Le dérèglement climatique devrait faire bouger le secteur du BTP
Les intempéries et les vagues de chaleur liées au dérèglement climatique charrient des risques professionnels. L’organisation du travail doit être repensée mais n’est pas évidente dans le BTP.
Pauline Chambost
"L’enjeu de l’impact du changement climatique sur le travail n’est pas encore suffisamment pris en compte", constate Philippe Garabiol, secrétaire général du Coct (Conseil d’orientations des conditions de travail). Mais il l’est petit à petit. C’était d’ailleurs le sujet d’une table ronde organisée le 25 mai dernier lors du Salon Préventica, à Paris. Le haut fonctionnaire prévient : "L’entreprise se trouve confrontée à une vraie responsabilité et ce n’est pas évident parce que l’investissement ne sera pas forcément rentable".
L’employeur a une obligation de sécurité. Or, le dérèglement climatique charrie avec lui des risques professionnels. Par exemple, inondations et coulées de boue peuvent rimer avec risques biologique et routier. Et de manière plus évidente, les vagues de forte chaleur, qui seront plus fréquentes, plus longues et plus importantes, entraînent fatigue voire malaise, entre autres.
Quant aux ultra-violets, ils sont à l’origine de cancers et de cataractes. "Les gens qui travaillent dehors ont probablement un risque supplémentaire de mélanome mais il n’est pas encore prouvé, explique Pierre Cesarini, directeur de l’association Sécurité solaire. En revanche pour le carcinome épidermoïde, on repère en Allemagne 6 à 8000 cas par an associés à une exposition professionnelle". Un tel repérage n’existe pas en France.
Chaleur et UV, deux risques différents
Face aux UV, il faut organiser l’ombre et porter des lunettes et des vêtements, explique simplement Pierre Cesarini. En revanche, attention aux fausses bonnes mesures de prévention. Le spécialiste du soleil met en garde contre l’idée de porter une couleur sombre pour se protéger des UV : le bénéfice est minime et le désavantage d’augmenter la chaleur est bien plus grand.
Comme toujours en matière de prévention des risques professionnels, "l’organisation du travail est fondamentale", note Philippe Garabiol. Et de se demander : "Dans le BTP par exemple, n’aurions-nous pas intérêt à adopter les horaires espagnols ?". Quand l’on comprend qu’en période de chaleur, le pic d’exposition aux UV est à 14 heures et celui de chaleur à 17 heures, difficile d’imaginer des ouvriers arrêtés pendant tout l’après-midi. "L’aménagement de temps ne contraint pas obligatoirement à stopper le travail", nuance Pierre Cesarini.
Embaucher plus tôt
Fabienne Cironneau, conseillère entreprises santé sécurité RSE à la CCI Alsace Eurométropole, observe déjà que "des entreprises essaient d’embaucher plus tôt, même si ce n’est pas toujours faisable". Les nuisances sonores sont davantage acceptées en zone industrielle qu’au milieu des habitations. Et Philippe Garabiol de citer le cas d’un maire qui a dû, face à une pétition de riverains, revenir sur son arrêté permettant à des travaux de se tenir plus tôt à cause de la chaleur.
Aujourd’hui, dans le BTP, la neige ou le verglas permettent de bénéficier d’un dispositif de chômage pour intempéries. Dans son avis du 25 avril dernier intitulé "Travail et santé environnement : quels défis à relever face aux dérèglements climatiques ?" le Conseil social, économique et environnemental préconise d’intégrer le risque canicule à ce régime. Certes, une modification réglementaire est nécessaire, mais la voie est ouverte.
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