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« La hausse des prix et la pénurie de verre vont durer », Christophe Vergnaud, DG de Riou Glass
Comme la plupart des matériaux de construction, les vitrages sont touchés par une hausse des prix et une pénurie sans précédent. Pour Christophe Vergnaud, directeur général du transformateur Riou Glass, la situation risque encore de s’amplifier et de durer, avec forcément des répercussions à tous les niveaux, jusqu’au client final. Interview en toute transparence...
Véronique Cottier
Dans un contexte de hausse générale des prix des matières premières, quelle est la situation sur le marché de la transformation du verre pour la construction ?
À la différence des autres matériaux, notamment l’acier et le pétrole qui sont cotés et dont les cotations sont visibles, il n’y a pas de cotation officielle pour le prix du verre. Mais il subit la même tendance haussière que les autres matières premières.
Depuis quand cette hausse des prix est-elle observée ?
Le mouvement de hausse a commencé au mois de juin 2020, après le premier confinement. C’est dû à plusieurs phénomènes. D’abord, les stocks de verre ont été très vite consommés post-Covid. Nous avions eu un mois de mai à 30-40% d’une activité normale. Nous sommes passé à plus de 100% au mois de juin. Le redémarrage a été très rapide et très violent, nous avons donc consommé les stocks existants. De plus, les “floatiers” avaient arrêté leur four, soit en veille chaude, soit en veille froide – ce qui est encore plus long à redémarrer – et donc cela a créé une première tension sur les approvisionnements. On ne l’a pas senti énormément chez les transformateurs, en revanche, on a commencé à voir les premières tendances haussières. Il faut dire que le prix du verre était descendu très bas et n’était pas au niveau de sa réelle valeur.
C’est donc sur cette base que le mouvement de hausse a commencé, pour s’emballer ensuite ?
Effectivement, la première hausse de juin était une hausse de compensation. Mais dès juillet, il y en a eu une autre, puis une troisième
en septembre. Et nous avons reçu le 17 mars 2021, la cinquième hausse : les prix s’envolent, nous sommes à plus de 30 % de hausse de prix du verre depuis le mois de juin 2020. La situation est extrêmement critique parce que certains floatiers, qui avaient arrêté leur four pendant le premier confinement, ont profité de la situation pour fermer leurs fours en Europe de l’Ouest pour en monter d’autres en Europe de l’Est. Inévitablement, il y a un début pénurie qui se crée sur le marché, alors que nous sommes sur les mois les plus faibles d’activité, mais on va au-devant d’une vraie pénurie sur juin-juillet.
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Est-ce que les hausses sur d’autres matériaux impactent également votre activité ?
Au-delà du verre, tous les éléments qui entrent dans la composition du vitrage sont concernés, que ce soit les intercalaires aluminium, les polyuréthanes, etc. Nous sommes impactés par l’ensemble de ces hausses.
Quel est l’effet de cette situation sur le coût de vos produits ?
L’impact est important car la matière première est la plus grosse part du prix de revient, donc si vous prenez 30 % de hausse sur la matière première, vous avez inévitablement une répercussion importante. L’impact dépasse largement les 10 % sur le prix final.
Avez-vous la possibilité de répercuter cette hausse sur la facture de vos clients ?
Aujourd’hui, absolument pas et c’est difficilement absorbable chez nous. Nous améliorons la productivité, nos confrères également, pour essayer d’en absorber le maximum, mais nous ne pouvons pas le faire dans sa globalité, et c’est difficilement répercutable. La santé financière de tous les acteurs de la transformation est aujourd’hui en train de se dégrader, alors que depuis plusieurs années déjà on enregistre un nombre croissant de fermetures d’entreprises. Ce phénomène est lié au fait qu’aujourd’hui on a une marge qui n’est pas bien répartie sur la chaîne de valeur. Pendant des années chez bon nombre de transformateurs, et nous l’avons vécu aussi chez Riou Glass, l’EBITDA était corrélé au chiffre d’affaires, au fil des crises et du fait d’une part des hausses des matières premières et d’autre part de la baisse des prix chez nos clients, nous avons un vrai effet ciseau. Certains l’ont vu venir, l’ont anticipé, l’ont préparé avec de la productivité – c’est ce qu’a connu l’automobile dans les années 90 – et d’autres n’ont pas su s’adapter, n’ont pas su faire les économies, n’ont pas eu non plus l’opportunité de faire des achats de masse. Quand vous êtes un indépendant, vous ne pesez pas grand chose face à un gros acteur. Il y a des années que la valeur n’est pas répartie équitablement.
Comment des entreprises de votre secteur peuvent-elles se sortir de cette situation ?
Il y a des entreprises qui ont eu le PGE et qui l’ont consommé. Par chance, le gouvernement a autorisé le décalage d’un an pour le remboursement.
La catastrophe économique que l’on aurait pu envisager dès le mois d’avril 2021 n’aura pas lieu cette année. L’équilibre reste fragile et la flambée des matières premières va accentuer cette fragilité et entraîner bon nombre de nos confrères dans des situations qui ne seront plus relevables.
Cette situation est paradoxale à l’heure où les entreprises de menuiseries connaissent une activité particulièrement importante, particulièrement sur la rénovation de l’habitat ?
Les carnets de commandes sont pleins chez nos clients industriels. La difficulté sera l’approvisionnement. En termes de prix de vente, et dès le début de l’été, sauf inversion de la tendance, nous serons contraints de répercuter les hausses de matières premières, c’est une question de survie de nos entreprises et de responsabilité. De mon point de vue, la répercussion sera forte parce que les prix continuent à augmenter.
En revanche, la pénurie programmée du verre sur-juin-juillet fait que tout le monde ne sera pas servi. Malgré des carnets de commandes pleins, nous n’aurons pas la possibilité de transformer et de livrer nos productions. On est dans une spirale dont nos clients ne sont pas encore complètement conscients. Le prix des matières premières va encore monter, mais cette hausse de nos prix de vente ne nous sera pas bénéfique parce que nous n’aurons pas suffisamment de matière pour servir...
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Vous parlez de hausses importantes, de quel ordre ?
Nous sommes déjà à +30 % en moins d’un an puisque cela a commencé en juin 2020. Je pense qu’au global, nous allons atteindre 50 % de hausse. La tension va s’accroitre, lorsque nous serons dans les mois « forts » et les “floatiers” auront toute latitude à augmenter encore leurs prix et on n’aura pas d’autre choix que de prendre car il n’y aura pas de matière. On prendra ce qu’il y aura au prix qui sera disponible sur le marché.
Est-ce une crise temporaire ou sur plus long terme ?
C’est une situation qui va durer. À partir du moment où des décisions ont été prises de fermer des floats en Europe de l’Ouest pour les remonter à l’Est, cela veut dire que l’Europe de l’Ouest va vivre avec un niveau bas de production. Donc cela va s’installer dans le temps. Certains acteurs ont saisi l’opportunité de délocaliser et de recréer des sites de production où les coûts sont moins importants et sur des marchés en croissance. En France le marché est mature, il n’évoluera pas. Les entreprises qui grossissent profitent malheureusement de la fermeture de certains.
Qui va payer ?
Toute la chaîne va payer. Notre responsabilité est engagée, vis-à-vis, entre autres, de nos collaborateurs, si nous ne voulons pas voir nos entreprises mourir, nous serons contraints de répercuter les hausses que nous subissons à nos clients qui n’auront pas d’autre choix que de les appliquer aussi sur la facture au client final.
Comment minimiser cette hausse et la rendre acceptable ?
À noter que le seul remplacement de fenêtres équipées de vitrages adaptés et performants permet de réduire jusqu’à 27 % les besoins en chauffage. Aussi, passer toutes les fenêtres existantes en France en classe A permettrait d’économiser 44,7 milliards de kWh par an, soit l’équivalent de deux centrales nucléaires. Nous accompagnons nos clients à vendre la fonction globale avec le verre intégré et le bon verre au bon endroit. Toute la filière va payer jusqu’au client final. Mais si l'on arrive à lui faire réaliser une économie sur la consommation d’énergie, son investissement est rentabilisable.
Ces perspectives sont un peu inquiétantes pour l’ensemble de la filière ?
Nous ne traduisons que la réalité du marché actuel. Dans chaque crise, il y a un aspect bénéfique que l’on doit trouver et je pense que dans celle que nous vivons, le bénéfice que nous allons apporter c’est les solutions qui permettent des économies d’énergie. Si on regarde à court terme, effectivement cela peut paraître effrayant, mais sur le long terme, nous devons saisir l’opportunité de vendre des produits plus performants, pour créer de la valeur, et surtout apporter plus de confort et d’économie au client final.
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