EQUERRE D'ARGENT Extension et restructuration d'un centre sportif, à Paris XVIIe
Installé en 1940 porte de Clichy, sur l'emprise des anciennes fortifications détruites pendant la Première Guerre mondiale, le centre sportif Léon-Biancotto est composé de trois bâtiments indépendants : un gymnase, une salle de sports collectifs et une piscine. Outre l'état général de délabrement, la séparation en trois édifices distincts provoquait des dysfonctionnements importants et privait d'espaces d'accueil cet équipement à la fonction sociale pourtant importante.
Le projet de Philippe Gazeau résout d'un geste unitaire l'ensemble des problèmes, tout en dotant l'équipement d'une nouvelle image. En créant une galerie de liaison de 150 m de longueur, il réunit les trois bâtiments derrière une nouvelle façade et couvre les espaces résiduels qui les séparaient. Cette liaison traverse le volume central, dont le mur ouest est reculé de 4 m mais dont les portiques de béton conservés et mis à nu signalent le volume d'origine. Dans cette métamorphose, les trois édifices initiaux ont gardé leurs volumétries, habillées d'un bardage métallique pour les parties extérieures, peintes pour les façades donnant désormais sur l'intérieur. La structure et la façade de la galerie sont les plus simples et les plus économiques possible, l'enveloppe financière ne comprenant pas le financement de cette liaison non prévue au programme. La façade est composée de panneaux de polycarbonate toute hauteur (Danpalon alvéolaire de 16 mm d'épaisseur) qui diffuse à l'intérieur une lumière crue et confère un caractère ambigu (mi-intérieur, mi-extérieur) à cet espace fédérateur.
FICHE TECHNIQUE
Maîtrise d'ouvrage : ville de Paris.
Maîtrise d'œuvre : Philippe Gazeau, architecte, (Jacques Forte, chef de projet, avec D. Barbanel, A. Kernevez, D. Lecoq, I. Taillandier).
Surface : 4 225 m² HON.
Coût des travaux : 3,51 millions d'euros (23 millions de francs).
Entreprises : SBB, entreprise générale ; Everlite, façade polycarbonate.
Les prix d'architecture 2000 du «MONITEUR» ont été remis le 5 avril 2001 par Catherine Tasca, ministre de la culture. Trois opérations sont récompensées parmi 15 bâtiments nominés (Liste en p. 19 du «MONITEUR» N° 5054 du 6 octobre 2000).
« Une projection au-delà des situations existantes»
Philippe Gazeau architecte
L'architecte est-il un homme de synthèse ou d'imagination?
Le travail sur l'extension et la restructuration du complexe sportif Biancotto est l'exemple d'un projet où la réponse a dépassé la question posée (rénovation de l'existant et création d'un accueil commun aux trois bâtiments séparés) pour métamorphoser l'image et le fonctionnement suggérés par le programme, en inventant l'élément unificateur qu'est la galerie de liaison. Ce n'est pas un travail de synthèse des demandes, mais d'écoute des non-dits, un effort d'imagination et de projection au-delà de situations existantes. Très concrètement, ce travail introduit une nouvelle histoire dans la réalité complexe du bâtiment.
Ce dépassement du programme est-il plus facile dans le cadre d'une réhabilitation ?
Il est plus facile de cerner les attentes non dites quand le bâtiment existe ; on peut déjà travailler sur ce qui ne marche pas et comprendre pourquoi. Mais on agit de la même façon quand on construit du neuf. Par exemple, pour la cuisine Curial que la commande définissait comme une succession de chambres froides, j'ai concentré le travail sur les espaces n'existant pas dans les surfaces utiles du programme (couloirs, escaliers) pour redonner du confort et du sens au projet tout entier. De la même façon, le grand « escalier-loggias » dans les logements de la rue de l'Ourcq invente une fiction imprévue par le programme.
Le gymnase n'a gagné en somme que de l'espace « inutile », non « fonctionnel» ?
Les bâtiments existent d'abord pour créer des situations au-delà des formes et des matières. Des situations, c'est-à-dire des états intermédiaires entre différentes structures urbaines et sociales, entre les composantes d'un programme. Notre travail est un processus intermédiaire mettant en relation des espaces et des temps différents à travers une autre histoire, une nouvelle mémoire.
Dans ce bâtiment, même l'ambiance est intermédiaire ; à l'intérieur de la galerie, on ne sait pas si on est dedans ou dehors. La lumière naturelle à travers le polycarbonate devient irréelle, les murs qui étaient extérieurs sont intégrés à l'intérieur du nouveau bâtiment. C'est une autre façon de mettre en oeuvre une fiction : créer de l'ambiguïté et surtout travailler sur la mémoire du bâtiment quand le mouvement de ses transformations s'accélère.
Les moyens mis en oeuvre sont simples. Est-ce un choix ou seulement une contrainte ?
Les structures et espaces simples sont souvent les plus aptes à être des médiateurs. L'architecture de ce bâtiment n'est sûrement pas une recherche esthétique ; elle serait même une réaction à la suresthétisation de certains équipements récents. Volontairement, rien n'est dessiné, tout est donné par l'histoire de la transformation, son efficacité, son économie : les portiques apparents de l'ancien gymnase racontent la décision de reculer la façade existante ; la structure métallique industrielle et les 150 m de façade en plastique d'un seul tenant témoignent du budget plus que serré. Pourquoi dessiner ? Je laisse le projet suivre sa logique, qui n'est déjà plus la mienne quand la fiction rattrape la réalité.
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