Grand Ouest : vers un nouveau modèle de construction bas carbone
Jean-Philippe Defawe
Une page de l'histoire de la construction s'écrit sur le site de La Janais, à Chartres-de-Bretagne, près de Rennes (Ille-et-Vilaine). Longtemps exclusivement voués à l'industrie automobile, ces 240 ha, où ont été produits une vingtaine de modèles pour PSA - devenu Stellantis -, sont en pleine mutation autour de deux axes : la mobilité durable et l'écoconstruction. Côté mobilité, le constructeur automobile y produira sa prochaine voiture électrique et le site accueille un atelier de rénovation de TGV. Côté construction, une partie des anciennes lignes d'assemblage a d'abord été investie par Eiffage, dont la filiale B3 Ecodesign transforme des conteneurs maritimes de dernier voyage en logements, puis par le groupe immobilier Réalités, qui a monté un atelier de construction bois hors site de près de 14 000 m2.
La transformation de La Janais en est à ses débuts. Eiffage Aménagement a acquis un foncier de 21 ha auprès de Stellantis et développe une nouvelle zone d'activités de 40 000 m², tandis que la région Bretagne, Rennes Métropole et la SPLA Territoires, propriétaires de 53 ha, ambitionnent de créer un pôle d'excellence industrielle 4.0.
Solutions immobilières. Inaugurée en grande pompe le 16 mai, en présence de l'ancien ministre Arnaud Montebourg, chantre du « made in France » et de la réindustrialisation, et de Dominique Florack, honoraris chairman R&D de Dassault Systèmes, l'usine de construction modulaire BuildTech portée par le groupe Réalités (364 M€ de CA en 2022, 1 200 salariés) et son P-DG Yoann Choin-Joubert s'inscrit dans ce mouvement. « C'est une tentative de faire entrer le monde de la construction et de la promotion dans le XXIe siècle », résume le fondateur du groupe immobilier, qui se présente depuis plusieurs années, non plus comme un promoteur, mais comme un développeur territorial, en proposant aux collectivités des solutions immobilières complètes avec diverses offres d'usages (résidences gérées, sports et loisirs, prévention et santé, restauration…). « Pour l'heure, notre outil n'est encore qu'un PoC [proof of concept ou test grandeur nature, NDLR]. Tout reste à faire pour monter en puissance en embarquant un maximum de nouvelles technologies dans le processus industriel, comme le jumeau numérique avec Dassault Systèmes par exemple, afin d'abaisser les coûts à moins de 2 000 €/m2 », assure le dirigeant.
Le marché de la construction hors-site en France pourrait atteindre 20 % en 2030
Pour cela, le groupe a fait évoluer sa filiale Réalités BuildTech (ingénierie et construction bois hors-site) en la rendant indépendante. Désormais dénommée Mayers, elle va ouvrir son capital à hauteur de 13 M€, avec l'objectif de devenir un acteur majeur de la construction bas carbone en proposant ses produits à l'ensemble des acteurs du marché (promoteurs, entreprises de construction, bailleurs sociaux… ). Pour l'heure, Mayers, dont le chiffre d'affaires atteint 30 M€ avec 150 collaborateurs, prévoit la livraison de 33 opérations, soit 1 910 logements, dont 520 en septembre 2024 pour le campus de la Rennes School of Business, tandis qu'une autre résidence étudiante est à l'étude sur le futur site olympique. L'usine produit déjà 75 000 m² de façade 2D par an et vient de lancer la production de modules 3D. « Nous sommes en capacité de produire trois modules de 18 m² de surface habitable par jour », précise Quentin Goudet, directeur général de Mayers.
Crise du logement, transition écologique, pénurie de main-d'œuvre : sur le papier, la construction industrialisée répond aux grands enjeux du BTP. Selon le cabinet de conseil McKinsey, le marché de la construction hors site en France pourrait atteindre 20 % en 2030. Pourtant, aucun acteur n'émerge véritablement et les échecs sont encore nombreux. « Nous sommes très conscients des risques. Mais je constate aussi que ces échecs, à l'image d'E-Loft ou de Cougnaud dans la région, sont ceux d'industriels qui ne connaissaient pas la promotion immobilière et l'expérience client. Notre but est d'avoir les deux cultures », assure Yoann Choin-Joubert, qui n'exclut pas que Mayers devienne, à terme, une « licorne de la construction bas carbone ».