Le compte personnel « pénibilité » fait polémique dans le BTP

L’Assemblée nationale a voté en première lecture, le 15 octobre, le projet de loi sur la réforme des retraites. Le futur « compte personnel de prévention de la pénibilité », financé par les entreprises, suscite la controverse dans le secteur de la construction.

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Le compte personnel « pénibilité » fait polémique dans le BTP
Pénibilité au travail

Les députés ont adopté en première lecture, le 15 octobre, le projet de loi sur la réforme des retraites. Principale mesure intéressant les employeurs du BTP, le compte personnel de prévention de la pénibilité, qui doit voir le jour le 1er janvier 2015 pour les salariés ayant été exposés à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels au-delà de certains seuils. Le principe du dispositif : permettre aux intéressés de cumuler des points, attribués au vu des expositions par l’employeur, sur la base de la fiche individuelle de prévention des expositions.

Trois options pour utiliser les points

Le salarié ayant crédité son compte d’un certain nombre de points pourrait ainsi les utiliser pour financer une formation « en vue d’accéder à un emploi non exposé ou moins exposé », un passage à temps partiel ou encore un départ anticipé en retraite. L’employeur ne saurait, en l’état actuel du texte, refuser une demande de réduction du temps de travail sans motif. Il devra de plus démontrer que cette mesure « est impossible compte tenu de l’activité économique de l’entreprise».

« Un casse-tête pour les employeurs »

De nombreux sujets, comme les modalités d’inscription des points sur le compte et le plafond de points, ou encore les seuils d’exposition à la pénibilité (durée, intensité, fréquence), seront fixés par décret. « Or, il est permis de se demander si les protections individuelle et collective seront prises en compte et, le cas échéant, leur efficacité et leur confort ? », soulève à ce titre Jean Cerutti, cadre dirigeant de l’entreprise de travaux publics Roger Martin. Si ce dernier ne s’oppose pas à la prise en compte de la pénibilité quant à l’âge de départ à la retraite, « il faudrait plutôt mettre en place un système de contrôle de l’état de santé des salariés proches de cet âge, par exemple avec une visite médicale approfondie ». Jean Cerutti déplore en outre la complexité de ce nouveau dispositif. « Un véritable casse-tête pour les entreprises, en particulier les petites ! Les désaccords entre salariés, organismes de contrôle et employeurs sur l’exposition à la pénibilité risquent, de surcroît, d’être difficiles à gérer. »

Pour les personnes âgées d’au moins 52 ans au 1er janvier 2015, le barème d’acquisition des points doit par ailleurs être aménagé par décret - il est, pour l’heure, question de les doubler.

Une mesure « contreproductive » pour les entreprises

Les dépenses ainsi générées par l’utilisation du compte seront prises en charge par un fonds financé par deux cotisations patronales. Un mauvais signal pour les employeurs aux yeux de Jean Cerutti. « Leur faire supporter le financement apparaît comme une sanction généralisée qui pourrait impacter leur comportement, alors que la profession a beaucoup investi en matière de prévention ces dernières années. Cette mesure est contreproductive.»

« Responsabiliser les employeurs »

Pascal Barbey, secrétaire national bâtiment à la FNCB-CFDT, ne l’entend pas cette oreille. « Il incombe aux employeurs de supporter le coût de la pénibilité, alors que celui-ci pèse aujourd’hui pour partie sur la société, notamment suite au départ des salariés « usés » de leur entreprise par la voie de la rupture conventionnelle, ou par des départs arrangés en inaptitude à tous postes. Ces modalités de financement vont en outre permettre de responsabiliser les employeurs, surtout ceux qui ne font pas d’efforts en matière de prévention.»

Deux cotisations patronales

La première cotisation sera égale « à un pourcentage fixé par décret dans la limite de 0,2% des rémunérations des salariés entrant dans le champ d’application du compte personnel de prévention ». Doit s’y ajouter une cotisation égale à un pourcentage, là aussi déterminé par décret, compris entre 0,6 et 1,6% des rémunérations perçues par les salariés « effectivement exposés à la pénibilité au cours de chaque période ». Avec un taux spécifique -compris entre 0,6 et 1,6%- au titre des salariés ayant été soumis simultanément à plusieurs facteurs de pénibilité.

Si la fédération construction, bois et ameublement de la CGT accueille favorablement les avancées liées au financement, le compte n’y est toutefois pas. « D’après une étude publiée en 2009 par le groupe Alpha, la prise en compte de tous les départs anticipés à 55 ans liés à la pénibilité représenterait, par exemple au titre de l’année 2007, 1,9 à 2,3% de la masse salariale des ouvriers, expose Serge Plechot, secrétaire fédéral. Un jour ou l’autre, les salariés risquent d’être mis à contribution : le projet de loi ne va donc pas assez loin. »

Le Sénat examinera à son tour le texte à compter du 28 octobre prochain.

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