Le développement durable à l'épreuve des faits

-Les journées nationales des ingénieurs des villes de France ont passé ce concept au crible de l'action concrète. -Le développement des centres-villes concentre les problèmes de gestion de la mobilité, des politiques d'aménagement et du rôle des élus. Quatre villes proposent quatre approches de la question.

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« Le développement durable est un développement qui permet de répondre aux besoins du présent sans compromettre la possibilité, pour les générations à venir, de satisfaire les leurs ». Cette définition de Jacques Theys, directeur de l'Institut français d'environnement, a servi de base aux travaux de l'association des ingénieurs des villes de France (IVF), dont les quarante huitièmes journées nationales s'achèvent ce 30 mai à Montpellier. Au programme : le rôle des acteurs dans la définition du développement durable ; les attentes des élus locaux en matière de développement urbain et les actions concrètes des villes examinées sous trois angles transversaux : la gestion de la mobilité ; la gestion des ressources et la gestion de l'espace.

Daniel Robequain, directeur général des services techniques de Montpellier depuis 1984, rapporteur général de ces journées, décrit ici les enjeux et les perspectives du développement durable, en les illustrant par les initiatives prises à Montpellier.

Le développement durable : ce thème théorique et médiatique n'est-il pas étonnant pour des ingénieurs ?

DANIEL ROQUEBAIN. J'ai proposé ce thème quand nous avons été candidats à l'accueil des journées nationales. En effet, il a surpris. A l'époque, il y a un an et demi, ce sujet n'était pas à la mode. Nous l'avons traité à notre manière : « à l'épreuve des faits ». Pour nous, le développement durable est une action opiniâtre de chaque jour. Elle s'appuie sur un projet global à très long terme. Il ne s'agit surtout pas d'opérations ponctuelles, comme lorsqu'on sacrifie à la mode avec des textes, telle la loi sur l'air, dont on sait qu'on ne les appliquera pas.

Cette démarche de développement durable comprend plusieurs volets : la consommation de services, l'aménagement et le rôle des élus. De plus, le territoire d'une ville, quand on le maîtrise par la planification urbaine et la gestion du foncier, est un lieu privilégié de développement durable.

La commune est-elle, pour autant, le territoire le plus pertinent pour traiter du développement durable ?

Bien sûr, cela dépend. Eau, air et transports se moquent des frontières. Aucun niveau de décision n'a jamais la maîtrise complète du développement durable. « Penser globalement, agir localement », dit-on avec justesse. Pour leur part, les collectivités locales peuvent à la fois relayer des politiques nationales et prendre des initiatives. En agissant sur le territoire communal, on peut insérer un projet géré à une plus large échelle : c'est ce que nous avons fait à Montpellier avec le futur tramway qui doit répondre aux besoins de toute l'agglomération, mais a été prévu dans le projet urbain de la ville. Notre réflexion fait aussi apparaître que, pour certains problèmes, les organisations socio-politiques a ne sont pas toujours à même d'organiser le développement durable.

Que pourront retirer les ingénieurs de cette réflexion ?

Gens de terrain, les IVF font souvent du développement durable sans le savoir. Nous travaillons concrètement en passant ce thème au crible du réalisme. Le problème est complexe. Ces journées nous permettent de lever la tête du guidon, de nous situer en sortant de nos spécialités en assainissement ou en voirie, et de voir comment aborder dans la perspective du long terme les demandes à court terme qui viennent vers nous. C'est tout l'intérêt de s'inscrire dans un projet urbain. Précisément, le projet de ville et le projet urbain, tel qu'il est réalisé à Montpellier, inscrit dans le temps l'ensemble des actions de manière cohérente.

Comment le futur tramway s'intègre-t-il dans cette cohérence ?

Il est la résultante du concept d'« écomobilité » mis au point et mis en oeuvre ici pour assurer le droit à se déplacer : triplement, entre 1977 et 1994, du réseau de transport en commun, création de deux axes de circulation prioritaires, construction de parkings, réalisation de 100 km de pistes cyclables et d'un espace piétonnier de 85 000 m2.

Le tramway a été préparé par la planification urbaine qui a dessiné l'axe nord-sud de développement de Montpellier. Le tramway permet de requalifier les espaces publics en maintenant la priorité aux transports en commun. L'organisation globale des transports, avec des connexions tramway-SNCF est en vue. Cette première ligne préfigure l'organisation et le développement de la ville, avec des effets à vingt ans. Elle s'inscrit dans la logique du développement durable.

En est-il de même pour l'eau ?

En exploitant la source du Lez, plutôt que d'utiliser l'eau du Rhône, impropre à la consommation sans traitement, nous nous sommes assurés une ressource de qualité. Nous avons diminué le gaspillage par la rénovation des réseaux, avec un rendement porté de 60 % à 85 %. Nous avons aussi lutté contre les inondations, avec la rectification et le calibrage du Lez, l'aménagement de bassins de rétention et la mise en place d'un système d'alerte.

L'aménagement du Lez, avec ses différents volets - mesures anti-inondations, aménagement d'espaces verts et préservation de la faune et de la flore, activités de loisirs, soutien d'étiage - est une action sur plusieurs décennies. Elle se prolongera avec la création de berges urbaines et de jardins à Port-Marianne. Nous agissons en continu, avec un objectif à long terme.

Reste l'extension de la station d'épuration de La Céreirède, bloquée en raison de divergences politiques entre les communes de Montpellier et de Lattes.

Montpellier s'est acquis une réputation nationale en matière d'économie d'énergie. Pourquoi ?

Depuis 1985, un service de maîtrise de l'énergie travaille sur les économies et sur l'utilisation des énergies nouvelles et renouvelables. Résultat : la ville payait 9,3 millions par an à EDF en 1987 ; elle en a payé 8,6 millions en 1996, alors que son patrimoine a augmenté de 18 %.

Comment abordez-vous le problème des ordures ménagères ?

Le ramassage est de la compétence de la ville, le traitement de celui du district. Sous le nom générique de Déméter, nous avons développé le tri sélectif chez l'habitant, créé plus de deux cents « points verts » pour le verre et le papier, aménagé neuf déchetteries, un centre de dépôt des inertes, une station de compostage des déchets verts, une usine de tri sélectif.

Dans le désordre institutionnel, face aux réactions de l'opinion qui ne veut pas d'unité de traitement à proximité, la question des ordures ménagères est difficile à résoudre. Nous n'avons pas pu déplacer la décharge du Thot. Mais une décharge bien contrôlée n'est-elle pas préférable à une usine d'incinération ?

Quels sont les autres champs d'action de Montpellier qui relèvent du développement durable ?

La ville a signé en 1984 avec l'Etat la Charte de l'environnement qui comporte 87 mesures, classées en cinq parties : maîtrise de l'espace urbain et des paysages, « écomobilité », maîtrise des ressources naturelles, éducation à l'environnement, indicateurs de l'environnement. Les espaces verts sont un des points forts, avec une politique de grands espaces qui est une des caractéristiques du POS et la technique de la « gestion différenciée ». Le choix des espèces locales, la priorité aux traitements biologiques - avec un élevage de coccinelles ! - les économies d'eau vont dans le sens du développement durable. Là aussi le plus important, c'est la cohérence et la continuité.

Ville et commerce

La Chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP) a adopté le 30 janvier 1997 des propositions de modification du droit de l'urbanisme pour favoriser l'insertion du commerce en ville (1). Elle estime notamment que les documents d'urbanisme locaux devraient être compatibles avec les futurs schémas de développement commercial, et propose l'ajout d'un zonage « commerce » dans les POS. La mise en compatibilité des POS avec les schémas est aussi recommandée par le groupe de travail réuni par Jacques Perrilliat à la demande du ministre du Commerce et de l'Artisanat (2).

(1) « Faciliter l'insertion du commerce dans l'espace urbain - aspects du droit de l'urbanisme », rapport de Roger Filiol, Rens. : 01.42.89.75.14. (2) « Le développement des activités commerciales en centre-ville », mars 1997.

PHOTO : Daniel Robequain

Directeur général des services techniques de Montpellier

«Le territoire d'une ville, quand on le maîtrise par la planification urbaine et la gestion du foncier, est un lieu tout à fait privilégié de développement durable »

Les préoccupations des ingénieurs : responsabilités, normes, recrutements

Si les ingénieurs des villes de France prennent du recul en examinant le « développement durable », ils gardent l'oeil sur leurs préoccupations professionnelles. Le président national des IVF, le niçois Robert Tiquet, le constate : « Notre métier doit prendre en compte les aspects techniques, mais aussi les problèmes socio-économiques ou environnementaux. Notre activité est de plus en plus complexe, globale ». Cette mutation se traduit par des responsabilités croissantes (accidents des usagers, application du Code des marchés publics...). Robert Tiquet explique : « Ceci nous a conduit à proposer à nos adhérents une assurance protection juridique. Nous nous inquiétons aussi des conséquences de la future réforme du Code des marchés publics. En particulier avec la mise à l'écart des offres dites anormalement basses, qui peut nous faire courir des risques de délit de favoritisme ».

Les normes européennes de sécurité et d'environnement suscitent aussi de fortes réticences : « Cette surabondance de réglementation entraîne d'énormes frais de mise en conformité qui confisquent la capacité d'investissement des collectivités », souligne Robert Tiquet qui se réjouit : « Sur ce point, nous avons été rejoints par l'Association des maires de France ». Enfin, le président des IVF place en tête de ses préoccupations de nombreuses et persistantes inadéquations dans les recrutements : seuil démographique qui interdit aux villes de moins de 80 000 habitants de se doter d'un ingénieur en chef ; contrôle de légalité « de plus en plus tatillon » sur l'emploi de contractuels, d'où de nombreux postes non pourvus ; grand écart dans le temps entre le moment où les postes d'ingénieurs sont déclarés ouverts et celui où ils sont occupés ; non prise en compte, dans les modalités de recrutement, des spécialités, comme ingénieurs en espaces verts, qui correspondent à la formation des candidats comme aux besoins des villes.

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