Fines lames à Valence
Pour insérer cet immeuble d’habitation entre un boulevard haussmannien et l’A7, à Valence (Drôme), l’architecte Christian Drevet la joue fine : deux ailes minces au lieu d’un bloc massif...
GABRIEL EHRET
Dans l’enchaînement des boulevards qui entourent le vieux Valence, l’avenue Gambetta est le dernier maillon avant le Rhône. L’immeuble de 25 logements sociaux que l’architecte Christian Drevet a élevé sur son trottoir nord vient d’en prolonger le front bâti presque jusqu’au fleuve, dont seuls le séparent le quai et l’autoroute du Midi. Placé en position d’éclaireur, l’édifice avait pour son concepteur à concilier des exigences multiples et parfois contradictoires : poursuivre l’ordonnance haussmannienne du boulevard tout en la destructurant afin de signifier que la ville est en constante recomposition, se faire compact pour l’efficacité énergétique et en même temps amène vis-à-vis de ses occupants.
Ce dernier point est au centre de la proposition que l’architecte a formulée lors du concours organisé par l’Office public de l’habitat de Valence. Construire un monolithe n’aurait eu à ses yeux que des inconvénients, dans ce contexte précis. A chacun des sept niveaux, deux des quatre logements auraient été mono-orientés, dont un plein nord. Les logements traversants se seraient quant à eux étirés sur 15 mètres de profondeur. Le hall et les espaces de service (locaux vélos et poubelles, plus 25 places de stationnement), tous à rez-de-chaussée vu l’impossibilité de construire en sous-sol, seraient restés continuellement en lumière artificielle. Le pignon, enfin, n’aurait offert côté Rhône qu’un écran uniforme et massif.
Le choix a donc été d’exploiter plus en profondeur la parcelle : l’emprise bâtie ainsi étalée, le programme peut se scinder en deux fins corps de bâtiment, encadrant une cour aménagée en jardin et stationnements. De la sorte, la totalité des logements sont traversants, et reçoivent un maximum de lumière naturelle. Ainsi également, les surfaces affectées aux circulations collectives se réduisent, l’accès aux deux ailes s’effectuant par un escalier central. Ses paliers s’ouvrent sur la cour et en reçoivent un éclairage naturel. Ladite cour permet à la lumière du jour de se propager aussi dans le hall et les locaux de service, d’autant mieux que ce niveau bas est presque libre d’éléments porteurs, ceux-ci consistant principalement en pilotis. Pareille perméabilité du niveau bas accroît la circulation de l’air à travers la cour, et donne à celle-ci tout son pouvoir de convection, pour évacuer par le haut les chaleurs estivales.
L’action de cette sorte de cheminée rafraîchissante est complétée par le système constructif : des pré-murs constituent l’ensemble des façades, hormis les loggias et les blocs suspendus aux ailes de chaque côté de la cour (ces derniers, montés sur ossature bois, accueillent salles de bains et toilettes). Les pré-murs, avec l’isolant qu’ils contiennent, renforcent l’inertie thermique du béton, donc le confort d’été, de même qu’ils amoindrissent les ponts thermiques. Un tel système de façades s’inscrit dans la composition tripartite que déroule l’enfilade des immeubles haussmanniens. De fait, le socle est donné par le rez-de-chaussée au béton sablé, coulé sur place (le prémur ne s’imposant pas pour les volumes non chauffés que sont le hall et les locaux de service) ; la partie noble est formée par les cinq premiers étages où le prémur a reçu un matriçage de cannelures au rythme aléatoire (code-barre ou tiges végétales?); le couronnement apparaît dans un dernier étage où le matriçage du prémur figure comme un moutonnement de nuages.
Fiche techniqueMaîtrise d’ouvrage : Office public de l’habitat de Valence. Maîtrise d’œuvre : Christian Drevet architecture. BET : Betem (structures et fluides). Surface : 1636 m² SHAB. Entreprises principales : Bernaud bâtiment 26 (gros œuvre), Favrat (ossature bois des blocs sanitaires), Valette serrurerie (serrurerie). Coût des travaux : 2,O3 millions d’euros HT.