Google va-t-il vraiment révolutionner la conception des bâtiments ?
Issue du laboratoire de recherche Google X, la plateforme Flux permet de transférer des données entre logiciels utilisés dans la construction. Malgré les ambitions prêtées au géant de Mountain View dans le secteur du bâtiment, cette solution semble pour l'instant concerner assez peu d'acteurs.
JULIE NICOLAS
Le bâtiment constitue-t-il la prochaine étape de la révolution menée par Google ? La question se pose avec la montée en puissance de « Flux », une spin-off de Google créée en 2015. Son ambition est de faciliter l'échange de données entre deux logiciels : Grasshopper de Rhinocéros et Dynamo d'Autodesk, deux logiciels qui génèrent des formes et que l’on appelle couramment des « modeleurs ».
Directeur des établissements franciliens du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), Dominique Naert est persuadé que le géant de la recherche en ligne entend s'attaquer au secteur du le bâtiment. Sur LinkedIn, il rappelle que le logement abordable pour la population urbaine constitue l'un des deux défis mondiaux qu'entend relever Google, à côté du changement climatique. « La firme de Moutain View estime le marché mondial de la construction à 5 milliards de dollars par an, ce qui permettrait à la plateforme Flux de générer 120 milliards de dollars/an pour Google », indique-t-il.
Autre argument mis en avant par Dominique Naert pour souligner les ambitions de Google : Flux est dirigé par l’architecte américaine Michelle Kaufmann, qui n’est autre qu’une ancienne associée de Frank Gehry. La société compte également des développeurs très compétents qui ont travaillé sur des sujets comme les voitures sans chauffeurs ou les Google Glass.
Flux évite les démarches fastidieuses d'import/export
Pour autant, tous ne partagent pas cet enthousiasme. C'est le cas notamment de Daniel Hurtubise, architecte, BIM manager et responsable de la réalité virtuelle au sein de l’agence Renzo Piano Building Workshop (RPBW). Il a fait partie de ceux qui ont testé la version beta de Google Flux l'an dernier. Et il reste mitigé sur les ambitions de Google à révolutionner le secteur de la construction : « Flux est avant tout une plateforme permettant d’importer des données entre le logiciel Grasshopper de Rhinocéros et son équivalent chez Autodesk, à savoir Dynamo ». Or, Grasshopper et Dynamo ne permettent pas de faire des plans ou de construire des bâtiments « Certes, créer une plateforme qui facilite les échanges entre ces deux logiciels sans passer par les démarches fastidieuses d’import/export est très intelligent, mais très peu d’architectes utilisent les deux logiciels », poursuit Daniel Hurtubise. Lui-même, n’utilise pas Rhino et travaille uniquement sous Dynamo : il n’a donc pas besoin de Flux.
Un autre indice suggère que Google n'envisage pas de s'accaparer tous les outils liés à la construction : le groupe californien a revendu le logiciel de modélisation 3D SketchUp à Trimble en 2012. Une vente qui pourrait témoigner du désintérêt, du moins pour le moment, de la firme de Mountain View pour le secteur de la construction.
Pas de recrutement chez Flux côté construction
Les autres critiques concernent les moyens humains dont dispose Flux. Certes, l'entité est dirigée par l'architecte Michelle Kaufmann, mais aucun autre recrutement de spécialistes de la construction n'a encore eu lieu. Et, pour Manuel Liedot, directeur général de Graitec, revendeur platinium d’Autodesk pour l’Europe, ce n'est pas en cours : "nous aurions eu vent de recrutements chez Google en ce sens".
Enfin, Xavier Soule, président directeur général d’Abvent enfonce le clou : « Bien sûr, nous avons entendu parler de Flux, mais ce qu’ils proposent -à savoir une conception en temps record d’un bâtiment qui tienne compte de toutes les contraintes urbanistiques, thermiques, énergétiques, etc…- et l’idée sous-jacente que les technologies du numérique vont révolutionner la conception des bâtiments sont complètement incongrus ! ».
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