L'Etat vend à Altarea le berceau de l'agronomie française, les opposants préparent la riposte
Le promoteur s’engage à « préserver l’identité du domaine » de Grignon (Yvelines). Insuffisant pour calmer la grogne des élus, défenseurs du patrimoine et autres opposants. Une manifestation est annoncée à la rentrée.
Cyril Peter avec AFP
« C'est le choix d'un projet réaliste et fiable », justifie le ministre de l'Agriculture, Julien Denormandie, en référence à la cession par l’Etat du berceau de l'agronomie française depuis deux siècles : le domaine de Grignon (290 hectares dont 130 de terres agricoles), dans la commune rurale de Thiverval-Grignon (Yvelines), occupé par l'école d'ingénieurs agronomes AgroParisTech.
Le comité de sélection de la Direction de l’immobilier de l’Etat (DIE, ex-France Domaines) a retenu, le 4 août dernier, le groupement formé par Cogedim et Histoire & Patrimoine, deux filiales du promoteur Altarea. Ni le ministère ni l’acquéreur ne souhaitent communiquer le montant de la vente.
Logements et commerces
Le projet choisi repose sur des « diagnostics précis des enjeux écologiques et patrimoniaux du site réalisés par des écologues et des architectes du patrimoine », rassure d’emblée le groupe par communiqué.
Son programme résidentiel prévoit une réhabilitation des bâtiments ainsi que des nouvelles constructions « parfaitement intégrées sur des zones déjà urbanisées ». A proximité, des commerces « portés par des artisans de bouche franciliens » doivent sortir de terre. Le nombre et les surfaces des futurs logements et commerces ne sont pas indiqués.
Le groupe a prévu de confier la gestion des 133 hectares de bois au conseil départemental des Yvelines, qui en deviendrait propriétaire, selon le ministère. Le groupe laissera l'exploitation de la ferme expérimentale aux étudiants d'AgroParisTech et souhaite utiliser le château pour organiser séminaires et événements.
Altarea s’engage à « préserver l’identité du domaine et l’ouvrir à de nouveaux usages pérennes et innovants en adéquation avec les souhaits des différents acteurs du territoire yvelinois ».
Le deuxième promoteur national était en concurrence avec Grand Paris Aménagement (GPA) et Grignon 2026. Cette société par action simplifiée (SAS), portée par l'Association Patrimoine AgroParisTech-Grignon 2000, qui réunit des anciens élèves de l'Agro, avec le soutien de la communauté de communes Cœur d'Yvelines (31 communes), entendait faire du site un « Centre international sur la transition alimentaire et agricole ».
Blocage de la mairie
« L'Etat brade Grignon et reste sourd à un projet d'intérêt général concernant le changement climatique », ont déploré les porteurs de Grignon 2026, en révélant le 11 août dernier le choix de l'Etat. Les opposants au projet du promoteur dénoncent une décision prise en catimini, au milieu des vacances estivales.
En première ligne, l'association Grignon 2000, qui redoute un « démantèlement » du domaine et « étudie la possibilité de recours auprès du tribunal administratif », ainsi que la maire (sans étiquette) de Thiverval, Nadine Gohard, qui refuse de changer le plan local d'urbanisme (PLU). Condition nécessaire à la réalisation des travaux du deuxième promoteur national, selon elle. Avec Grignon 2026, « certes l'Etat aurait ramassé un petit peu moins d'argent mais le projet était sûr financièrement et juridiquement », affirme l’élue.
Une manifestation est prévue le 4 septembre prochain dans la commune de 1 000 habitants. « Plusieurs centaines d’élus du coin, d’étudiants et de chercheurs » sont attendus, annonce au "Moniteur" Daniel Bosse, premier adjoint chargé de l’urbanisme.
La mairie, est, selon lui, « soutenue » par le président LR du Sénat Gérard Larcher et la présidente ex-LR de la Région Ile-de-France Valérie Pécresse. Parmi les autres soutiens, l’historien de l’art Didier Ryckner, de la Tribune de l'Art, persuadé que « la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) Ile-de-France validera toutes les dérives probables que ce projet entraînera ».
Déménagement à Saclay
La cession du domaine s'inscrit dans le projet de création d'un « grand pôle d'excellence scientifique » sur le campus de Paris-Saclay (Essonne) regroupant AgroParisTech et des laboratoires de l'Institut de recherche Inrae, souligne le ministère. Pour mener à bien cette nouvelle installation, décidée en 2015, les différents sites franciliens d'AgroParisTech sont vendus dont Grignon. Le déménagement est prévu en 2022.
En 2015-2016, le gouvernement avait déjà envisagé de céder Grignon au PSG qui cherchait un site d'entraînement. Cela avait suscité une levée de boucliers et le projet avait été abandonné.
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Si leur déménagement à Saclay n'est pas remis en cause par les étudiants, le lancement de l'appel à projets en mars 2020 a suscité des inquiétudes. Les élèves ont bloqué le domaine pendant trois semaines.
Dans une tribune en mai dans le JDD, plus de 170 scientifiques, dont la climatologue Valérie Masson-Delmotte, ont estimé que les critères de sélection faisaient « planer de grandes menaces sur l'intégrité du domaine et la préservation de ses patrimoines exceptionnels ».
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