Equerre d'argent La passerelle Solferino
Mardi 30 mai, l'architecte et ingénieur Marc Mimram recevra l'Equerre d'argent pour la passerelle Solferino. Le prix de la Première OEuvre sera remis à Tania Concko et Pierre Gautier pour le quartier de Zaanstad (Pays-Bas).
Comme le pont d'Arcole ou le pont Alexandre-III, la passerelle Solferino franchit la Seine en une seule enjambée, entre le jardin des Tuileries et le musée d'Orsay. De la forme singulière de la structure naissent deux cheminements, de quai à quai ou de berge à berge. A mi-parcours, ils se rencontrent. Là, le léger galbe de la passerelle forme deux belvédères sur la Seine. La structure très fine - elle n'excède pas 50 cm d'épaisseur à la clé et 1,10 m à l'appui - assure transparence et légèreté à l'ouvrage. Celui-ci est constitué de deux arcs jumeaux paraboliques de 106 m de portée, librement inspirés des poutres Vierendeel.
Reposant sur deux massifs de fondation sur berges, ces arcs sont composés de membrures reliées par des traverses. Chaque arc double supporte des bracons de section semi-elliptique et de longueur variable, positionnés en V. Ils sont solidarisés aux arcs par des pièces d'acier moulées selon une technique ancienne. Le tablier haut ainsi que les marches sont en bois d'ipé, le garde-corps en bois de doussié.
Fiche technique
Lieu : Paris, VIIe et Ier.
Maîtrise d'ouvrage : ministère de l'Equipement, des Transports et du Logement et ministère de la Culture et de la Communication.
Maîtrise d'ouvrage déléguée : Etablissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels.
Maîtrise d'oeuvre : Marc Mimram, architecte ; Daniel Vaniche, chef de projet ; Vincent Dominguez, assistant ; Marc Mimram Ingénierie SA, bureau d'études ; Sogelerg, bureau d'études associé.
Caractéristiques : longueur, 140 m ; portée, 106 m ; largeur variable de 11 à 15 m, platelage bois, 2 000 m2.
Côut : 60 MF HT.
Entreprises : Eiffel, charpente métallique ; Quillery, gros oeuvre ; Viry SA, serrurerie ; Leduc bois, platelages ; Charpentier PM, pierre.
« Mettre la technique au service d'un lieu et d'un projet »MARC MIMRAM architecte et ingénieur, concepteur de la passerelle Solferino La passerelle Solferino a été fermée au public quelques jours après son inauguration pour cause de glissance et de vibration. Quelles sont les conclusions des expertises menées ces derniers mois ?
MARC MIMRAM. Selon les conclusions des experts du ministère de l'Equipement, du Logement et des Transports, cet ouvrage apporte toutes les garanties de sécurité. Les phénomènes apparus ces derniers mois relèvent du confort de l'ouvrage, une notion subjective qui ne fait, à ce jour, l'objet d'aucune réglementation en Europe. S'agissant de la glissance du platelage, les essais du Centre scientifique et technique du bâtiment ont démontré qu'elle apparaît à partir de 15° de pente pour un platelage trempé dans une eau savonneuse pendant une semaine. Or, la pente maximale de la passerelle est de 3,5°.
Un revêtement antidérapant peut cependant être inséré dans le platelage, le long de deux cheminements situés entre les bancs et les garde-corps centraux.
Concernant l'éventuel inconfort lié aux déplacements verticaux et latéraux, le CSTB a aussi procédé à des essais. Sous la marche normale d'un groupe de 140 personnes, la passerelle se déplace verticalement de 7 mm, et sous vandalisme - une marche au pas cadencée - de 49 mm. Horizontalement, elle bouge de 24 mm et, sous vandalisme, de 57 mm. Soit des déformations nettement inférieures aux critères de flèches réglementaires, puisqu'elles représentent 1/2000e de la portée de l'ouvrage.
On peut néanmoins encore améliorer ces chiffres en plaçant des amortisseurs dynamiques sous le platelage, un dispositif fréquemment utilisé pour ce type d'ouvrage.
Comment avez-vous réagi à la polémique ?
Nous avons fait une analyse raisonnée de la question. Le bureau d'études de l'entreprise Eiffel a refait tous les calculs. Nous avons comparé les réglementations suisse, japonaise... La passerelle n'aurait jamais été fermée en Grande-Bretagne ou en Allemagne où des ouvrages beaucoup plus souples sont en service sans poser de problème particulier. Aujourd'hui, nous souhaitons rendre publiques ces conclusions, et demandons en tant que maître d'oeuvre l'ouverture de la passerelle. Cela dit, il ne faut pas sous estimer le débat suscité par la passerelle Solferino. Il est temps de définir avec précision les critères de confort pour les passerelles et d'envisager une réglementation, car la question risque d'être souvent posée avec les techniques innovantes développées sur ce type d'ouvrage. Ce qui serait regrettable, en revanche, c'est que cette expérience provoque un retour en arrière, et que l'on revienne à des solutions traditionnelles imposées par une réglementation restrictive.
Vers quoi s'orientent vos recherches aujourd'hui ?
L'époque durant laquelle la technique était considérée comme une discipline autonome et pouvait s'imposer comme telle est révolue. Cette attitude a donné naissance à des ouvrages normalisés, essaimés sur l'ensemble du territoire. Aujourd'hui, il me semble important d'exprimer la technique de son temps, mais plus encore, de la mettre au service d'un lieu et d'un projet. L'innovation doit être liée au regard et à la lecture d'un site ou d'un territoire. Avec la passerelle Solferino, nous voulions prouver que les ouvrages de franchissement sont aussi des espaces publics et, en tant que tels, se doivent d'être généreux. Son expression constructive ne s'abstrait pas de ce paysage exceptionnel, en plein coeur de Paris. Au contraire, elle sert le projet.
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