prochainement. Pour relayer ce travail, l’ordre va proposer la désignation d’un référent accessibilité ordinal dans chaque région.
Accessibilité des bâtiments, performance énergétique… les nouvelles exigences renforcent le besoin de formation. Les aides à la formation sont-elles suffisantes ?
Depuis décembre dernier, la maîtrise d’œuvre a rejoint le dispositif FEE Bat. Ce projet, qui associe l’Unsfa, la Synamob, l’Untec, la CICF et Syntec-Ingénierie, est piloté par l’ordre des architectes. Un comité de sélection va habiliter des organismes de formation pour deux premières actions, adaptées aux besoins de la maîtrise d’œuvre, portant sur l’amélioration énergétique des bâtiments existants. Elles seront opérationnelles dès le mois de mars. Deux autres formations, inédites, vont être créées sur la prévention des pathologies lors de la réhabilitation énergétique du bâti et de la performance de l’enveloppe.
(*) Syntec-Ingénierie (fédération d’ingénieristes), l’Union nationale des syndicats français d’architectes (Unsfa), l’Union nationale des économistes de la construction (Untec), la Chambre de l’ingénierie et du conseil de France (CICF) et le Syndicat de l’architecture.
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