La Cour des Comptes se penche sur la crise du logement en Ile-de-France
Dans son rapport sur le logement en Ile-de-France, la Cour des Comptes constate une relative inadaptation des actions menées. Alors que les moyens financiers engagés sont considérables, de l’ordre de 6 milliards d’euros par an, le rythme de mise en chantier demeure très inférieur aux objectifs affichés.
M-D.A
La Cour des Comptes a rendu public, le 8 avril, un rapport sur la situation du logement en Ile-de-France. Elle y dresse un constat sans appel. Dans la région-capitale, le taux de construction atteint 3,2 logements par an pour 1000 habitants contre 6,1 logements en province. Les prix y sont très supérieurs, aussi bien pour le coût des terrains, en moyenne 3,3 fois plus élevé qu’en régions, que pour le prix des logements anciens (x2,3) ou les loyers du secteur libre (x2,4). L’écart entre loyer social et loyer privé est de 1 à 2,6 contre 1 à 1,4… Pourtant, des moyens financiers importants sont alloués en Ile-de-France aux politiques du logement: plus de 6 milliards d’euros par an.
Extension raisonnée aux marges de l’agglomération
Face à cette situation préoccupante, les magistrats considèrent que les instruments de planification ou les interventions foncières ont eu une efficacité limitée. Pour atteindre l’objectif de 70 000 logements par an, inscrit dans la loi sur le Grand Paris, il faudrait augmenter de deux tiers le rythme de construction actuel en Ile-de-France par rapport à la tendance des 20 dernières années. Dans cette perspective, le schéma directeur de la région Ile-de-France (Sdrif) a prévu de densifier en renforçant les implantations urbaines existantes à hauteur de 75% de l’effort d’accroissement du parc dans un souci de préservation des espaces naturels. Mais, le Sdrif ne fixant aucune contrainte pour l’atteinte de cet objectif, la Cour craint que les collectivités locales ne s’opposent à la densification de leur territoire. Elle se demande aussi si les prix et les typologies de logements qui résulteront d’une densification accrue du cœur d’agglomération permettront vraiment d’équilibrer le marché du logement en Ile-de-France. «Ceci plaide pour une extension raisonnée aux marges de l’agglomération», avance-t-elle.
Confier les autorisations de construire aux EPCI
Les magistrats de la rue Cambon notent ensuite que seule une minorité des collectivités franciliennes sont dotées d’un PLH (programme local de l’habitat) et que moins de la moitié des communes ont adopté des plans locaux de l’urbanisme (PLU). D’où leur proposition, dans le cadre du nouveau contexte institutionnel créé par la loi Maptam de confier aux nouveaux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) non seulement la responsabilité des PLU et des PLH mais aussi les autorisations de construire par lesquelles ces règles et ces programmations seront mises en œuvre.
Redynamiser les villes nouvelles
Autre piste esquissée pour résoudre la crise du logement en Ile-de-France: une mobilisation accrue des outils existants, au premier rang desquels les villes nouvelles, encore dotées de réserves foncières disponibles et qui pourraient être redynamisées. Par ailleurs, si la Cour estime que la création d’un établissement public foncier unique et la transformation de l’Agence foncière et technique de la région parisienne (Aftrp) en Grand Paris Aménagement vont dans le bon sens, elle juge encore insuffisante la mobilisation du foncier public et suggère, plutôt qu’une cession à titre gratuit des terrains, leur mise à disposition des opérateurs publics ou privés par des baux emphytéotiques ou à construction.
Résultats insuffisants pour le logement social
Dans la suite du rapport, la Cour se penche sur la situation du logement social, marqué par des résultats insuffisants malgré des efforts financiers importants. En particulier, explique-t-elle, les effets des interventions publiques se heurtent au coût très élevé des opérations, notamment à Paris. Du coup, pointent les magistrats, les bailleurs sociaux, ont tendance à privilégier les PLS au détriment des PLAI.
Le bilan du logement privé est quant à lui «contrasté»: faible efficacité de la lutte contre la vacance des logements, effets d’aubaine des aides fiscales au coût élevé liées à leur ciblage insuffisants sur les besoins de logements intermédiaires en zones tendues, transformation des bureaux en logements peu rentable économiquement…
Les recommandations de la Cour des ComptesLa Cour formule 14 recommandations, visant à:
- élaborer en Ile-de-France un répertoire statistique de l’ensemble des logements, contenant des informations détaillées par logement et accessible à l’ensemble des décideurs publics du secteur;
- stabiliser et faire coïncider les périmètres d’intervention retenus pour la planification, la programmation et la contractualisation de l’offre de logement sur la base des nouveaux contours des intercommunalité;
- confier aux établissements publics de coopération intercommunale, après la responsabilité des plans locaux d'urbanisme et des programmes locaux de l'habitat, la délivrance des autorisations de construire;
- favoriser la mise à disposition des terrains publics pour la construction de logements locatifs sociaux par le biais de baux emphytéotiques ou à construction plutôt que par des cessions à titre gratuit;
- décourager la rétention foncière en taxant les plus-values immobilières réelles sans condition de durée de détention, mais en tenant compte de l’érosion monétaire;
- modifier l’assiette de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, en tenant compte de la valeur vénale des terrains à bâtir;
- remonter le seuil d’application de l’obligation de réaliser un nombre de logements locatifs sociaux atteignant 25% des résidences principales aux communes de 3 500 habitants en Ile-de-France, comme c’est le cas dans les autres régions;
- renforcer la transparence des procédures d’attribution des logements sociaux en rendant plus homogènes les critères de sélection des bénéficiaires;
- proposer, dans le cadre des nouvelles conventions d’utilité sociale, des règles de fixation des loyers des logements sociaux, en tenant compte de leur localisation, des prix du marché local et de la qualité intrinsèque du bâti;
- appliquer sans dérogation ni plafonnement les suppléments de loyer de solidarité;
- moduler le loyer à l’entrée dans le logement social et pendant toute sa durée d’occupation, en fonction du revenu des locataires;
- réexaminer les conditions de maintien dans les lieux des locataires des logements sociaux;
- poursuivre la réhabilitation des copropriétés dégradées en orientant l’action publique en faveur des démarches préventives de difficultés;
- accentuer le ciblage des aides fiscales à l’investissement locatif privé de loyer intermédiaire sur les zones les plus tendues, en contrôlant l’effectivité des loyers pratiqués.
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