Le contrôle du juge sur le délai de remise des offres
Par Hervé Letellier, avocat associé, Symchowicz Weissberg & Associés | le 05/10/2018 | Réglementation des marchés publics, Conseil d'Etat
Marchés publics -
Selon le Conseil d'Etat, fixer un délai respectant le minimum réglementaire n'est pas toujours suffisant pour garantir une procédure régulière.
Par une décision estivale (1), le Conseil d'Etat a précisé la portée de sa jurisprudence « Biomnis » (2) qui reconnaît au pouvoir adjudicateur la possibilité de limiter le nombre de lots attribués à un même candidat. Les juges du Palais-Royal ont admis que cette limitation pouvait s'appliquer à deux entreprises distinctes mais liées, dès lors que l'une n'avait pas de moyens propres et se prévalait uniquement de ceux de l'autre pour exécuter le marché.
Le Conseil d'Etat a aussi, par cette même décision et pour la première fois, été amené à se prononcer sur le point de savoir si le respect par l'acheteur des délais réglementaires de remise des offres était suffisant pour garantir une procédure régulière. En répondant par la négative, la Haute assemblée a ouvert la possibilité d'un contrôle du juge sur ce point, toutefois circonscrit à celui de l'« erreur manifeste d'appréciation ».
Un délai de remise des offres adapté à la complexité du dossier. En premier lieu, le Conseil d'Etat, en reconnaissant l'existence d'un contrôle juridictionnel sur les délais de remise des offres, a posé le principe selon lequel un tel délai pouvait être insuffisant, quand bien même il respecterait les durées réglementaires fixées pour les procédures formalisées.
La Haute juridiction a ainsi tiré toutes les conséquences de la formulation de l'
Et l'on peut supposer que cette appréciation se fera en prenant en considération un certain nombre d'indices traduisant la « complexité du marché » - et notamment la nature des prestations attendues, les enjeux stratégiques et financiers du contrat, l'ampleur des données de la mise en concurrence, le secteur concerné ou encore l'état effectif de la concurrence.
Une adéquation limitée à la possibilité de déposer une offre recevable. En second lieu, le Conseil d'Etat a toutefois indiqué que le contrôle du juge en la matière était limité à l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation. Il a souligné qu'il appartenait simplement au juge de vérifier, au regard des éléments précédemment indiqués, « si le délai de consultation, bien que supérieur au délai minimal fixé par les textes applicables, n'était néanmoins pas manifestement inadapté à la présentation d'une offre ».
Le contrôle du juge se limite à l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation.
Ainsi que l'a rappelé le rapporteur public Olivier Henrard dans ses conclusions sur cette affaire, si le Conseil d'Etat estime que la décision du juge des référés devait être annulée, ce n'est pas tant parce qu'elle avait considéré que le délai retenu était trop restreint pour remettre une offre régulière, mais parce qu'elle avait jugé qu'il était insuffisant pour déposer une offre plus compétitive.
Or, la finalité du règlement de la consultation d'un marché public n'est pas de « créer la situation la plus concurrentielle possible mais de permettre la satisfaction des besoins du service public dans le respect de l'égalité des candidats ». Ce n'est donc que dans des cas où la fixation d'un délai de remise des offres conforme à la réglementation aura empêché le dépôt d'une offre recevable ou toute compétition véritable qu'une irrégularité pourra être constatée.
Le juge des référés ou du fond contrôle, en procédure formalisée comme en procédure adaptée, la pertinence des délais de remise des offres imposés par l'acheteur.
En procédure formalisée - telle que l'appel d'offres -, le respect des délais minimaux prévus par les textes ne suffit pas pour s'assurer de la régularité de la procédure, la complexité du marché pouvant impliquer de retenir un délai supérieur.
Cette « complexité du marché » pourra être appréciée sur la base d'un certain nombre d'indices : nature des prestations attendues, enjeux stratégiques et financiers du contrat, ampleur des données de la mise en concurrence, secteur concerné ou encore état effectif de la concurrence…
Le juge se limite à contrôler que le délai de consultation n'est pas manifestement inadapté à la présentation d'une offre recevable.