Exclusif : ce que le nouveau projet de loi «droit à l’erreur» va changer

Rebaptisé « projet de loi pour un Etat au service d’une société de confiance », le texte vient d’obtenir, après un second passage devant le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN), l’avis favorable de cette institution. Il pourrait bien révolutionner les rapports entre l’administration et les entreprises, et modifier en profondeur le droit de la construction. "Le Moniteur" en dévoile le contenu.

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Exclusif : ce que le nouveau projet de loi «droit à l’erreur» va changer
Le projet de loi vise à instaurer un droit à l'erreur... et une obligation de résultat dans la construction

Le gouvernement avait sorti l'artillerie lourde. Après un premier passage catastrophique en juillet devant le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN), le projet de loi relatif au droit à l'erreur et à la simplification a décroché le 9 novembre dernier un avis favorable de l'instance chargée de veiller aux intérêts des collectivités territoriales. Le secrétaire général du gouvernement lui-même, accompagné d'une armée de directeurs généraux de l'administration centrale, était venu défendre le texte. Et s'est engagé à l'améliorer encore (notamment en ce qui concerne la simplification du contrôle de légalité) avant son examen par le Parlement, indique un participant. Au passage, l’on découvre que le projet de loi, que « Le Moniteur » s’est procuré, a changé de dénomination. Il s’intitule désormais « pour un Etat au service d’une société de confiance ».

Voici l’essentiel des dispositions qui concerneront les acteurs du BTP. A noter que la réforme du statut de la copropriété, qui figurait dans le projet de texte présenté cet été, n’est pas reprise ici et devrait être embarquée dans la future loi Logement. Idem s'agissant de la refonte (suite à la suspension du décret "tertiaire") de l'obligation de travaux d'économie d'énergie dans le secteur tertiaire.

Sommaire

Construction

Numérique

Environnement

Relation renouvelée avec l'administration

Réforme du contrôle de légalité

Construction

Afin de faciliter la réalisation de projets de construction et de favoriser l’innovation en la matière, le projet de loi (article 30) établit une obligation de résultat pour le maître d’ouvrage et prévoit une réforme du livre 1er du Code de la construction et de l’habitation.
Cet article habilite ainsi le gouvernement à prendre, par ordonnance, d’une part – et de manière provisoire dans l’attente d’une seconde ordonnance – des mesures autorisant les maîtres d’ouvrage de bâtiments à déroger à certaines règles de construction s’ils apportent la preuve de l’atteinte de résultats équivalents aux règles auxquelles il est dérogé.

D’autre part, une seconde ordonnance pourra prévoir des mesures visant à instaurer un droit permanent aux maîtres d’ouvrage à satisfaire leurs obligations en matière de construction selon deux nouvelles modalités. A cet égard, le maître d’ouvrage aura le choix :
- de suivre des solutions de références, c’est-à-dire des objectifs de moyens déterminés à l’avance par le pouvoir réglementaire. Le fait de suivre ces objectifs vaudra alors, selon l’exposé des motifs du projet, « présomption d’atteinte des résultats » ;
- ou, c’est la seconde option, d’apporter « la preuve qu’il [le maître d’ouvrage] parvient, par les moyens qu’il entend mettre en œuvre, à des résultats équivalents à ceux découlant de l’application des normes de référence ». Pour Cyril Croix, avocat au sein du cabinet Seban et associés, cette deuxième option, plus difficile à mettre en œuvre, pourrait toutefois être facilitée par la mise en place du BIM. La maquette numérique permet en effet « d’avoir, avant le premier coup de pioche, le résultat de ce qui sera construit ».

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Numérique

Carnet numérique du logement

Prévu par l’article 11 de la loi de Transition énergétique (LTE), le carnet numérique de suivi et d’entretien du logement doit rassembler toutes les informations utiles à « la bonne utilisation, à l’entretien et à l’amélioration progressive de la performance énergétique ». Or, la rédaction de la LTE a soulevé un certain nombre de questions juridiques relatives à la création, à l’alimentation initiale et à la transmission de ce carnet numérique. L’ensemble de ces points a fait l’objet d’un rapport remis en avril 2016. Afin de répondre à ces questions, douze expérimentations ont été lancées sous l’égide du Plan de transition numérique pour le bâtiment (PTNB) en décembre de la même année.

La prochaine étape est maintenant de s’appuyer sur ces retours d’expérience afin de préparer un encadrement juridique du carnet numérique, ce que prévoit l’article 27 du présent projet de loi. Le texte propose de modifier par ordonnance la mesure législative existante, en particulier de préciser les éléments manquants relatifs aux responsabilités de création et de mise à jour du carnet numérique. Il prévoit également d’englober tous les travaux relatifs à l’amélioration de la performance énergétique et environnementale et de maintenir le logement social hors du dispositif. Parmi les principaux changements du projet de loi figure une nouvelle date d’entrée en vigueur du carnet numérique : l’obligation entrera en vigueur au 1er janvier 2020 pour le neuf, et au plus tard le 1er janvier 2025 pour les bâtiments existants.

Un « Dites-le nous une fois » élargi

A titre expérimental, l’article 22 prévoit, pour une durée de quatre ans, que les entreprises qui y consentent ne seront « pas tenues de communiquer à l’administration des informations que celle-ci détient déjà dans un traitement automatisé ou qui peuvent être obtenues d’une autre administration par un tel traitement ». Objectif : simplifier la tâche des opérateurs économiques, en limitant les pièces demandées à l’appui de leurs démarches administratives.
En pratique, l’exposé des motifs du projet de loi explique qu’il s’agit de « capitaliser sur l’API-entreprise, qui met à disposition des administrations des données issues de treize bases concernant les entreprises afin d’alléger de façon drastique les formalités des entreprises et proposer des services innovants comme « Marché public simplifié » ». Pour mémoire, ce service MPS permet à un candidat à un marché public de répondre avec son seul numéro de Siret, le dispositif récupérant alors automatiquement les données fiscales, sociales etc. requises.

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Environnement

Autorisation environnementale

Parallèlement à la loi, il est prévu qu’un décret soit adopté pour permettre à un pétitionnaire de présenter au préfet, à l’appui de sa demande d’autorisation environnementale, un projet de décision. Le projet de loi prévoit donc de rendre compte, dans le rapport annuel qui sera remis au Parlement concernant la Stratégie nationale de l’action publique, de l’application de ces dispositions réglementaires (article 15).

Simplification des règles environnementales

De nombreuses mesures de simplification du droit de l’environnement sont en outre prévues par le projet de texte. Voici les plus emblématiques.

- Procédure de participation du public applicable à certains projets soumis aux législations sur l'eau et sur les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) lorsqu’ils sont nécessaires à l'exercice d'une activité agricole (article 41) : le projet propose, à titre expérimental et dans certaines régions, de remplacer l'enquête publique par une participation du public par voie électronique lorsqu’un projet aura fait l'objet d'une concertation préalable organisée sous l'égide d'un garant conformément aux dispositions de l'article L. 121-16-1 du Code de l'environnement.

- Règles applicables aux appels d’offres des projets éoliens en mer (article 43) : est envisagée la délivrance d’une autorisation en amont de toute procédure de mise en concurrence. Le texte précise également que la décision portant sélection du lauréat pourra valoir attribution de l’autorisation d’occupation du domaine public maritime dans les conditions et limites définies par les clauses de l’appel d’offres. Cet article simplifie aussi le raccordement au réseau des installations de production d’électricité renouvelable et le développement du réseau afin d’accélérer leur développement. Ces mesures, si elles aboutissent, seront adoptées par voie d’ordonnances.

- Mutualisation des modalités d’évaluation des anciens plans départementaux des déchets au niveau régional (article 46) : l’objectif est d’accélérer la procédure d’élaboration des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet). L’article 19 de l’ordonnance n° 2016-1028 du 17 juillet 2016 portant sur ces schémas avait prévu une évaluation des anciens plans départementaux des déchets, par des commissions consultatives départementales. Toutefois, l’ancienneté et l’absence d’activité de ces anciennes commissions rendaient difficiles ces évaluations. Le projet de loi prévoit donc que seront saisies de cette évaluation les commissions régionales consultatives d’élaboration et de suivi (art. R. 541-21 du C. env.). Pour le CNEN, qui s’était réjoui de cette mesure lors de la présentation du projet « droit à l’erreur » cet été, cette mesure permettrait de réduire le nombre de contentieux en la matière.

Lutte contre la sur-transposition des directives européennes

Le projet entend également remédier à des sur-transpositions du droit de l’Union européenne. Deux mesures sont préconisées (article 44) :

- la suppression de l’obligation de soumettre, à enquête publique, à l’occasion d’un réexamen périodique des installations visées par la directive 2010/75/UE du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles (directive IED), les demandes de dérogations aux valeurs limites d’émissions. Le projet n’impose plus qu’une mise à disposition du public (art. L. 515-29 du C. env.). A noter que la directive IED prévoit uniquement une « consultation du public ».

- la simplification des règles relatives à l’évaluation environnementale en cas de modification ou d’extension d’installations, ouvrages, travaux ou activités existants. L’article L. 122-1 du Code de l’environnement relatif aux projets relevant d’un examen au cas par cas est enrichi d’un nouvel alinéa. Ce dernier prévoit que, lorsque le projet porte sur la modification ou l’extension d’une installation soumise à une police spéciale (ICPE et installations, ouvrages, travaux et activités soumis à la législation sur l’eau), le maître d’ouvrage devra saisir, pour savoir si le projet doit ou non faire l’objet d’une évaluation environnementale, non pas l’autorité environnementale, mais « l’autorité compétente en charge de cette police spéciale ».

Infractions au Code de l’environnement

En cas d’infractions au Code de l’environnement, les personnes mises en cause devront recevoir systématiquement copie des procès-verbaux de constat desdites infractions (article 21). Objectif : permettre à la personne mise en cause au stade de l'enquête judiciaire d'être informée rapidement et de mieux comprendre les infractions qui lui sont reprochées, afin de pouvoir prendre toutes mesures utiles.

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Relation renouvelée avec l’administration

Droit à l’erreur

Promesse de campagne du candidat Macron, un droit à l’erreur est consacré au profit des administrés (article 1er). En cas de première méconnaissance involontaire d’une règle applicable à des obligations déclaratives (ou soumises à contrôle) et susceptible d’être régularisée, l’administré échappera à la sanction ou à la perte de son droit. L’exposé des motifs précise que le droit à l’erreur ne pourra jouer pour les erreurs les plus grossières, comme « le non-respect des délais de paiement dans les contrats entre entreprises ». Le principe est encadré de certaines exceptions : pas de droit à l’erreur, par exemple, lorsque la santé publique ou l’environnement est en cause.
En corollaire, un droit au contrôle est institué. L’administré pourra ensuite se prévaloir des conclusions de ce contrôle.

A noter : les articles suivants (3 à 5) du projet de loi déclinent le droit à l’erreur dans certains champs particuliers (fiscalité, douanes). L’article 7, lui, « permet une meilleure modulation des sanctions administratives qui peuvent être prononcées par la Direccte en cas de manquements aux dispositions du Code du travail qui encadrent les modalités de décompte du temps de travail, les durées maximales du travail, les repos, le salaire minimum prévu par la loi ou les conventions collectives ainsi qu’aux règles applicables en matière d’hygiène, de restauration et d’hébergement des travailleurs », détaille l’exposé des motifs de la loi. Un droit à la clémence, en somme. Face à une entreprise de bonne foi, la Direccte disposera ainsi d’une troisième voie, entre l’absence de sanction et la sanction pécuniaire : le prononcé d’un avertissement.

Opposabilité des circulaires

Une dose de sécurité juridique en plus… L’article 8 consacre un droit à l’opposabilité des circulaires et instructions régulièrement publiées, lorsqu’elles servent à interpréter le droit applicable ou à décrire les procédures administratives sur tel ou tel sujet. Jusqu’à présent, seules les circulaires et instructions publiées sur Legifrance étaient opposables par les administrés. Demain, chaque service de l’Etat en charge d’une politique publique devra diffuser ses textes sur un site Internet dédié, à l’instar de ce que fait déjà l’administration fiscale avec le BOFiP-Impôts. Un décret listera ces sites. Toute personne pourra alors se prévaloir des dispositions de ces circulaires ou instructions.
En complément, l’article 11 énonce que les instructions et circulaires interprétant le droit positif ou décrivant les procédures administratives seront « réputées abrogées » si elles n’ont pas été régulièrement publiées dans les quatre mois suivant leur signature.

Généralisation du rescrit administratif

Déjà pratiqué en matière fiscale et douanière notamment, le rescrit consiste en une prise de position formelle de l’administration à la suite d’une demande d’un administré sur l’application d’une règle à sa situation. L’article 9 vise à généraliser ce rescrit. Ce dispositif continuera en revanche d’être exclu dans les situations de contrôle ou de contentieux en cours, et ne pourra empiéter sur le droit des tiers.
Dans le même esprit, l’article 10 prévoit une expérimentation pour trois ans relative aux « demandes de prise de position formelle ». C’est un peu le mariage du rescrit et du « silence vaut acceptation ». Il s’agit en effet pour l’administré de rédiger lui-même un projet de prise de position, qu’il soumet à l’administration en même temps que sa demande. Au bout de trois mois, l’absence de réponse vaudra présomption d’approbation du projet pré-rédigé. L’expérimentation ne portera que sur certains domaines, qui seront déterminés par un décret.

Recours accru à la transaction pour le règlement des litiges

Les modes de règlement alternatif des litiges ont le vent en poupe. En témoigne une fois encore l’article 13, qui obligera les administrations, en cas de contestation les exposant à un risque de condamnation pécuniaire, à examiner l’opportunité de recourir à la transaction. A partir d’un certain montant (à définir par décret), la transaction devra être préalablement soumise à l’avis d’un comité. Si l’avis rendu est négatif, la personne publique ne pourra conclure la transaction qu’après homologation par le juge qui aurait été compétent pour trancher le litige.

Référent unique

Pendant quatre ans, une expérimentation sera menée, par des collectivités territoriales ou des services de l’Etat, consistant à mettre en place dans un ressort territorial donné un référent unique par champ de compétence (article 16). Dans la logique du guichet unique, ce référent sera « l’interface exclusive d’un administré dans sa relation avec les services publics concernés », précise l’exposé des motifs du projet de loi. Qui cite parmi les expérimentations déjà en projet l’implantation, dans chaque région douanière, des pôles d’action économique qui seront les référents uniques des entreprises à l’export.

Limitation des contrôles infligés aux PME/TPE

Les régions Hauts-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes seront pilotes d’une expérimentation sur une durée de trois ans, visant à sauvegarder la « force productive » des PME et TPE (article 17). Un même établissement ne pourra ainsi subir des contrôles par l’administration pendant une durée cumulée supérieure à neuf mois sur une période de trois ans. A moins, bien sûr, qu’ existe à son encontre une présomption de manquement à une obligation légale ou réglementaire…

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Réforme du contrôle de légalité

L’article 42 vise à simplifier le contrôle de légalité (qui permet de garantir l’égale application de la loi sur le territoire national), en resserrant la liste des actes que les collectivités territoriales devront transmettre aux préfets. Par exemple, détaille l’exposé des motifs du projet de loi, ne seront plus soumis au contrôle de légalité « les délibérations qui déterminent les montants des redevances d’occupation, se rapportent à la désaffectation et au déclassement dans le domaine public », ou encore celles qui « portent création de régie ».
Cet article a été particulièrement critiqué par les élus réunis au sein du Conseil national d’évaluation des normes le 9 novembre. Ils considèrent que cette prétendue simplification ne profitera qu’à l’Etat. Selon un membre de cette instance, « il est plus simple pour les collectivités de transmettre, par un flux automatisé, l’ensemble des actes au préfet, que de devoir opérer un tri… ». Le secrétaire général du gouvernement s’est engagé en séance à reprendre sa copie sur cette partie du projet de loi.

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