L'application des régles de concurrence aux opérations de fouilles archéologiques préventives
Avis n° 98-A-07 du 19 mai 1998 du Conseil de la Concurrence
Le Conseil de la concurrence (section III),
Vu la lettre enregistrée le 12 décembre 1997 sous le numéro A 233, par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a saisi le Conseil de la concurrence, sur le fondement de l'article 5 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, d'une demande d'avis sur l'application des règles de concurrence, tant nationales que communautaires, aux opérations de fouilles archéologiques préventives ;
Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ;
Le rapporteur, le rapporteur général et le commissaire du Gouvernement entendus ;
Est d'avis de répondre à la demande présentée dans le sens des observations qui suivent :
Par lettre enregistrée le 11 décembre 1997, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a, en application de l'article 5 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée, saisi le Conseil de la concurrence d'une demande d'avis portant sur « l'application des règles de concurrence, tant nationales que communautaires, aux opérations de fouilles archéologiques dites « préventives ».
Le ministre indique, dans sa saisine, que ce secteur « s'est caractérisé jusqu'à présent par un quasi monopole de fait de l'AFAN (Association pour les Fouilles Archéologiques Nationales) », association qui a été créée à l'initiative du ministère chargé de la culture.
Il y a lieu tout d'abord d'indiquer, à titre liminaire, que l'on distingue deux catégories de fouilles archéologiques : les fouilles programmées et les fouilles préventives.
Les fouilles archéologiques programmées concernent des sites archéologiques dont l'intérêt scientifique est connu et sont menées, par des équipes de chercheurs, sur des crédits publics spécifiques, dans le but de faire évoluer la recherche fondamentale. Elles peuvent être étalées dans le temps et poursuivies à l'occasion de campagnes d'étude pluriannuelles, les sites concernés demeurant protégés et, donc, disponibles.
Les fouilles archéologiques préventives, dites également « de sauvetage », sont entreprises lorsque des travaux d'aménagement sont susceptibles de détruire ou d'endommager irrémédiablement un site pouvant contenir, selon différentes sources, des vestiges archéologiques. Le programme de fouilles alors défini doit être exécuté dans un laps de temps convenu. A l'issu de ce délai, et sauf découverte d'un intérêt exceptionnel, les travaux d'aménagement pourront être réalisés, recouvrant ou détruisant les vestiges immobiliers qui auront été mis à jour, après qu'ils aient été étudiés in situ et décrits. Ces données, archivées, permettront ensuite de tirer les enseignements des découvertes.
La question soumise à l'avis du Conseil de la concurrence concerne donc cette deuxième catégorie de fouilles.
Avant d'examiner les questions posées par l'application des règles de concurrence (III), il convient de décrire le cadre juridique du secteur des fouilles archéologiques préventives (I) et son fonctionnement (II).
I. - LE CADRE JURIDIQUE DES FOUILLES ARCHEOLOGIQUES PREVENTIVES
La loi du 27 septembre 1941 portant réglementation des fouilles archéologiques, validée par une ordonnance du 13 septembre 1945 et modifiée à plusieurs reprises, a fixé le cadre juridique de cette activité. Depuis sa validation, un certain nombre de dispositions législatives et réglementaires ont été adoptées, en particulier dans les années 1980-1990, visant notamment, d'une part, à étendre le contrôle de l'Etat à tous les secteurs où l'activité est susceptible de porter atteinte au patrimoine archéologique, notamment dans le domaine de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire et, d'autre part, à affirmer la nécessaire dimension scientifique de ce contrôle.
Ces dispositions sont conformes à celles préconisées par la Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique (révisée) signée à Malte le 16 janvier 1992 par dix-neuf pays dont la France, dite Convention de Malte, faisant suite à une convention initiale signée le 6 mai 1969 à Londres. La loi n° 94-926 du 26 octobre 1994 en a autorisé l'approbation et le décret n° 95-1039 du 18 septembre 1995 en a prévu la publication. Elle est entrée en vigueur le 10 janvier 1996.
Cette convention traduit l'engagement des parties « à mettre en oeuvre, selon des modalités propres à chaque Etat, un régime juridique de protection du patrimoine archéologique » (article 2). Parmi les dispositions préconisées, il y a lieu de relever celles de l'article 3 qui précise notamment : « En vue de préserver le patrimoine archéologique et afin de garantir la signification scientifique des opérations de recherche archéologique, chaque Partie s'engage :
- A mettre en oeuvre des procédures d'autorisation et de contrôle des fouilles, et autres activités archéologiques afin : ... b) d'assurer que les fouilles et prospections archéologiques soient entreprises de manière scientifique (...)
- A veiller à ce que ces fouilles et autres techniques potentiellement destructrices ne soient pratiquées que par des personnes qualifiées et spécialement habilitées... ».
L'article 5 précise encore que chaque partie s'engage « i) A rechercher la conciliation et l'articulation des besoins respectifs de l'archéologie et de l'aménagement... ii) A assurer une consultation systématique entre archéologues, urbanistes et aménageurs du territoire...
iii) A veiller à ce que les études d'impact sur l'environnement et les décisions qui en résultent prennent complètement en compte les sites archéologiques et leur contexte... ».
Enfin, aux termes de l'article 6 : « Chaque partie s'engage : ...ii) A accroître les moyens matériels de l'archéologie préventive :
a) En prenant les dispositions utiles pour que, lors des grands travaux d'aménagement publics ou privés, soit prévue la prise en charge complète par des fonds provenant de manière appropriée du secteur public ou du secteur privé du coût de toute opération archéologique nécessaire liée à ces travaux ;
b) En faisant figurer dans le budget de ces travaux, au même titre que les études d'impact imposées par les préoccupations d'environnement et d'aménagement du territoire, les études et les prospections archéologiques préalables, les documents scientifiques de synthèse, de même que les communications et publications complètes des découvertes ».
A. - La loi validée du 27 septembre 1941
La loi met en place un régime juridique de protection attribuant à l'Etat des pouvoirs de contrôle et d'autorisation. Elle dispose que les fouilles archéologiques peuvent être ou bien conduites par des particuliers et surveillées par l'Etat (titre 1er), ou bien exécutées par l'Etat (titre 2). Elle affirme également le principe de la déclaration des vestiges ou des objets découverts fortuitement (titre 3). Enfin, elle prévoit notamment que des sanctions peuvent être prononcées dans des cas d'infraction à ses dispositions (titre 4).
Dans sa rédaction actuelle, issue en particulier des modifications apportées par le décret n° 94-422 du 27 mai 1994, le titre 1er de la loi prévoit que « Nul ne peut effectuer sur un terrain lui appartenant ou appartenant à autrui des fouilles ou des sondages à l'effet de recherches de monuments ou d'objets pouvant intéresser la préhistoire, l'histoire, l'art ou l'archéologie, sans en avoir au préalable obtenu l'autorisation » (article 1er). L'autorisation est accordée, sur demande, par le ministre de la culture ou par le préfet de région après avis « de l'organisme scientifique consultatif compétent » et, simultanément, sont fixées « les prescriptions suivant lesquelles les recherches devront être effectuées » (id.). L'article 3 dispose que « Les fouilles doivent être effectuées par celui qui a demandé et obtenu l'autorisation de les entreprendre et sous sa responsabilité ». A cet égard, il a toujours été considéré que l'autorisation ne pouvait être accordée qu'à une personne physique autorisée en raison de ses compétences scientifiques propres et non à une personne morale qui serait conduite à déléguer cette autorisation sans que puisse s'effectuer le contrôle de la compétence. Les fouilles doivent être exécutées « conformément aux prescriptions imposées par la décision ministérielle d'autorisation » et sous la surveillance d'un représentant de l'administration. L'article 6 précise que cette autorisation peut être retirée, « sur avis conforme de l'organisme scientifique consultatif compétent », si les prescriptions imposées ne sont pas observées ou si l'administration, « en raison de l'importance de ces découvertes, ... estime devoir poursuivre elle-même l'exécution des fouilles... ».
Le titre 2 précise que : « L'Etat est autorisé à procéder à l'exécution des fouilles ou des sondages pouvant intéresser la préhistoire, l'histoire, l'art ou l'archéologie sur les terrains ne lui appartenant pas... » (article 9). Pour ce faire, il peut, à défaut d'accord amiable avec le propriétaire, déclarer « d'utilité publique » l'exécution de ces fouilles par un arrêté « qui autorise l'occupation temporaire des terrains » (id.) et donne lieu « à une indemnité » (article 10). Les terrains peuvent être soit restitués après avoir été « rétablis... dans le même état », soit acquis par l'Etat, soit, enfin, classés « parmi les monuments historiques » (id.).
Aux termes du titre 3, intitulé « Des découvertes fortuites », toute découverte « pouvant intéresser la préhistoire, l'histoire, l'art, l'archéologie ou la numismatique », quel que soit l'événement à l'origine de la découverte, doit être déclarée « au maire de la commune, qui doit... transmettre sans délai au préfet » (article 14 (1)). Dans l'hypothèse où « la continuation des recherches présente... un intérêt public, les fouilles ne peuvent être poursuivies que par l'Etat ou après autorisation de l'Etat » (article 15). Des mesures de classement peuvent alors être prises.
Enfin, le titre 4 prévoit notamment que des sanctions peuvent être prononcées si les fouilles ne sont pas déclarées, si elles sont effectuées dans l'ignorance des prescriptions de l'Etat et si les découvertes sont dissimulées ou partiellement déclarées. Il s'agit de sanctions comportant des amendes et des peines d'emprisonnement qui résultent des dispositions de la loi n° 89-877 du 1er décembre 1989 relative aux biens culturels maritimes et modifiant la loi du 27 septembre 1941. Il sera relevé, à ce stade, que la loi n° 80-532 du 15 juillet 1980 relative à la protection des collections publiques contre les actes de malveillance a introduit, dans le code pénal, les articles 257-1 et 257-2 destinés à réprimer la destruction, la mutilation, la dégradation ou la détérioration « des découvertes archéologiques faites au cours de fouilles ou fortuitement, ou [d'] un terrain contenant des vestiges archéologiques ». Le nouveau code pénal a repris, sous une autre rédaction, cette infraction, qui figure désormais à l'article 322-1 : « La destruction, la dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui est punie de deux ans d'emprisonnement et de 200 000 F d'amende, sauf s'il n'en est résulté qu'un dommage léger », l'article 322-2 précisant que les sanctions sont de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 F d'amende : « lorsque le bien détruit, dégradé ou détérioré est : (...)
3° Un immeuble ou un objet mobilier classé ou inscrit, une découverte archéologique faite au cours de fouilles ou fortuitement, un terrain contenant des vestiges archéologiques ou un objet conservé ou déposé dans des musées, bibliothèques ou archives appartenant à une personne publique, chargée d'un service public ou reconnue d'utilité publique ;...
Dans le cas prévu par le 3° du présent article, l'infraction est également constituée si son auteur est le propriétaire du bien détruit, dégradé ou détérioré ».
B. - Les textes subséquents
En 1994, différentes dispositions ont été adoptées, donnant à la loi sa rédaction actuelle et définissant des procédures qui sont toujours en vigueur.
1. Le décret n° 94-422 du 27 mai 1994 modifiant la loi du 27 septembre 1941 modifiée portant réglementation des fouilles archéologiques et relatif à diverses dispositions concernant l'archéologie :
Ce décret précise que les autorisations de fouilles peuvent être, d'une façon générale, délivrées, deux mois après le dépôt de leur demande, par le préfet de région (ou le préfet de Corse) après consultation de la commission interrégionale de la recherche archéologique (CIRA) ou, pour ce qui concerne les départements d'outre-mer, du Conseil national de la recherche archéologique (CNRA). Cette délivrance se fait, néanmoins, sans consultation « pour les sondages limités à un mois » ou pour « les fouilles de sauvetage urgents et les prospections systématiques ne comportant ni fouilles ni sondages » (article 3). Enfin, le décret précise que la décision est prise, sur avis du CNRA, par le ministre chargé de la culture dans trois cas particuliers parmi lesquels : « les projets de recherche archéologique liés à la réalisation de travaux soumis à la procédure d'instruction mixte et définis à l'article 4 du décret n° 55-1064 du 4 août 1955 modifié... ».
2. Le décret n° 94-423 du 27 mai 1994 portant création des organismes consultatifs en matière d'archéologie nationale :
Dans la logique de la politique menée en matière archéologique et de l'engagement pris, lors de la signature de la convention de Malte (2), d'accorder priorité à la dimension scientifique des fouilles archéologiques, ce texte crée, d'une part, le Conseil national de la recherche archéologique (CNRA), qui vient se substituer au Conseil supérieur de la recherche archéologique, et, d'autre part, six commissions interrégionales de la recherche archéologique (CIRA). Le Conseil et les commissions ont des attributions propres et indépendantes les unes des autres.
a) Le Conseil national de la recherche archéologique (CNRA) :
Les compétences du CNRA, énumérées par l'article 2 du décret, sont définies « sous réserve des compétences attribuées aux commissions interrégionales ». Le Conseil « est chargé d'examiner et de proposer toute mesure relative à l'étude scientifique du patrimoine archéologique et à son inventaire, à la publication et à la diffusion des résultats de la recherche, ainsi qu'à la protection, à la conservation et à la mise en valeur de ce patrimoine ».
Il rend notamment des avis pour ce qui concerne les demandes d'autorisations de fouiller « pour des opérations concernant des sites d'intérêt national » et « pour les recherches archéologiques liées à la réalisation des travaux soumis à la procédure d'instruction mixte ». Il prononce, enfin, des avis conformes en cas de retrait d'autorisation pour ces mêmes cas.
b) Les commissions interrégionales de la recherche archéologique (CIRA) :
Ces commissions sont au nombre de six et leur ressort géographique est fixé par une annexe au décret. Ces commissions répondent à une politique de déconcentration de la délivrance des autorisations de fouilles, autorisations qui étaient, auparavant, délivrées à l'échelon national. En effet, aux termes de l'article 18 du décret, elles sont chargées d'émettre « un avis préalablement aux décisions d'octroi d'autorisation de fouilles... » et également en ce qui concerne les décisions d'indemnisation et de fouilles réalisées par l'Etat. A l'instar du CNRA, elles rendent des avis conformes, notamment en cas de retrait d'autorisation.
Chaque CIRA donne, par ailleurs, un avis aux préfets de région, ou au préfet de Corse, « sur les projets de fouilles de sauvetage urgent et elle est tenue informée de leur exécution. Elle procède à l'évaluation scientifique des rapports sur les fouilles programmées et les fouilles d'urgence concernant les opérations archéologiques effectuées dans son ressort ».
Les commissions interrégionales sont présidées par le préfet de la région où elles ont leur siège. Outre le président, elles sont composées de huit membres dont un désigné par le ministre chargé de la culture et issu de l'inspection générale du patrimoine et sept désignés par le préfet de région, sur proposition du directeur régional des affaires culturelles, en raison de leur compétence pour la recherche archéologique et en tenant compte de l'équilibre entre les différentes disciplines scientifiques. La composition de chaque commission est ainsi fixée : un représentant du Centre national de la recherche scientifique, un universitaire, un conservateur du patrimoine, un agent d'une collectivité territoriale, un archéologue bénévole ou salarié d'une association ayant passé une convention avec l'Etat et deux spécialistes.
Aux termes de l'article 20 du décret : « Les chefs des services régionaux de l'archéologie des directions régionales des affaires culturelles de chacune des régions concernées... assistent avec voix consultative aux réunions ».
C. - Dispositions prises pour la protection du patrimoine archéologique en matière d'urbanisme et d'aménagement
La multiplication des opérations d'urbanisme et des grands chantiers de travaux publics a conduit à la prise en compte de la dimension archéologique dans les travaux d'aménagement entrepris tant en milieu rural qu'en secteur urbain, prise en compte qui s'est traduite par l'adoption de dispositions spécifiques ou par l'articulation de dispositions relatives à l'archéologie avec les procédures existantes. Les dispositions relatives à l'archéologie, qui conduisent à la consultation des services locaux compétents, se trouvent ainsi dispersées, en particulier dans le code de l'urbanisme, dans le code rural et dans le code minier.
En matière d'urbanisme, ces dispositions résultent de l'application de l'article R. 111.3.2 du code de l'urbanisme et du décret n° 86-192 du 5 février 1986 relatif à la prise en compte de la protection du patrimoine archéologique dans certaines procédures d'urbanisme.
L'article R.111.3.2 précise que l'autorité compétente peut refuser le permis de construire ou ne l'accorder « que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions sont de nature, par leur localisation, à compromettre la conservation ou la mise en valeur d'un site ou de vestiges archéologiques ».
Lors de son adoption, en 1977, cette réglementation n'avait guère de portée pratique, dans la mesure où rien n'imposait que les services en charge de l'archéologie fussent consultés au moment de l'instruction des demandes de permis de construire. Le dispositif a été complété par le décret n° 86-192 du 5 février 1986 qui indique, plus largement : « Lorsqu'une opération, des travaux ou des installations soumis à l'autorisation de lotir, au permis de construire, au permis de démolir ou à l'autorisation des installations et travaux divers prévus par le code de l'urbanisme peuvent, en raison de leur localisation et de leur nature, compromettre la conservation ou la mise en valeur de vestiges ou d'un site archéologiques, cette autorisation ou ce permis est délivré après avis du préfet, qui consulte le directeur des antiquités (3) ».
Dans cet esprit, l'article 2 du décret du 5 février 1986 a modifié les dispositions concernant le contenu du plan d'occupation des sols (article R.123-18 du code de l'urbanisme) en précisant que ce document doit notamment faire apparaître « Les zones, dites » Zones ND « , à protéger en raison, d'une part, de l'existence de risques ou de nuisances, d'autre part, de la qualité des sites, des milieux naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique » ; à cet égard, une circulaire précise que le terme « historique » doit « s'entendre largement ». De même, l'article 3 modifie l'article R.442.6 du code de l'urbanisme qui précise : « L'autorisation ne peut être délivrée que si les installations ou travaux satisfont aux dispositions... du plan d'occupation des sols... ou du document d'urbanisme en tenant lieu.
Cette autorisation peut être refusée ou subordonnée à l'observation de prescriptions spéciales... si les installations ou travaux, par leur situation, leur nature ou leur aspect, sont de nature à porter atteinte : (...) aux vestiges ou sites archéologiques ».
Une circulaire des ministres en charge de l'équipement et de la culture, datée du 20 octobre 1993 et adressée aux préfets de région, précise : « si le projet, tel qu'il est présenté est incompatible avec la préservation du patrimoine... ou si les données archéologiques sont insuffisantes, vous pouvez préconiser un refus conservatoire ». Il résulte du deuxième terme de l'alternative qu'il n'est pas nécessaire que le projet concerne une zone classée « ND » pour qu'il soit frappé d'une mesure de refus conservatoire. Ce refus conservatoire pourra néanmoins être levé si le projet est modifié pour satisfaire aux prescriptions ou s'il est procédé à des « investigations archéologiques préalables (diagnostic, fouilles) ».
Les dispositions précitées ont principalement des incidences en ce qui concerne la délivrance des permis de construire ; elles trouvent également application dans le cadre des règles d'urbanisme (par exemple, dans les cas où il existe des servitudes d'utilité publique affectant l'utilisation du sol ou pour ce qui concerne les autorisations de lotir).
En matière de protection de l'environnement, la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature a rendu obligatoire les études d'impact lorsqu'un projet affecte l'environnement. Elle prévoit : « Les travaux ou aménagements qui sont entrepris par une collectivité publique ou qui nécessitent une autorisation ou une décision d'approbation ainsi que les documents d'urbanisme doivent respecter les préoccupations d'environnement ». Préalablement à la réalisation de ces travaux ou aménagements, il doit être procédé à « une étude d'impact permettant d'en apprécier les conséquences ». Cette étude « comprend au minimum une analyse de l'état initial du site et de son environnement, l'étude des modifications que le projet y engendrerait et les mesures envisagées pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables pour l'environnement ».
Le contenu de cette étude a été fixé par le décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 pris pour l'application de l'article 2 de la loi, modifié par le décret n° 93-245 du 25 février 1993 relatif aux études d'impact. Ce dernier texte a élargi au patrimoine culturel et archéologique la notion d'environnement. L'étude d'impact doit présenter, outre les indications contenues dans le texte de la loi : « 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents du projet sur l'environnement, et en particulier... sur la protection des biens et du patrimoine culturel... ».
Par ailleurs, l'étude d'impact doit comporter « Une analyse des méthodes utilisées pour évaluer les effets du projet sur l'environnement mentionnant les difficultés éventuelles de nature technique ou scientifique rencontrées pour établir cette évaluation ».
Enfin, le décret, sous certaines réserves, précise que : « Les études préalables à la réalisation d'aménagements ou d'ouvrages prescrites par le présent décret sont faites par le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage » et que, pour ce qui concerne les mesures destinées à supprimer, réduire ou compenser les conséquences du projet, l'étude doit indiquer : « l'estimation des dépenses correspondantes ».
En outre, le principe d'une procédure d'instruction mixte à l'échelon central (IMEC) pour certains travaux, publics ou non, a été posé par la loi n° 52-1265 du 29 novembre 1952. Cette procédure conduit à une coordination de l'appréciation des projets par les services concernés.
Il s'agit des « projets de grands travaux » concernant l'établissement, l'aménagement et la suppression : « de moyens de communication terrestres, aériens, maritimes et fluviaux ». Sont ainsi notamment énumérés : « le tracé d'ensemble et les caractéristiques générales des itinéraires routiers (...) ; les voies ferrées et leurs dépendances (...) ; les aérodromes militaires, les aérodromes civils (...) ; les programmes d'aménagement des cours d'eau pour les rendre navigables ou flottables, les projets de construction de canaux de navigation... ».
Sans intégrer initialement la dimension archéologique, cette procédure d'instruction s'articule avec les dispositions relatives à la protection de la nature puisque « Le ministre chargé de l'environnement est associé dans tous les cas » à la conférence entre les différents départements ministériels concernés et que « le dossier de l'affaire [doit éventuellement comporter] l'étude d'impact ».
Dès lors, compte tenu du fait que le patrimoine archéologique a été intégré dans les études d'impact, les services compétents en matière d'archéologie se trouvent associés aux consultations qui sont organisées, ainsi que le Conseil national de la recherche archéologique qui a compétence pour rendre des avis « pour les recherches archéologiques liées à la réalisation des travaux soumis à la procédure d'instruction mixte ».
Outre le fait que les dispositions qui précèdent concernent un grand nombre de secteurs, notamment, sous certaines réserves, les mines et les carrières, des dispositions particulières ont également été incluses dans des textes spécifiques.
D. - Organisation administrative
L'archéologie ressort de la compétence du ministre chargé de la culture. La direction du patrimoine, créée en 1978 au sein du ministère de la culture, a notamment pour missions de : « protéger, de conserver et de faire connaître le patrimoine archéologique ». A ce titre, elle est chargée « de l'organisation de la recherche archéologique et de la définition de ses objectifs. Elle veille à l'application de la législation et de la réglementation sur les fouilles et découvertes archéologiques ». Ces missions sont aujourd'hui dévolues à la sous-direction de l'archéologie qui dispose, par ailleurs, de services déconcentrés, les services régionaux de l'archéologie, qui relèvent des directions régionales des affaires culturelles (DRAC). Ces services sont dirigés par un conservateur régional de l'archéologie.
Au plan national, le sous-directeur de l'archéologie est membre de droit du Conseil national de la recherche archéologique et, au plan régional, les conservateurs régionaux de l'archéologie « assistent avec voix consultative aux réunions » des commissions interrégionales de la recherche archéologique.
Le suivi des dossiers archéologiques est assuré par les services régionaux de l'archéologie qui sont notamment consultés lors des procédures relatives au droit de l'urbanisme et le conservateur régional est étroitement associé aux opérations prévues dans la mesure où il est chargé de définir les prescriptions scientifiques des fouilles, de veiller à leur bon déroulement et à leur achèvement. Il convient de souligner que les aménageurs eux-mêmes pourront être amenés à se rapprocher des services régionaux de l'archéologie lors de l'élaboration de leur projet afin d'éviter, dans la mesure du possible, les zones à risque archéologique. S'agissant plus particulièrement des procédures relatives au droit de l'urbanisme, le ministre chargé de la culture a recommandé aux préfets de région afin « de ne pas allonger la durée des procédures d'instruction des projets... de déléguer votre signature au conservateur régional de l'archéologie pour l'émission de l'avis que vous êtes chargé de formuler ».
Ces services ont été consultés, en 1996, au sujet de 8220 documents d'urbanisme, 1766 plans d'occupation des sols, 2681 études d'impact, 281 dossiers de carrières et 21 instructions mixtes et les crédits de subventions au titre de l'archéologie préventive se sont élevés, pour cette même année à 37,79 millions de francs.
II. - LE SECTEUR DES FOUILLES ARCHEOLOGIQUES PREVENTIVES
Cette activité met en jeu trois catégories d'acteurs :
- les aménageurs qui, dans le cadre d'un projet, sont conduits, compte tenu des dispositions législatives ou réglementaires, à faire exécuter des fouilles à leur charge (même si une subvention peut partiellement en atténuer l'importance), pour libérer le terrain de ce qu'il est convenu d'appeler « l'hypothèque archéologique » ;
- les services régionaux de l'archéologie qui définissent, dans le détail, les prescriptions scientifiques à exécuter pour sauvegarder le patrimoine menacé et qui en contrôleront l'exécution et l'achèvement ;
- les opérateurs de fouilles qui interviennent, tout en étant rémunérés par les aménageurs, sous la responsabilité et sous la direction des personnes bénéficiaires des autorisations de fouiller délivrées par l'Etat, sans pouvoir de décision quant aux modalités d'exécution des fouilles fixées par les services régionaux.
A. - Les fouilles archéologiques préventives
La définition du patrimoine archéologique est très large. Selon les termes de la Convention de Malte, « sont considérés comme éléments du patrimoine archéologique tous les vestiges, biens et autres traces de l'existence de l'humanité dans le passé ». A ce titre, il a été précisé que ce ne sont pas seulement les objets qui ont de l'importance mais « la connaissance de l'histoire et des relations de l'homme avec son milieu naturel ».
La fouille apparaît, aux yeux de la communauté scientifique, comme « le dernier stade » de la recherche archéologique dans la mesure où il s'agit d'une opération qui dégradera ou fera disparaître irrémédiablement le site étudié. Mais, s'agissant de sites qui sont, en tout état de cause, menacés, l'inventaire scientifique qui sera réalisé est la seule manière d'en préserver le contenu ; en effet, sauf situation exceptionnelle qui appellera une mesure de classement, la présence de vestiges n'empêchera pas la réalisation de travaux après la fouille et, éventuellement, après adaptation du projet pour tenir compte de la contrainte archéologique.
Les fouilles archéologiques préventives comportent une succession d'opérations qui peuvent se répartir en trois catégories : une phase d'étude et de prospection, les fouilles proprement dites et, enfin, les opérations liées à l'analyse et à la diffusion des résultats, dites post fouilles.
Avant d'engager une opération de fouilles, il est nécessaire de procéder à des opérations préliminaires de diagnostic qui ont pour objectif de déterminer l'existence, la nature et l'intérêt scientifique des vestiges situés sur l'emprise des travaux. La phase de diagnostic comprend elle-même plusieurs stades :
- des études documentaires, qui font appel, en particulier, aux ressources de la carte archéologique nationale : il s'agit d'une banque de données qui définit les zones où la présence ou la présomption de vestiges est indiquée. Elle est alimentée par de nombreuses sources d'information, son programme est défini par l'Etat et sa réalisation est confiée à l'Association pour les fouilles archéologiques nationales (AFAN) ;
- les prospections, qui permettent de localiser et d'identifier les indices de sites et les sites se trouvant dans l'emprise des travaux. Elles mettent en oeuvre plusieurs techniques : des prospections de surface, aériennes, subaquatiques, géophysiques ou géologiques ; des décapages réalisés, conformément aux directives des archéologues, à l'aide d'engins appropriés (pelles mécaniques par exemple) ; des sondages ponctuels ou systématiques, par tranchée ;
- des évaluations complémentaires permettent éventuellement d'estimer le degré de complexité des sites repérés et d'en préciser l'importance.
Lorsqu'apparaît la nécessité de procéder à des recherches de prospection destinées à évaluer l'importance des vestiges localisés et d'exécuter les fouilles, c'est-à-dire après les études documentaires réalisées par les services archéologiques, une convention est, le plus souvent, passée entre l'aménageur, l'Etat et l'opérateur de fouilles, document qui fixe les conditions générales dans lesquelles se dérouleront les différentes phases des travaux. Ce document initial est éventuellement complété par des avenants en fonction des conclusions du diagnostic.
A la suite du diagnostic, le conservateur régional de l'archéologie établit un cahier des charges qui définit les objectifs scientifiques poursuivis, le détail des interventions qu'il convient d'effectuer et la nature des études qui devront être réalisées (thématiques, typologiques, stratigraphiques...). Ces prescriptions requièrent, en général, l'intervention de spécialistes de disciplines voisines (par exemple : paléontologie, géologie...) et de personnel de fouille de qualification diverse. Le document précise également le nombre et la qualification des archéologues nécessaires à la réalisation des travaux, ainsi que la durée de leurs interventions respectives, aussi bien lors des fouilles que pour les opérations de post-fouille. Il indique également les matériels nécessaires à l'installation du chantier de fouilles et aux opérations (matériels de chantier, sanitaires, ou encore : appareils photographiques, topographiques, informatiques...). Selon le ministre : « Ces prescriptions s'imposeront à tous les responsables de fouilles préventives comme découlant de l'autorisation elle-même ».
Le cahier des charges est adressé à l'opérateur de fouilles pour l'établissement de son devis, dont la conformité avec le cahier des charges est ensuite contrôlée par le conservateur régional de l'archéologie. L'opérateur adresse alors le devis à l'aménageur. Il faut noter, en outre, que, si le responsable des fouilles est autorisé par le ministre ou par le préfet de région après avis de l'organisme consultatif, la constitution de l'équipe de fouilles est préalablement soumise à l'accord du conservateur régional de l'archéologie.
Les opérations de fouilles préventives proprement dites sont les interventions archéologiques sur les sites. Elles comprennent, d'une part, des travaux de terrain et, d'autre part, des travaux de mise en forme des données, ou opérations post-fouille, qui s'achèvent par la remise d'un document final de synthèse (DFS), dont la rédaction est de la compétence de la personne titulaire de l'autorisation, par l'archivage de la documentation et par le conditionnement du mobilier archéologique. Lors des travaux de terrain, les sites sont fouillés pour mettre à jour les vestiges et recueillir les artefacts selon des techniques appropriées. Les objets sont nettoyés, recensés, le cas échéant reconstitués et archivés. En cas de présence d'objets mobiliers importants, il peut être fait appel à des techniques particulières. Des sédiments peuvent également être prélevés pour analyse. Enfin, des photographies, des graphiques et des descriptions complètent les plans des structures pour conserver le plus de données possible.
A l'achèvement des fouilles, le service régional de l'archéologie délivre à l'aménageur un certificat de fin de travaux qui libère les terrains de toute hypothèque archéologique « sous réserve des éventuelles clauses de protection, lorsque les vestiges doivent être protégés ».
En 1996, ont été réalisés 649 sondages, 1084 évaluations, 592 prospections et 837 fouilles.
B. - Les structures archéologiques
1. Les archéologues :
L'archéologie a longtemps été limitée à l'étude de la préhistoire, de l'antiquité et des périodes médiévales ; de plus en plus, elle est associée à l'étude de l'histoire des temps modernes pour tout ce qui touche au sous-sol, dans la mesure où elle permet de mettre à jour et de récupérer des données enfouies. Le champ d'activité des archéologues tend donc à s'élargir.
Le niveau d'activité de l'archéologie de terrain est lié, notamment, à l'ouverture de chantiers de fouilles. L'accroissement considérable des travaux d'aménagement et d'urbanisme et la mise en place d'une réglementation spécifique à la préservation du patrimoine archéologique ont donc eu pour conséquence une augmentation des besoins en archéologues et une certaine pérennisation des emplois.
De sources diverses, on estime que le nombre des archéologues se situe entre deux et trois mille personnes. Ce nombre englobe à la fois des archéologues professionnels et des bénévoles dont l'importance tendrait à diminuer, mais dont le nombre est mal connu ; les archéologues professionnels se répartissent, pour l'essentiel, entre le ministère chargé de la culture (265 personnes en 1996), le CNRS (près de 300 personnes), les universités (environ 200 personnes), les collectivités territoriales (178 personnes, début 1998) et l'AFAN (environ 1000 personnes).
2. Les structures archéologiques :
a) L'Association pour les fouilles archéologiques nationales (AFAN) :
L'Association pour les fouilles archéologiques nationales (AFAN) est une association créée le 26 décembre 1973, sous le régime de la loi du 1er juillet 1901. Elle est le fruit d'une initiative commune du ministère des affaires culturelles et du ministère de l'économie et des finances, qui ont arrêté cette formule juridique pour permettre une mobilisation rapide des crédits destinés à régler les dépenses engagées par les fouilles de sauvetage face à l'augmentation importante du nombre des chantiers d'aménagement et de construction. Cette formule d'association-relais, de droit privé, a été considérée comme « un démembrement de l'Administration », comme le soulignait la lettre du ministre de l'économie et des finances relative à cette décision, se référant à des positions exprimées par la Cour des comptes.
Jusqu'en 1991, la présidence de l'AFAN a été assurée par le sous-directeur de l'archéologie et l'association avait son siège dans les locaux de la sous-direction. Cette situation renforçait donc les liens existant entre le ministère et l'association. Elle a évolué avec la nomination d'un président n'exerçant pas de fonctions au ministère de la culture, la séparation ainsi effectuée s'accompagnant d'un transfert du siège de l'AFAN dans de nouveaux locaux.
Si l'objet initial des statuts était : « de soutenir financièrement l'exploration et l'exploitation scientifique des gisements archéologiques... d'une manière générale participer à la sauvegarde et au sauvetage du patrimoine archéologique national », la rédaction actuelle, adoptée en 1993, précise : « L'association, dont les activités sont d'intérêt général, contribue, sous le contrôle de l'Etat, à la réalisation des objectifs du service public de l'archéologie et de la politique archéologique nationale. Sa compétence s'étend à la sauvegarde, à la mise en valeur et à la diffusion auprès du public du patrimoine archéologique. A ce titre, elle peut procéder à des tâches d'études, de prospection, de diagnostic, de fouilles programmées, de fouilles de sauvetage, d'opérations postfouilles et de publications. Son activité s'étend au territoire métropolitain de la France ainsi qu'à ses départements et territoires d'outre-mer et peut s'exercer dans les pays constituant l'Union européenne. Elle peut, en outre, apporter son assistance technique à des autorités ou entreprises dans d'autres pays, notamment dans le cadre d'accords de coopération entre les Etats ».
L'association tire notamment ses ressources « du produit des prestations issues de son activité, des fonds qui lui sont confiés pour exécuter des programmes (...) d'intérêt général, des subventions.... ». Elle est soumise au contrôle financier de l'Etat et son budget « est tenu conformément au plan comptable général... Un règlement financier et comptable approuvé par le ministre chargé de la culture et le ministre chargé du budget fixe les conditions dans lesquelles s'effectuent les opérations financières de l'AFAN ». L'association est administrée par un conseil de quatorze membres, dont sept sont désignés par le ministre chargé de la culture et un par celui chargé du budget. Enfin, il convient de souligner qu'un commissaire du Gouvernement près de l'AFAN est désigné par le ministre chargé de la culture ; il est membre de droit de l'assemblée générale et détient des pouvoirs assez larges de contrôle et de veto.
Le 22 janvier 1992, une convention-cadre a été signée entre l'Etat et l'AFAN pour une durée de cinq années ; elle a été renouvelée jusqu'au 31 décembre 1999.
Cette convention, qui souligne, en préambule, que la « mise en oeuvre de [la politique archéologique nationale] est caractérisée par le nombre et la dispersion des opérations, la pluralité des sources de financement, l'appel à des spécialistes de disciplines très diverses, pendant des durées variables, la nécessité enfin d'agir de manière urgente en cas de fouilles préventives ou de sauvetage... », définit les missions confiées à l'AFAN. Ainsi, l'article II-1 de la convention précise : « L'AFAN agit comme gestionnaire d'opérations archéologiques autorisées ou décidées par l'Etat ainsi que de missions qui lui sont attribuées dans le cadre des fouilles programmées et des opérations d'archéologie préventive et de sauvetage. Que ces fouilles soient financées exclusivement par l'Etat, qu'elles soient cofinancées par l'Etat et des partenaires publics ou privés... ou financées seulement par ces derniers, l'AFAN reçoit et gère les moyens financiers consacrés à celles-ci. Elle prend en charge et met à la disposition des responsables d'opérations les moyens (personnels spécialisés, prestations et matériels) qui leur sont nécessaires, conformément aux prescriptions scientifiques définies par l'Etat et aux programmes techniques et financiers établit avec l'ensemble des partenaires. Ces programmes incluent la prospection, le diagnostic, les fouilles proprement dites et les opérations post-fouilles ».
La convention précise également que l'AFAN contribue à l'élaboration de la carte archéologique de la France et que l'Etat peut lui confier différentes missions « d'accompagnement de sa politique archéologique ».
Par ailleurs, la convention prévoit, d'une part, que les services de l'Etat seront consultés lors du recrutement des agents qui concourent à la réalisation des opérations archéologiques et, d'autre part, qu'un accord d'entreprise sera négocié « pour fixer l'ensemble des relations entre l'AFAN et ses personnels ».
Enfin, « L'AFAN est habilitée à recevoir des fonds en provenance de l'Etat, des collectivités territoriales, d'organismes publics et de particuliers. Ces fonds, dont le montant est précisé dans un cadre contractuel, constituent l'apport financier de ces partenaires à la réalisation des opérations archéologiques... L'AFAN est signataire de ces accords contractuels et s'engage à les mener à bonne fin... ». A cet égard, la convention-cadre s'analyse comme un programme sur la base duquel les contrats seront passés et non comme emportant une dévolution de service public.
Une note adressée aux préfets de région en date du 16 mai 1995 par le ministre chargé de la culture a donné des instructions « relatives à la mise en place, au suivi des opérations gérées par l'Association pour les fouilles archéologiques nationales » en indiquant : « Ces dispositions sont de nature à permettre aux services régionaux de l'archéologie... d'assurer dans de meilleures conditions le contrôle scientifique des opérations et de clarifier définitivement les attributions, notamment en ce qui concerne la gestion financière des opérations, dont je vous rappelle qu'elle est du ressort de l'AFAN » mais, il convient de relever qu'en réponse à une question, le ministre de la culture a précisé, le 23 octobre 1995 : « Cette convention ne confère pas pour autant un monopole à l'association en question, même si l'on conçoit difficilement une grande pluralité d'intervenants archéologiques compétents, capables de répondre à des demandes d'intervention de durées variables, en des lieux divers, en faisant appel à des spécialistes de nombreuses disciplines ».
Deux éléments permettent d'expliquer la capacité d'intervention de l'AFAN : son organisation et l'importance de son effectif.
D'une part, de janvier 1993 à janvier 1994, l'AFAN s'est dotée de sept antennes interrégionales dont la zone d'activité épouse les circonscriptions archéologiques et qui se sont développées et subdivisées en « bases ». Ces antennes disposent d'un personnel qui leur est affecté et d'une large autonomie de gestion, leurs responsables étant en mesure d'engager toutes les dépenses nécessaires à l'exécution des fouilles et au suivi des dossiers en liaison avec les services régionaux de l'archéologie.
D'autre part, le personnel de l'AFAN, réparti en filière administrative (environ 10 %) et filière « recherche et technique » (environ 90 %) a connu, depuis la création de l'association une évolution caractérisée par une augmentation des effectifs et une stabilisation de l'emploi (de 1992 à 1997, les emplois sur contrat à durée indéterminée sont passés de 61 à 803 et les emplois sur contrat à durée déterminée, de 1065 à 352). Les effectifs sous contrat à durée indéterminée regroupent différents niveaux de qualification ; à cette diversité correspond notamment une diversité de fonctions qui permet de faire face à la plupart des tâches nécessaires à l'exécution de fouilles (de l'ouvrier de fouille à l'encadrement d'équipe, voire à la réalisation de programmes de recherche).
La nature de l'activité de l'AFAN a évolué depuis sa création. En effet, l'association avait, à l'origine, essentiellement pour activité la gestion des subventions de l'Etat pour les fouilles programmées et de sauvetage ; le total des sommes qu'elle gérait, en 1974, s'est élevé à 2,5 millions de francs. Au cours de la période 1985-1989, son budget est passé de 30 millions à 130 millions de francs, les crédits de recherche alloués par l'Etat ayant atteint, à l'issue de cette période, la somme de 30 millions. La croissance a été, en fait, due quasi exclusivement aux versements effectués par les aménageurs pour l'exécution des fouilles préventives. Au cours de cette période, l'association-relais, gestionnaire des moyens financiers versés par les aménageurs pour l'exécution des fouilles archéologiques préventives, est devenue un opérateur à part entière. En 1996, l'AFAN a réalisé un chiffre d'affaires de 336 millions de francs, contre 295 millions en 1995. Elle est, depuis le 1er janvier 1997, assujettie aux règles fiscales de droit commun (TVA, impôts sur les sociétés et taxe professionnelle).
Son activité est étroitement dépendante de celle des secteurs de l'aménagement et de la construction. Elle est donc soumise aux aléas de la conjoncture économique et des grands chantiers dont la programmation a été décidée. En 1997, l'AFAN a reçu 1260 commandes, contre 1315 en 1996, et le montant annuel de ces commandes a été de l'ordre de 271 millions de francs en 1997, contre plus de 368 en 1996.
Ces commandes sont passées par des aménageurs publics (66 % du total en 1997, contre plus de 70 % en 1996 et 87 % du total en valeur en 1997, contre plus de 84 % en 1996) et par des aménageurs privés. Une étude menée sur 12 mois, de février 1997 à janvier 1998, sur la répartition des commandes enregistrées, par tranche de montant, fait ressortir que, sur 1308 commandes :
- 66 % (représentant 11 % du montant total) sont inférieures à 100 000 F,
- 25 % (représentant 25 % du montant total) sont situées entre 100 000 et 500 000 F,
- 5 % (représentant 16 % du montant total) sont situées entre 500 000 et un million de francs,
- 4 % (représentant 30 % du montant total) sont situées entre un et cinq millions de francs,
- 0,3 % (représentant 18 % du montant total) sont supérieures à cinq millions de francs.
Depuis 1992, l'AFAN a mis en place un système de facturation de ses prestations en utilisant, pour les prestations de personnel, le principe des coûts standards d'unité d'oeuvre. Il s'agit d'un système de facturation dont l'unité est la journée ouvrée, alors qu'auparavant la facturation se faisait sur la base du coût mensuel. Cette unité prend en compte l'ensemble des coûts de l'entreprise, qu'il s'agisse des coûts directs de production (charges identifiées comme attachées directement aux opérations), des coûts indirects (charges qui contribuent à la production sans pouvoir être directement réparties par opération : certains locaux d'étude, par exemple) ou encore des charges de structure ou charges non productives (représentant 10 % des coûts standards). Dans l'ensemble de ces coûts, sont prises en compte des charges de nature diverse, dont certaines créaient, auparavant, un écart considérable entre le devis et la facturation (par exemple, les frais de déplacement). Ces coûts standards, une fois définis, ont permis l'établissement d'un barème des prestations à la journée pour quatre catégories d'agents correspondant à divers niveaux de compétence (responsable d'opération ; chargé d'étude, spécialiste ; archéologue fouilleur qualifié ; ouvrier de fouille). La mise à jour du barème, qui intervient deux fois par an, se fonde sur la variation de l'indice INSEE de l'ingénierie.
Le devis est établi en application de ce barème aux prestations qui sont définies dans le cahier des charges. Le devis prend également en compte la location, facturée à la journée, du matériel fourni par l'AFAN.
b) Les autres structures :
Si l'AFAN représente, de loin, la structure de fouilles archéologiques préventives la plus importante, elle n'est pas seule dans ce secteur : en France comme à l'étranger, un grand nombre d'opérateurs y exercent ou peuvent y exercer leurs activités. Mais, faute de données exhaustives, il n'est possible que d'en dresser une typologie et d'évoquer quelques cas exemplaires.
- En France
On peut distinguer différentes catégories d'intervenants, de taille plus ou moins importante, déjà opérationnels ou non dans le secteur des fouilles archéologiques préventives.
En premier lieu, un grand nombre d'associations archéologiques regroupent des bénévoles autour d'archéologues professionnels. Il s'en trouverait dans tous les départements ainsi que dans toutes les grandes villes, ces associations étant plus ou moins actives selon l'importance archéologique de leur lieu d'implantation. Certaines d'entre elles peuvent être éventuellement habilitées à procéder à toutes constatations pour l'application des articles du code pénal relatifs à la destruction, à la dégradation et à la détérioration de vestiges archéologiques. Ces associations n'ont pas, d'une façon générale, pour vocation ni pour ambition d'être opérationnelles en ce qui concerne les fouilles préventives ; elles ne sont d'ailleurs pas organisées ni équipées pour exercer cette activité ; il arrive, par contre, qu'elles soient associées à la réalisation de fouilles programmées. Cependant, il arrive que le responsable d'une association, qui a eu, dans le cadre de ses activités professionnelles, la direction de chantiers de fouilles préventives, souhaite l'orienter occasionnellement vers cette activité pour des fouilles intervenant dans son secteur géographique. Tel a été le cas, par exemple, de l'association Groupe de recherches archéologiques et archives du littoral (GRAAL), dont le siège est à Dunkerque, et qui a souhaité être retenue comme opérateur pour l'exécution de fouilles préventives à Saint-Omer.
En deuxième lieu, un grand nombre de collectivités territoriales (départements ou communes) disposent d'un service archéologique né d'une volonté locale de prendre en charge la gestion de l'archéologie. Les responsables de ces services sont rassemblés au sein de l'Association nationale des archéologues des collectivités territoriales (ANACT). En 1994, 75 services avaient été recensés ; début 1998, on dénombre 24 services départementaux et 77 services municipaux de taille très variable, les plus petits, qui sont les plus nombreux, ne comptant souvent qu'un archéologue. Ces services, qui sont en mesure d'identifier les besoins locaux, interviennent notamment dans la surveillance des sites, le conseil aux aménageurs ou la mise en valeur du patrimoine. Les archéologues qui les dirigent ou qu'ils emploient peuvent également être conduits à obtenir, en leur nom propre, des autorisations de fouiller, l'exécution étant réalisée, faute de moyens humains, sous leur conduite, par un opérateur extérieur qui est le plus souvent l'AFAN. Quelques services territoriaux importants disposent d'une capacité opérationnelle, comme ceux du Val-d'Oise, des Yvelines et du Val-de-Marne. Le Laboratoire départemental d'archéologie du Val-de-Marne est sans doute le service le plus important. Il compte un effectif total de 20 personnes parmi lesquelles cinq archéologues, et dispose d'un budget de fonctionnement de l'ordre de 700 000 F. Il peut bénéficier de la collaboration d'une association départementale dont les membres sont en mesure d'avoir une activité de terrain. De nombreux chantiers de fouilles préventives situés dans le département lui sont confiés, en particulier lorsque le maître d'ouvrage est le conseil général, de sorte que le laboratoire se pose avec détermination comme un concurrent de l'AFAN.
En troisième lieu, le CNRS et certaines universités disposent de structures de recherche qui ont essentiellement une activité dans le secteur des fouilles programmées. Certains chercheurs obtiennent, néanmoins, l'autorisation de diriger des fouilles préventives réalisées par des équipes de l'AFAN ; ils sont alors, le plus souvent, recrutés, pour les besoins de la cause, par l'AFAN.
Enfin, une entreprise commerciale, la SARL HADES, « bureau de reconnaissances et d'investigations archéologiques », dont le siège est en Haute-Garonne, réalise des fouilles préventives. Elle a été créée en 1994 et son activité se répartit entre l'exécution de fouilles sédimentaires (pour 70 %) et l'étude du bâti ancien dans le cadre de la restauration de monuments historiques (pour 30 %). Son chiffre d'affaires, qui s'est élevé à 700 000 F en 1995, a été de l'ordre de 1,2 million de francs en 1997. Ses effectifs permanents sont de cinq personnes, auxquelles s'ajoutent, pour des missions ponctuelles, des salariés recrutés sur contrat à durée déterminée. Compte tenu de sa taille, elle limite son activité à la région dans laquelle elle est implantée et n'accepte pas de réaliser des opérations trop lourdes. Mais, sa compétence est reconnue, de sorte qu'elle se voit régulièrement proposer des chantiers et elle s'est, à certaines occasions, trouvée en concurrence avec l'AFAN.
- A l'étranger
Dans les pays européens, l'exécution des fouilles s'effectue, d'une façon générale, sous le contrôle des autorités en charge de l'archéologie. Ce contrôle, à dominante scientifique, dont le cadre a notamment été précisé par la convention de Malte (autorisation, cahier des prescriptions scientifiques, etc.), est comparable à celui qui s'exerce en France.
Dans aucun de ces pays, il n'existe un opérateur de fouilles unique et le statut des opérateurs en activité est très diversifié. Si, souvent, on observe la coexistence de structures variées qui relèvent du secteur public (ministères, universités, musées, collectivités territoriales), les opérateurs peuvent être aussi des coopératives d'archéologues privées (Italie), des archéologues libéraux (Espagne), des entreprises privées (Espagne, Suisse, Allemagne) ou encore des associations ou des fondations sans but lucratif (Suisse, Allemagne, Angleterre).
Jusqu'à ce jour, l'intervention, en France, d'opérateurs étrangers, qui sont d'une taille beaucoup plus réduite que celle de l'AFAN, est restée limitée : d'un point de vue scientifique, chacun s'en tient à son domaine de recherche et le déplacement lointain et prolongé d'une équipe pour la durée d'un chantier de fouilles alourdirait considérablement les coûts d'intervention. On ne peut exclure, néanmoins, que certains de ces opérateurs ne soient tentés, notamment dans les zones frontalières, d'élargir leur rayon d'activité. Ainsi, une importante fondation anglaise privée avait envisagé de présenter une offre pour l'exécution de fouilles préventives à l'occasion de la construction du métro de Rouen, mais avait renoncé à son projet compte tenu des coûts liés à l'éloignement. Un autre opérateur britannique avait également engagé des démarches pour participer à un appel d'offres pour l'exécution de fouilles préventives à Saint-Omer, auquel elle n'avait cependant pas donné suite. Enfin, la Oxford Archeological Unit a été retenue dans le cadre d'un appel d'offres pour un marché public d'études concernant les fouilles archéologiques programmées des vestiges du château de la ville de Mayenne. Par ailleurs, on peut également relever que trois entreprises espagnoles situées à Barcelone (Arqueociencia, Arque SCP et Arqueocat) se sont portées candidates dans le cadre d'un appel d'offres lancé par le conseil général des Pyrénées orientales pour l'exécution de fouilles préventives rendues nécessaires par un projet d'aménagement routier près de Perpignan.
C. - Les aménageurs
Les aménageurs sont soit des collectivités et des entreprises publiques (Etat, collectivités territoriales, sociétés d'économie mixte, offices de HLM, grands établissements comme EDF, GDF, la SNCF, la RAPT ou Aéroport de Paris, ou sociétés autoroutières), soit des entreprises privées (promoteurs-constructeurs, exploitants de carrières de granulats...). Les aménagements concernent soit des chantiers localisés (travaux de construction immobilière, aménagements de carrefours routiers, exploitation de carrières), soit des chantiers linéaires (réseaux routiers, autoroutiers ou ferrés).
Les aménageurs commandent ou exécutent des travaux qui peuvent être « à effet archéologique » et, dès lors, se trouvent soumis aux règles instituées en matière de protection du patrimoine archéologique. Ils sont, d'une façon générale et à des degrés divers selon leur secteur d'activité, sensibilisés à la question des fouilles et aux procédures suivies, mais, en tout état de cause, ils doivent, quel que soit leur statut, eu égard aux dispositions existantes en matière de découvertes fortuites et à leur responsabilité pénale, se plier aux règles imposées en la matière.
Le pacte archéologique entre l'aménageur et l'Etat se matérialise par une convention, à laquelle l'opérateur de fouille est associé, qui trouve son origine dans la présomption que les travaux envisagés sont susceptibles de menacer ou vont compromettre un site archéologique (ce qui a été précisé par les services régionaux de l'archéologie). Dans cette convention, l'aménageur fait état de son souhait de procéder à la reconnaissance et à la fouille des vestiges en indiquant, par exemple, qu'il « accepte de mettre à disposition les moyens matériels et financiers pour assurer la prise en compte de la protection du patrimoine archéologique enfoui » et il « choisit de confier la réalisation des travaux archéologiques » à tel opérateur avec lequel il s'engage à passer une convention séparée, cet opérateur étant, le plus souvent, l'AFAN. Les conventions sont passées, avec les aménageurs, à titre individuel et pour chaque chantier, à l'exception des programmes d'interventions archéologiques dans les carrières qui sont généralement fixés par des conventions passées par des associations d'exploitants regroupés par zones géographiques pour tenir compte du mode particulier d'exploitation des gisements.
Le principe du financement des fouilles archéologiques préventives par les aménageurs ne résulte pas de l'application de dispositions législatives ou réglementaires, mais d'un usage qui s'est peu à peu imposé en raison des contraintes auxquelles ils sont soumis.
Si, à l'origine, les fouilles archéologiques de sauvetage étaient, en toute circonstance, décidées par l'Etat, en application du titre 2 de la loi validée du 27 septembre 1941, les aménageurs confrontés à l'existence d'un site archéologique ont fini par être considérés comme demandant l'exécution de fouilles destinées à leur permettre de s'acquitter de leurs obligations, fouilles qui sont alors effectuées sous le régime du titre premier de la loi. Dans ce schéma, l'intérêt de l'aménageur étant de libérer au plus vite de l'« hypothèque archéologique » le terrain sur lequel doivent s'effectuer les travaux, il s'engage à faire exécuter les fouilles sans attendre qu'elles soient éventuellement prises en charge par l'Etat (ce qui reste, aujourd'hui, l'exception). Une convergence d'intérêts entre les services de l'archéologie et les aménageurs a donc conduit ces derniers à prendre en charge le financement de l'exécution des fouilles, quitte à obtenir, le cas échéant, une subvention de l'Etat couvrant une partie des dépenses.
Cette situation s'est pérennisée et s'est trouvée, en outre, consacrée par certaines dispositions de l'article 6 de la convention de Malte concernant le financement de la recherche et conservation archéologique. La seule disposition réglementaire française qui traite de la responsabilité financière des aménageurs est celle qui leur impose d'intégrer les préoccupations relatives au patrimoine archéologique dans les études d'impact dont la réalisation est à leur charge. On peut également voir une reconnaissance officielle de ce principe dans les dispositions de l'article 236 ter du code général des impôts, applicables pour les dépenses engagées à compter du 1er janvier 1997 qui permet la déduction des dépenses exposées au titre de l'archéologie préventive des résultats de l'entreprise dans le calcul de l'assiette de l'impôt.
Si cette procédure est, d'une façon générale, appliquée, les aménageurs ont soulevé, néanmoins, différentes questions liées à l'importance et à la croissance des coûts des fouilles ainsi qu'au choix de l'opérateur, pour remettre en cause le recours quasi exclusif aux services de l'AFAN proposé par les services régionaux de l'archéologie ; ces questions portent autant sur la responsabilité de l'AFAN dans l'élaboration des devis que sur les compétences des conservateurs régionaux de l'archéologie, qui ont notamment pour mission d'établir le cahier des charges que l'opérateur des fouilles devra appliquer, de proposer le responsable des fouilles et d'examiner la composition de l'équipe de fouilles, et sur celles des commissions interrégionales de la recherche archéologique (CIRA), qui interviennent également dans l'évaluation scientifique des opérations, dans la nomination de leur responsable et sont tenues informées de leur déroulement. Dans quatre d'entre elles, siège un représentant de l'AFAN.
Si l'augmentation considérable des coûts des fouilles archéologiques préventives est souvent dénoncée, rien ne vient, en revanche, démontrer l'origine de cette augmentation, qui peut être éventuellement imputable partiellement à l'AFAN, mais également à l'importance accrue des prescriptions scientifiques contenues dans les cahiers des charges établis par les conservateurs régionaux de l'archéologie.
Certains aménageurs considèrent que les dépenses engagées pour réaliser les fouilles lors de la phase de diagnostic ne devraient pas être à leur charge puisque cette opération a pour but de démontrer l'existence de vestiges archéologiques et de leur imposer l'exécution de fouilles préventives. Il apparaît, cependant, outre le fait que les dispositions prévues pour les travaux soumis à l'étude d'impact, qui est à la charge des aménageurs, impliquent l'exécution de ce diagnostic par l'aménageur, que les opérations de diagnostic interviennent après une phase d'études documentaires réalisées par les services de l'archéologie et sont nécessaires à l'établissement des prescriptions scientifiques sur la base desquelles le devis devra être établi.
Certains aménageurs cherchent à diminuer l'importance des coûts des fouilles préventives en prenant certaines dispositions, en accord avec l'opérateur, telle que la prise en charge directe de ce qui ne relève pas stricto sensu de l'archéologie, et notamment la fourniture du matériel ou des engins de chantier.
Par ailleurs, certains aménageurs ont fait état de leurs regrets de ne pouvoir recourir à la concurrence pour retenir l'opérateur de fouilles de leur choix, alors même qu'ils sont contraints de le faire pour d'autres prestations du fait des dispositions existantes. C'est dans cette optique que le département des Pyrénées-Orientales a lancé un appel d'offres pour l'exécution de fouilles préventives dans un projet d'aménagement routier. A cette occasion, le principe de l'appel à la concurrence a été pris en compte par le conservateur régional de l'archéologie ainsi que par la CIRA, qui s'est prononcée sur les candidatures reçues en précisant : « La CIRA prend acte du nouveau dispositif et accepte la mise en concurrence d'équipes scientifiques... Le débat fait ressortir qu'une réelle concertation doit avoir lieu entre le service régional de l'archéologie et le maître d'ouvrage (...) pour établir les éléments de l'appel d'offres. Les objectifs scientifiques doivent être indiqués de façon très explicite ».
Le recours à la concurrence pour l'exécution de fouilles préventives est cependant demeuré très exceptionnel ; il en existe un autre cas, déjà évoqué : l'appel d'offres lancé par la ville de Saint-Omer. Il n'est pas sans intérêt de noter que cette démarche émane, à ce jour, des seules collectivités territoriales.
Dans de nombreux cas, les aménageurs, notamment ceux qui gèrent des chantiers importants, considèrent que l'AFAN est, actuellement, le seul opérateur à pouvoir satisfaire, en termes de moyens et de délais, aux exigences auxquelles ils sont confrontés.
III. - L'APPLICATION DES REGLES DE CONCURRENCE
A titre liminaire, le Conseil rappelle que, saisi sur le fondement de l'article 5 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 d'une question générale de concurrence, sa réponse est fondée sur les règles qui gouvernent le droit de la concurrence et exclut tout appréciation au regard d'autres dispositions.
A. - Les principes
1. La nature de l'activité :
En droit communautaire comme en droit national, l'application des règles de concurrence est fonction de la nature de l'activité exercée, la nature juridique des entités en cause étant indifférente à l'appréciation portée.
- En droit communautaire
La Cour de justice des Communautés européennes rappelle, dans chaque affaire dans laquelle la nature de l'activité est en cause : « que dans le contexte du droit de la concurrence, la notion d'entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement » (par exemple : arrêt Cancava du 17 février 1993).
Cette appréciation l'a conduite à décider que « les caisses de maladie ou les organismes qui concourent à la gestion du service public de la sécurité sociale remplissent une fonction de caractère exclusivement social.(...) Il s'ensuit que cette activité n'est pas une activité économique et que, dès lors, les organismes qui en sont chargés ne constituent pas des entreprises au sens des articles 85 et 86 du traité ». Cette décision s'appuie, en particulier, sur le fait que : « dans l'exécution de leur mission, les caisses appliquent la loi et n'ont donc aucune possibilité d'influer sur le montant des cotisations, l'utilisation des fonds et la détermination du niveau des prestations » (arrêt Cancava précité).
A l'inverse, ayant constaté que l'affiliation à un régime complémentaire était facultative, que ce régime reposait sur le principe de la capitalisation et que les prestations auxquelles il donnait droit dépendaient uniquement du montant des cotisations et des résultats financiers de l'organisme gestionnaire, la Cour a conclu : « Un organisme à but non lucratif, gérant un régime d'assurance vieillesse destiné à compléter un régime de base obligatoire, institué par la loi à titre facultatif (...) est une entreprise au sens des articles 85 et suivants du traité » (Arrêt Cnavma du 16 novembre 1995).
L'analyse de la nature de l'activité économique comme critère de l'entreprise a également été menée par la Cour dans son arrêt « Eurocontrol » du 19 janvier 1994 portant sur la nature de l'activité exercée par l'Organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne (Eurocontrol). La Cour constate que Eurocontrol exerce notamment des activités d'établissement et de perception de redevances de route, auxquelles sont assujettis les usagers de l'espace aérien et des activités opérationnelles de contrôle de la navigation aérienne.
Elle relève, en particulier, que la détermination des redevances prend notamment en compte un « taux unitaire », mais que « ce taux n'est pas fixé par Eurocontrol mais par chacun des Etats contractants pour l'utilisation de son espace aérien... Les redevances sont perçues pour le compte des Etats auxquels elles sont reversées, déduction faite d'une fraction de la recette correspondant à l'application d'un » taux administratif « et destinée à couvrir les frais de perception des redevances ». Eurocontrol ne peut donc véritablement influer sur le montant des redevances de route. Par ailleurs, pour ce qui est de l'activité opérationnelle de contrôle, cette organisation « dispose de prérogatives et des pouvoirs de coercition dérogatoires au droit commun... ». Enfin, son financement est assuré « par les contributions des Etats contractants ». La Cour considère donc que Eurocontrol « assure ainsi, pour le compte des Etats contractants, des missions d'intérêt général... » et elle conclut que Eurocontrol ne constitue pas une entreprise au sens des article 86 et 90 car : « Prises dans leur ensemble, les activités d'Eurocontrol, par leur nature, par leur objet, et par les règles auxquelles elles sont soumises, se rattachent à l'exercice de prérogatives, relatives au contrôle et à la police de l'espace aérien, qui sont typiquement des prérogatives de puissance publique. Elles ne présentent pas un caractère économique justifiant l'application des règles de concurrence du traité ».
Il convient de souligner qu'en ce qui concerne la question de savoir ce qui relève ou non du droit de la concurrence, la Cour a constamment procédé à une interprétation extensive de la notion d'entreprise et, donc, par voie de conséquence, a exprimé une conception restrictive des missions de service public. Elle a précisé, à cet égard, dans un arrêt du 18 mars 1997 (affaire Diego Cali & Figli Srl et Servizi ecologici porto di Genova SpA) : « en ce qui concerne l'application éventuelle des règles de concurrence du traité, il convient de distinguer entre l'hypothèse où l'Etat agit en exerçant l'autorité publique et celle où il exerce des activités économiques de caractère industriel ou commercial consistant à offrir des biens ou des services sur le marché... A cet égard, il n'importe pas que l'Etat agisse directement par le moyen d'un organe faisant partie de l'administration publique ou par le moyen d'une entité qu'il a investi de droits spéciaux ou exclusifs ».
- En droit national
Le champ d'application de l'ordonnance du 1er décembre 1986 est fixé par les dispositions de son article 53, aux termes duquel, selon la rédaction issue de l'article 6 de la loi n° 95-127 du 8 février 1995 : « Les règles définies à la présente ordonnance s'appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de service, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégations de service public ».
Ces dispositions conduisent donc le Conseil de la concurrence, lorsqu'il est saisi, à vérifier, dans un premier temps, la nature de l'activité des entreprises ou des organismes dont les pratiques sont dénoncées comme étant anticoncurrentielles. C'est ainsi que, dans sa décision n° 96-D-66 du 6 novembre 1996 relative à des pratiques mises en oeuvre par divers organismes et entreprises dans le secteur de la collecte et la transformation du lait, le Conseil a considéré que les refus opposés par l'Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers à des demandes de transfert de quantités de référence et des pénalités exigées à tort, ne constituaient pas de la part de cet organisme une activité de service ou de distribution au sens de l'article 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 mais relevaient de ses missions réglementaires. Dès lors, le Conseil a décidé qu'il ne lui appartenait pas « de se prononcer sur les conditions dans lesquelles l'Onilait a pris ses décisions qui relèvent de la seule juridiction administrative ».
En revanche, dans sa décision 97-D-71 du 7 octobre 1997 relative à des accords intervenus entre la Ligue nationale de football et la société Adidas Saragan France, le Conseil a précisé que « dans le contexte du droit de la concurrence (...) les clubs de football professionnel constituent des entreprises soumises en tant que telles aux dispositions des articles 85 du traité de Rome et 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, lorsqu'ils se livrent à des activités de production, de distribution ou de services ;(...) que la Ligue nationale de football, association regroupant l'ensemble des clubs professionnels de première et deuxième divisions, se trouve soumise aux mêmes dispositions lorsqu'elle agit en tant que leur représentant commun dans ces activités ». Au-delà de la mission de service public impartie à la Ligue nationale de football pour l'organisation de compétitions sportives, le Conseil, au terme de son analyse, a considéré que l'accord conclu « doit être regardé comme détachable des dispositions (...) du règlement de la LNF » de sorte que les pratiques liées à cette convention relèvent d'une activité entrant dans le champ de compétence du Conseil de la concurrence.
2. Les dispositions de l'article 90 du Traité de Rome :
L'article 90 du Traité permet aux Etats membres de déroger, sous certaines conditions, aux principes du droit de la concurrence. En effet, aux termes de cet article : « 1. Les Etats membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n'édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles du présent traité, notamment à celles prévues aux articles 7 et 85 à 94 inclus.
2. Les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal sont soumises aux règles du présent traité, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l'intérêt de la Communauté ».
L'article 90, paragraphe 1
L'article 90, paragraphe 1, prévoit l'existence de droits exclusifs ou spéciaux, mais les conditions de leur octroi ne sont pas de facto compatibles avec les règles du Traité.
D'une part, ces dispositions visent des entreprises, c'est-à-dire des entités qui exercent des activités économiques ; lorsqu'elle est saisie, la Cour recherche donc quelle est la nature des activités exercées en vérifiant notamment leur objet et les règles auxquelles elles sont soumises, parmi lesquelles pourront figurer les principes sur lesquels repose leur financement. Cette analyse lui permet de distinguer entre l'exercice de prérogatives de puissance publique et l'exercice d'activités soumises à la logique du marché et, donc, susceptibles d'être exercées dans un but lucratif par des entreprises privées.
Ainsi, dans l'arrêt du 10 décembre 1991 (Merci convenzionali porto di Genova Spa c/ Siderurgica Gabrielli Spa) relatif à l'organisation des opérations portuaires (embarquement, débarquement, transbordement, dépôt de marchandises) dans le port de Gênes, la Cour a considéré que : « une entreprise portuaire qui bénéficie de l'exclusivité de l'organisation des opérations portuaires pour le compte de tiers, de même qu'une compagnie portuaire qui bénéficie de l'exclusivité de l'exécution des opérations portuaires doivent être considérées comme des entreprises investies par l'Etat de droits exclusifs, au sens de l'article 90, paragraphe 1 ». La Cour a, en effet, constaté que les opérations portuaires ne revêtaient pas « un intérêt économique général qui présente des caractères spécifiques par rapport à celui que revêtent d'autres activités de la vie économique ». L'exclusivité ainsi conférée ne conduirait pas à soustraire ces entreprises aux règles du Traité.
D'autre part, l'octroi de tels droits doit rester compatible avec les règles du Traité. A cet égard, la Cour a rappelé : « Il est de jurisprudence constante qu'une entreprise qui bénéficie d'un monopole légal sur une partie substantielle du marché commun peut être considérée comme occupant une position dominante au sens de l'article 86 du traité » ce qui n'est pas, en tant que tel, incompatible avec les dispositions de l'article 86 - la jurisprudence ne condamnant pas, en soi, la constitution d'une position dominante - sauf si « l'entreprise en cause est amenée par le simple exercice des droits exclusifs qui lui ont été conférés, à exploiter sa position dominante de façon abusive ou lorsque ces droits sont susceptibles de créer une situation dans laquelle cette entreprise est amenée à commettre de tels abus », la mesure étatique conduisant alors à un abus automatique de position dominante. Ainsi, dans ses conclusions sur cette affaire, l'avocat général considérait qu'une « législation nationale qui incite, oblige ou conduit inévitablement une entreprise visée à l'article 90, paragraphe 1, à exploiter de façon abusive une position dominante qu'elle détient dans une partie substantielle du marché commun, ou à adopter une pratique concertée avec une autre entreprise, abus ou pratique qui consisterait, pour des opérations portuaires, demandées ou non, et parfois même pas exécutées, à appliquer des prix ou d'autres conditions inéquitables, ou à restreindre les débouchés ou le développement technique au détriment des usagers, ou encore à appliquer des conditions inégales à des prestations équivalentes à des partenaires commerciaux, est incompatible avec les dispositions combinées de l'article 90, paragraphe 1, et de l'article 86 ou de l'article 85 du traité CEE ». Cette jurisprudence a été de nouveau consacrée par la Cour dans un arrêt du 12 février 1998 (affaire Silvano Raso).
L'article 90, paragraphe 2
L'article 90, paragraphe 2, permet aux Etats de confier des missions d'intérêt général à des entreprises, indépendamment de leur nature juridique. Ces dispositions prévoient, néanmoins, que ces entreprises restent soumises aux règles de la concurrence, sauf s'il est établi que le respect de ces règles rend impossible l'exercice des missions qui leur sont imparties. La Cour a ainsi indiqué : « Pour que la dérogation à l'application des règles prévues à l'article 90, paragraphe 2 de ce traité puisse jouer, il ne suffit pas seulement que l'entreprise en cause ait été investie par les pouvoirs publics de la gestion d'un service économique d'intérêt général, mais il faut encore que l'application des règles du traité fasse échec à l'accomplissement de la mission particulière qui a été impartie à cette entreprise et que l'intérêt de la Communauté ne soit pas affecté » (arrêt Merci précité).
Dans l'arrêt Corbeau du 19 mai 1993, la Cour a encore précisé que les dispositions de l'article 90, paragraphe 1, doivent être lues en combinaison avec celles du paragraphe 2 : « Cette dernière disposition permet ainsi aux Etats membres de conférer, à des entreprises qu'ils chargent de services d'intérêt économique général, des droits exclusifs qui peuvent faire obstacle à l'application des règles du traité sur la concurrence, dans la mesure où des restrictions à la concurrence, voire une exclusion de toute concurrence, de la part d'autres opérateurs économiques, sont nécessaires pour assurer l'accomplissement de la mission particulière qui a été impartie aux entreprises titulaires de droits exclusifs ».
Selon la Cour : « La régie des postes est chargée d'un service d'intérêt économique général consistant dans l'obligation d'assurer la collecte, le transport et la distribution du courrier, au profit de tous les usagers, sur l'ensemble du territoire de l'Etat membre concerné, à des tarifs uniformes et à des conditions de qualité similaires sans égard aux situations particulières et au degré de rentabilité économique de chaque opération individuelle ». Il ne s'agit donc pas, pour l'entreprise, de rechercher un profit optimal, mais de poursuivre la mission d'intérêt général qui lui a été confiée par l'Etat et l'octroi des droits exclusifs est indispensable pour assurer à l'entreprise chargée de cette mission l'équilibre économique nécessaire à son existence.
Dans cette optique, la suppression de la concurrence peut donc être un des moyens pour l'entreprise bénéficiaire des droits exclusifs « d'assurer ses services dans des conditions d'équilibre économique », en lui permettant notamment de compenser les résultats obtenus dans les secteurs les moins rentables par ceux des secteurs rentables. Il y a lieu, cependant, de relever que, dans des arrêts du 23 octobre 1997 sur les droits exclusifs d'importation de gaz et d'électricité évoqués ci-dessous, la Cour a précisé sa jurisprudence en indiquant, d'une part, qu'il convient d'assurer à l'entreprise des « conditions économiquement acceptables » et que, d'autre part : « Il n'est pas nécessaire que la survie de l'entreprise soit elle-même menacée ».
Une même logique a conduit la Cour, dans son arrêt Commune d'Almelo du 27 avril 1994, à rappeler qu'une société est investie d'une mission d'intérêt général dans la mesure où elle s'est vue conférer, par une concession de droit public non exclusive, la mission d'assurer la fourniture d'énergie électrique dans une partie du territoire national : « une telle entreprise doit assurer la fourniture ininterrompue d'énergie électrique, sur l'intégralité du territoire concédé, à tous les consommateurs, distributeurs locaux ou utilisateurs finals, dans les quantités demandées à tout moment, à des tarifs uniformes et à des conditions qui ne peuvent varier que selon des critères objectifs applicables à tous ses clients (...) Des restrictions à la concurrence d'autres opérateurs économiques doivent être admises, dans la mesure où elles s'avèrent nécessaires pour permettre à l'entreprise investie d'une telle mission d'intérêt général d'accomplir celle-ci ».
Enfin, c'est également dans le même sens que la Cour s'est prononcée dans les arrêts du 23 octobre 1997 sur les droits exclusifs d'importation et d'exportation de gaz et d'électricité déjà cités en précisant : « Compte tenu de l'intérêt.... des Etats membres, il ne saurait leur être interdit de tenir compte, lorsqu'ils définissent les services d'intérêt économique général dont ils chargent certaines entreprises, d'objectifs propres à leur politique nationale et d'essayer de réaliser ceux-ci au moyen d'obligations et contraintes qu'ils imposent auxdites entreprises ».
Il convient donc de justifier que la mission en cause ne pourrait être accomplie de manière efficace par aucun autre moyen que le recours à cette dérogation. Dans l'arrêt Corbeau, la Cour a cependant précisé : « L'exclusion de la concurrence ne se justifie cependant pas dès lors que sont en cause des services spécifiques, dissociables du service d'intérêt général, qui répondent à des besoins particuliers d'opérateurs économiques.... En outre, la Cour a également précisé : « S'il est vrai qu'il incombe à l'Etat membre invoquant l'article 90, paragraphe 2, de démontrer que les conditions prévues par cette disposition sont réunies, cette charge de la preuve ne saurait aller jusqu'à exiger de cet Etat membre, lorsqu'il expose de façon circonstanciée les raisons pour lesquelles, en cas de suppression des mesures incriminées, l'accomplissement des missions d'intérêt économique général dans des conditions économiquement acceptables serait, à ses yeux, mis en cause, d'aller encore plus loin pour démontrer, de manière positive, qu'aucune autre mesure imaginable, par définition hypothétique, ne puisse permettre d'assurer l'accomplissement desdites missions dans les mêmes circonstances » (arrêts du 23 octobre 1997 précités).
Dans les arrêts sur les droits exclusifs d'importation et d'exportation de gaz et d'électricité, la Cour a précisé certaines conditions nécessaires à l'application de l'article 90, paragraphe 2.
L'entreprise concernée doit avoir été chargée de la gestion d'un service d'intérêt économique général par une décision administrative : « Pour qu'une entreprise puisse être considérée comme étant chargée de la gestion d'un service d'intérêt économique général... il faut qu'elle le soit en vertu d'un acte de la puissance publique... Toutefois, il n'est pas pour autant requis qu'il s'agisse d'un acte législatif ou réglementaire. En effet, la Cour a déjà admis qu'une entreprise puisse être chargée de la gestion d'un service d'intérêt économique général en vertu d'une concession de droit public » .
Mais, la Cour a défini les limites rigoureuses dans lesquelles cette mesure doit intervenir : « Pour que des obligations imposées à une entreprise chargée de la gestion de services d'intérêt économique général puissent être considérées comme relevant de la mission particulière qui lui a été impartie, il faut qu'elles présentent un lien avec l'objet du service d'intérêt économique général en cause et qu'elles visent directement à contribuer à la satisfaction de cet intérêt » .
Enfin, il convient de souligner que la Cour considère que l'application des dispositions de l'article 90, paragraphe 2, doit être d'interprétation stricte dans la mesure où elle implique une dérogation aux règles fondamentales de la concurrence. Elle estime, en particulier, que si une activité, dont elle aura vérifié la nature et l'objet ainsi que les règles la régissant, a un caractère économique et est susceptible d'être exercée, en principe, par une entreprise privée et dans un but lucratif, elle ne saurait échapper aux règles de la concurrence en étant exercée dans le cadre de la gestion d'un service d'intérêt économique général après que des droits exclusifs aient été conférés à l'entreprise qui en est chargée. Ne relèvent, en fait, de cette notion de service d'intérêt général « que des activités qui bénéficient directement à la collectivité » (arrêt Merci précité et conclusions de l'avocat général).
En conclusion, au regard des règles ci-dessus rappelées, la justification d'un monopole légal ne peut donc être admise que sous certaines conditions de forme et de fond d'interprétation stricte.
Par ailleurs, il y a lieu de souligner que les règles de concurrence font partie du bloc de légalité au regard duquel le Conseil d'Etat apprécie aujourd'hui les actes de dévolution des services publics. Statuant sur la légalité d'un contrat de concession du service public des pompes funèbres, le Conseil d'Etat a décidé que : « les clauses de ce contrat ne peuvent légalement avoir pour effet de placer l'entreprise dans une situation où elle contreviendrait aux prescriptions susmentionnées de l'article 8 [de l'ordonnance du 1er décembre 1986] » , le commissaire du Gouvernement ayant, pour sa part, souligné que, par référence à la théorie de l'abus automatique de position dominante, sur laquelle s'était déjà fondé le Conseil d'Etat dans l'arrêt FFSA du 8 novembre 1996 : « Cette règle [article 8] interdit à l'autorité publique de placer une entreprise en situation d'abuser d'une position dominante. Notre conviction est qu'il appartient au juge de la légalité des actes administratifs d'en imposer le respect » (CE 3 novembre 1997, sociétés Million et Marais, Intermarbre et Yonne funéraire).
B. - Appréciation des questions de concurrence soulevées par la demande d'avis
1. Organisation du secteur de l'exécution des fouilles archéologiques préventives :
a) Sur la transformation du quasi monopole de l'AFAN
La demande d'avis porte notamment sur le point de savoir si l'instauration d'un monopole légal en faveur de l'AFAN est compatible avec les règles de la concurrence. Cette analyse sera poursuivie tant du point de vue du droit national que du point de vue du droit communautaire, éclairée par les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes qui a développé sa jurisprudence sur l'application des dispositions de l'article 90 du Traité de Rome en liaison avec celles de l'article 86, en suivant une approche méthodologique qui porte successivement sur les conditions d'application des paragraphes 1 et 2 de l'article 90.
D'une façon générale, le Conseil constate qu'un certain nombre de services rendus en ce qui concerne les fouilles archéologiques préventives relèvent de missions de service public qui s'inscrivent dans le cadre juridique relatif à la protection du patrimoine et mettent en oeuvre des procédures d'autorisation, de prescription et de contrôle. Ces missions sont soit exercées par les services de l'Etat, soit prises en charge par l'Etat sous la forme de subventions versées pour leur accomplissement. Ces missions peuvent être distinguées de l'exécution même des fouilles préventives.
L'exécution des fouilles archéologiques préventives requiert des opérations matérielles, effectuées sous le double contrôle de la personne autorisée, par les services de l'Etat, à effectuer les fouilles et des services de l'Etat eux-mêmes. Les fouilles sont menées dans le respect de prescriptions scientifiques édictées par le conservateur régional de l'archéologie et ont pour but de mettre à jour des vestiges enfouis, susceptibles d'être détériorés ou détruits par des travaux d'aménagement prévus, et ce afin de les préserver ou de les étudier.
Pour mener à bien l'exécution de ces fouilles, les services de l'Etat suscitent l'intervention d'un opérateur de fouilles dont les prestations seront à la charge de l'aménageur ; il s'agit essentiellement, en ce qui concerne ce dernier point, d'une disposition qui repose sur l'usage et sur des accords réciproques matérialisés par une convention entre l'Etat et l'aménageur à laquelle est associé l'opérateur de fouilles, les relations entre l'aménageur et l'opérateur étant par ailleurs réglées par des engagements commerciaux réciproques.
Le Conseil relève que le cadre juridique existant ne précise pas dans quelles conditions s'effectue le choix de l'opérateur de fouilles. Cependant, en pratique, dans la presque totalité des cas, celui-ci ne résulte pas d'un appel à la concurrence car il est fait appel à l'AFAN, dont le rôle a été précisé par une convention-cadre passée entre cette association et l'Etat en 1992.
L'AFAN exerce alors une activité de services rémunérée sur la base de ses propres barèmes appliqués aux prescriptions du cahier des charges, concernant aussi bien les opérations nécessaires à la réalisation du chantier que la fourniture de matériel.
Des éléments qui précèdent concernant l'objet et les règles de fonctionnement, notamment financiers, de cette activité, il y a lieu de conclure que l'exécution des fouilles archéologiques préventives est une activité économique, entrant dans le champ d'application défini par l'article 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, et que, pour l'exercice de cette activité, l'AFAN doit être regardée comme une entreprise au sens de l'article 90, paragraphe 1, du Traité de Rome. Il convient de souligner, de ce point de vue, que cette qualification est indépendante de la nature juridique de la structure même de l'AFAN, que celle-ci demeure une association ou soit transformée en établissement public.
D'autre part l'application des dispositions de l'article 90, paragraphe 2, est d'interprétation stricte et suppose la prise en compte d'un certain nombre de conditions et notamment que les pouvoirs publics aient confié, par un acte de la puissance publique, à l'entreprise les missions en question et que ces activités soient d'intérêt général.
Il y a lieu d'observer, à cet égard, que la notion de service d'intérêt économique général a été interprétée comme visant des activités bénéficiant directement à la collectivité (4). Ainsi, l'avocat général, dans l'affaire Merci, a précisé cette notion, en indiquant que, si l'aménagement d'un port constituait indubitablement un service d'intérêt économique général, il n'en allait pas de même des activités de compagnies portuaires qui consistent à exécuter des opérations portuaires ou à les organiser pour le compte de tiers, sauf à admettre que cette notion couvrirait toutes les activités économiques. Transposée au secteur des fouilles archéologiques préventives, cette analyse devrait conduire à considérer que, si relève d'une mission de service public la protection du patrimoine archéologique, il n'en va pas de même pour les opérations liées à l'exécution même des fouilles.
Par ailleurs, le Conseil constate qu'il existe en France, mais également dans d'autres pays d'Europe, d'autres opérateurs à qui des fouilles préventives sont parfois confiées ou qui en recherchent l'exécution.
Le Conseil estime, en conséquence, que l'exécution des fouilles archéologiques préventives constitue une activité de nature économique qui est aujourd'hui exercée par divers opérateurs et que l'initiative privée n'est pas défaillante dans ce secteur. Dès lors, conférer des droits exclusifs, voire un monopole, pour l'ensemble des opérations d'exécution des fouilles n'apparaît ni indispensable, ni nécessaire pour l'exécution de cette mission particulière ou d'une partie des opérations en cause.
b) Les mesures propres à assurer la protection du patrimoine
Le caractère irréversible des opérations de fouille archéologique pose le problème des risques que pourrait présenter l'ouverture à la concurrence de ce secteur : la recherche, par certains aménageurs, d'une réduction des coûts et des délais d'investigation pourrait conduire à la destruction ou à la dégradation d'éléments du patrimoine et faire échec à l'exécution de la mission d'intérêt général définie par l'Etat, en contradiction avec les engagements pris pour la protection du patrimoine archéologique dans la convention de Malte.
Le Conseil rappelle, à cet égard, qu'un grand nombre de dispositions législatives ou réglementaires permettent d'ores et déjà de prévenir de tels comportements : l'autorisation délivrée à une personne qualifiée responsable de l'exécution des fouilles, l'avis donné et le suivi assuré par une commission scientifique, l'intervention du conservateur régional de l'archéologie à différents niveaux (établissement des prescriptions scientifiques, contrôle des opérations de terrain, des opérations de post-fouilles...) et les dispositions du code pénal. Mais, en tout état de cause, certaines dispositions complémentaires pourraient être adoptées afin d'éviter de tels risques.
D'une part, des mesures à assurer l'indépendance de l'opérateur des fouilles par rapport à l'aménageur pourraient être instaurées. Elles seraient de nature à garantir que les fouilles sont effectuées en prenant pleinement en compte les contraintes imposées par les prescriptions scientifiques, sans pour autant avoir d'effet restrictif sur la concurrence.
D'autre part, il serait utile de clarifier les relations entre la personne autorisée à effectuer les fouilles et l'opérateur lui-même. A cet égard, il a été constaté, par exemple, que l'examen effectué par la CIRA pouvait porter, pour un même dossier, simultanément sur les compétences de la personne physique qui demande l'autorisation de fouiller et sur celles de l'équipe qu'elle représente, dépendant l'une et l'autre d'un même opérateur. Dans cette hypothèse, on ne peut exclure que la distinction entre le titulaire de l'autorisation et l'équipe de fouille ne soit purement formelle et qu'il n'existe, le cas échéant, un lien originel entre le responsable de la fouille et son équipe.
Une modification du mode d'attribution des autorisations de fouilles, qui seraient non plus délivrées à une personne physique mais à une équipe formée, représentée par son responsable, pourrait être un moyen de rendre plus transparente l'attribution des chantiers. Cette procédure, dès lors qu'elle s'accompagnerait notamment d'une obligation, pour l'attributaire d'un chantier, de respecter la composition de l'équipe pour laquelle il a été retenu, ainsi que de contrôles réalisés sur le terrain à l'instar des contrôles scientifiques déjà en place pour les opérations en cours, permettrait de respecter le principe de la responsabilité scientifique conférée, à titre personnel, au responsable des fouilles. A cet égard, il convient de souligner que le principe de la mise en concurrence des responsables scientifiques à désigner comme maître d'oeuvre des fouilles étant acquise (5), la modification envisagée assurerait la mise en concurrence concomitante de l'équipe chargée de l'exécution des fouilles.
Enfin, le Conseil estime qu'un régime d'agrément ou de qualification des entreprises (comme il en existe aussi bien dans le secteur des monuments historiques que dans d'autres secteurs comme le contrôle technique) pourrait être instauré, à la condition qu'il respecte, dans la définition et dans l'application des critères de choix des entreprises, les règles d'objectivité, de non discrimination et de transparence imposées par le droit national et communautaire de la concurrence.
Ces dispositions ainsi que le principe d'une mise en concurrence des entreprises par appels d'offres détaillés, comprenant les prescriptions scientifiques définies par le conservateur régional de l'archéologie, devraient permettre le jeu normal de la concurrence dans le respect des engagements souscrits à Malte par la France.
2. Position dominante de l'AFAN et règles de concurrence :
Compte tenu de son importance dans l'exécution des fouilles archéologiques préventives et du poids de ses concurrents éventuels, l'AFAN pourrait être regardée comme disposant d'une position dominante sur le marché des fouilles archéologiques préventives. Par ailleurs, l'Etat lui a confié certaines missions spécifiques, notamment la réalisation de la carte archéologique de la France, pour lesquelles elle reçoit des subventions.
L'AFAN, exerçant une activité de production et de services, est, comme toute entreprise, soumise au droit de la concurrence et particulièrement aux dispositions de l'article 86 du traité de Rome et de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 réprimant les abus de position dominante, quelles que soient la spécificité et les particularités de ses activités et notamment les missions de service public qui lui ont été ou qui peuvent lui être confiées. Dès lors, sa situation ne doit pas la conduire à abuser de sa position dominante, tant sur le marché sur lequel elle occupe une telle position, que sur des marchés connexes ou voisins, sur lesquels elle aurait décidé d'intervenir.
De ce point de vue, la Commission européenne a souligné, dans son rapport pour l'année 1994 : « Comme tous les monopoleurs détiennent par définition une position dominante, il leur appartient tout particulièrement de veiller à ne pas agir de façon abusive. A titre d'exemple (...) ils doivent prendre soin de ne pas utiliser les recettes qu'ils tirent de leurs activités soumises à monopole pour subventionner leurs ventes dans d'autres secteurs, défavorisant ainsi de manière artificielle les concurrents » .
Ainsi, la coexistence, au sein de l'AFAN, d'activités dont le financement est assuré par des subventions et d'activités qu'elle pourrait exercer dans le cadre d'une politique éventuelle de diversification dans des secteurs concurrentiels (par exemple : chantiers relatifs à des monuments historiques, activités pédagogiques, culturelles, animations, publications...) pourrait générer des subventions croisées entre activités, de nature à faciliter des pratiques de prix prédateurs à destination des clients situés sur ces marchés concurrencés, compensés par des surcoûts pesant sur ses clients dans le cadre de l'exécution des fouilles préventives et à interdire l'accès au marché de compétiteurs potentiels. De telles pratiques, qui seraient sans doute contraires à sa mission de service public, constitueraient également des infractions aux règles de la concurrence.
Lorsqu'une entreprise détenant une position dominante sur un marché du fait de ses droits exclusifs exerce à la fois des activités liées à ses missions de service public et des activités ouvertes à la concurrence, le contrôle du respect des règles de la concurrence nécessite que soit opérée une séparation claire entre ces deux types d'activité, de manière à empêcher que les activités en concurrence ne puissent bénéficier pour leur développement des conditions propres à l'exercice des missions d'intérêt général, au détriment des entreprises opérant sur les mêmes marchés. Les autorités de concurrence considèrent généralement que la séparation des comptes constitue une condition nécessaire à l'exercice du contrôle du respect des règles de concurrence. Au cas d'espèce, il serait donc nécessaire que l'AFAN dispose, le cas échéant, d'une comptabilité appropriée permettant d'individualiser les coûts de ses différentes activités et de vérifier l'absence de subventions croisées dans le cadre de ses activités de diversification.
Le Conseil relève également que la mission confiée à l'AFAN pour la réalisation de la carte archéologique de la France peut lui octroyer, sur le marché des fouilles préventives ouvert à la concurrence, par sa connaissance des dossiers, un avantage qu'elle pourrait utiliser pour évincer ses concurrents. Une telle pratique pourrait faire l'objet d'une qualification d'abus de position dominante et il conviendrait donc de la prévenir.
De même, si les opérations de diagnostic doivent demeurer une prérogative de l'Etat, leur réalisation peut donner à l'entreprise qui en est chargée une connaissance du terrain et de la teneur des fouilles qui seront à exécuter, ce qui peut, dans ce cas également, lui conférer, en aval, un avantage de nature à fausser le jeu de la concurrence. Il conviendrait donc également de garantir que le fait, pour une entreprise, d'avoir été choisie pour effectuer des investigations préalables ne conduise à lui assurer quasi automatiquement le marché de l'exécution des fouilles préventives ultérieurement définies, faisant ainsi échec à toute mise en concurrence.
D'une façon générale, le Conseil estime qu'il y a lieu de garantir la mise en oeuvre des principes de la concurrence, au premier rang desquels sont la transparence, l'interdiction des subventions croisées entre activités et la séparation des fonctions exercées dans le cadre des missions de service public et des activités de nature économique.
Par ailleurs, le Conseil considère qu'il y aurait lieu de modifier la structure des CIRA dans la composition desquelles est notamment prévue la présence d'un « archéologue bénévole ou un archéologue salarié d'une association ayant une activité dans le domaine de l'archéologie et ayant passé une convention avec l'Etat » , l'AFAN, seule, répondant à cette dernière définition et étant, de fait, représentée dans quatre de ces commissions sur six. La présence d'un représentant de l'association dans l'instance chargée de donner un avis sur les chantiers auxquels l'association postulera ultérieurement est, en effet, de nature à fausser le jeu de la concurrence.
Enfin, le Conseil rappelle que les abus de position dominante ne se limitent pas aux pratiques de subventions croisées et de prix prédateurs : les refus d'accès à un bien ou les agissements déloyaux peuvent être également de nature anticoncurrentielle. Sur le dernier point, les comportements suivants ont été condamnés par les autorités de concurrence, dès lors que, commis par un opérateur en position dominante, ils avaient un objet ou un effet anticoncurrentiels : le dénigrement d'un concurrent, une allégation de nature à induire en erreur ou ayant pour objet ou pour effet de détourner les clients potentiels de l'offre concurrente. Dans un secteur où domine l'aspect scientifique, de tels agissements mettant en cause les connaissances et les compétences d'autres entreprises pourraient leur nuire durablement et leur interdire l'accès au marché ou compromettre leur présence.
Délibéré, sur le rapport de M. Patrick Véglis, par M. Barbeau, président, MM. Cortesse et Jenny, vice-présidents, Mme Boutard-Labarde, MM. Robin, Rocca, Sloan et Thiolon, membres.
Le rapporteur général, Marie Picard
Le Président, Charles Barbeau
NOTES
(1) De telles dispositions figurent également dans l'article L. 112-7 du code de la construction.
(2) Quoiqu'elle ne fût pas alors ratifiée.
(3) Il faut lire, aujourd'hui : « service régional de l'archéologie » .
(4) Cf. point 27 des conclusions de l'avocat général, arrêt Merci précité.
(5) Cf. notamment la position exprimée à ce sujet par le Syndicat général des personnels du service public de l'archéologie dans une plate-forme datée de mars 1996.
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